LA SOURIS.
C hacun connaît ce joli petit Rongeur, parasite incommode, que nous avons
porté sur tous les points de la terre où nos vaisseaux ont abordé. Il paraît être
naturel à nos contrées, du moins il y est établi de temps immémorial. S’il s’y
trouvait avant qu’elles fussent dans la possession de l’homme, il est difficile de
concevoir de quelle manière il vivait; et dans ce cas notre présence aurait singulièrement
modifié ses facultés instinctives. La Souris ne se creuse point de
terrier comme le Surmulot ou le Rat; elle ne ramasse rien pour l’hiver, et le
froid de cette saison ne l’engourdit pas; mais nos toits lui servent d’abri, et elle
partage nos provisions. Avant que ces ressources lui fussent offertes, ce qu’il est
permis de conjecturer sur son genre de vie, c’est qu’elle habitait les arbres creux,
les fissures des rochers ; ou que, profitant de l’industrie des autres animaux,
elle s’introduisait dans leurs demeures : dans les huttes des Castors, nombreux
autrefois chez nous, et peut-être même dans les terriers des Blairèaux et des
Renards, où elle trouvait de la chaleur et un peu de nourriture, .et où elle
était soustraite, par sa petitesse, à leur vue et à leur voracité. Mangeant de
tout, et peu de chose lui suffisant, elle soutenait son existence, durant l’hiver,
par quelques insectes, quelques bourgeons, ou l’écorce des jeunes branches'
attendant ainsi le retour du printemps et de la végétation ; et avec les beaux
jours et l’abondance revenaient sans doute aussi l’excès de la vie et le besoin
de l’amour. Notre influence paraît avoir changé cet ordre de choses : l’hiver
n’étant plus pour les Souris un temps de privation, elles se reproduisent à cette
époque de l’année comme à toutes les autres.
Ces animaux ne se réunissfent pas en troupes comme les Surmulots; chaque
individu vit isolément, et ils se recherchent lorsque le besoin de la propagation
les y porte. Legallois nous apprend que chez la Souris femelle, comme chez la
femelle du Cochon d’Inde, les parois de la vulve se collent après la copulation,
ainsi qu’après le part. La gestation dure, dit-on, environ vingt-cinq jours, et chaque
portée est de quatre à six petits, qui naissent entièrement nus et les yeux fermés
et que leur mère allaite durant une quinzaine de jours, après lesquels ils commencent
à chercher eux-mêmes leur nourriture. Bientôt ils éprouvent à leur tour
le besoin de se reproduire, et le terme de leur vie se réduit au plus petit
nombre des années. Leur existence est certainement renfermée dans un des
cercles les plus étroits, et il est peu d animaux qui aient plus d’ennemis qu’eux ;