leur base, elles s’assissent sur elles-mêmes et se reploient, Jusqu’au point de
devenir à peu prés, invisibles. Mais quelque bruit vient-il surprendre un Galago
durant son sommeil, il déploie et, pour ainsi dire, il débande toutes les parties
de son oreille, s’employant à tendre toute sa conque, d’autant mieux disposée
pour l’audition, qu’elle est entièrement nue.
Par ce trait, le Galago se rapproche des Chauve-souris, dont plusieurs plissent
et déploient de même leurs conques auriculaires. Des animaux qui ont des oreilles
nues et de cette grandeur éprouvent le besoin d’une combinaison, e t, je puis
dire, d’un appareil, qui leur permettent de pouvoir se soustraire pendant le jour,
où ils se tiennent dans le sommeil, au tumulte de la scène du monde.
Un arrangement pour fermer leur oreille est donc une autre sorte de paupière,
tenant aussi sous cloison un organe qui a d’autant plus besoin d’être soustrait â
toutes ses relations du dehors et comme à son travail habituel, que sa sensibilité
est rendue plus -exquise par sa grandeur excessivë-crsâ-plus'grande perfection.
CONSIDÉRATIONS SUR L’ANIMAL ANONIME, OU LE FENNEC.
Tel est l’animal qui, si je ne me trompe, était déjà introduit dans la science
sous des traits étrangers : il y est venu de plusieurs côtés, par les soins de
Buffon, de Brander, de Sparrman et de Bruce, et il s’y est montré sous des
noms bien différents, Anonime, Zerda, Vulpes minimus Saratensis, Fennec, Canis
Cerdo, etc., jusqu’à ce qu’enfin, grandissant sous la main des naturalistes occupés
de classifications, c’est-d-dire, de ces distributions universelles où l’on s’engage à
tout enseigner, qu’on le sache ou qu’on l’ignore, il arrivât à cet animal d’être
établi comme genre nouveau ; une première fois ( t8of ), sous le nom de Fennecus,
dans un Tableau méthodique des Mammifères du Dictionnaire A'Histoire naturelle,
imprimé chez Déterville (1) ; et pour la seconde fois ( 18 1 1 ) , sous le nom de
Mègalotis, dans le Prodromus Mammalium d’Illiger.
Ce qu’on notera sans doute comme digne de remarque dans la fortune de cette
espèce, qui d’abord reçut, à sa première apparition, la singulière désignation
Anonime, ce sont les éléments de sa description, qui se .sont accrus et sont
devenus déplus en plus explicatifs; e t, en effet, quand on lit les derniers détails
( dentes primores utrinque 6, inferlores in eadem serie collocati, etc. ) qu’y a consacrés
Illiger, en l’inscrivant comme genre dans son Système des Mammifères, qui
ne croirait que le Mègalotis ne leur doive d’être enfin arrivé à sa vraie place dans
la méthode, et qu’il n’ait été redevable de cet avantage aux progrès de l’observation,
à de nouvelles et de sérieuses études? Qui.pourrait se douter que, tout
au contraire, cet échafaudage soit cependant et justement menacé de ruine (2)?
Ce qui doit faire douter, en effet, de la réelle existence de cette espèce sous
les traits qui lui sont attribués, c’est, bien qu’elle soit recommandée par plusieurs
(1) Voyez le a4c volume de la première édition du Dictionnaire d ’Histoire naturelle, Déterville, éditeur. Voyez aussi,
à la date de 18 17 , dans la seconde édition de cet ouvrage, au mot F e n n e c , la réclamation qui suit:
« F e n n e c : F enn e cu s. Genre de Mammifères que j’ai établi.dans le a 4 e v o lum e de la première édition de ce dictionnaire,
» et qui depuis a été adopté par M. Illiger, sous le nom de Mègalotis. »
E sp è c e unique. ■— Le Fennec d’Arabie ( F enn e cu s A ra b ic a s , nobis ) ; C a n is C e rd o, G m e l. , etc., etc.
(2) M. le baron Cuvier a fait preuve de ce sentiment profond e t parfait, qui est le caractère de son talent en zoologie,
en publiant sur le F e n n e c , dans son Règne a n im a l, etc., la note suivante:
« Le Fennec de Bruce que Gmelin a nommé C a n is C e rd o , et Illiger Mègalotis, est trop peu connu : on n’en a décrit
» ni les dents ni lés doigts. » Tome I , p. i 55.
noms illustres, fondée sur quatre publications originales, et, de plus, établie sur
trois figures qui passent pour avoir le même caractère d’originalité5 c’est, dis-je,
que cette espèce ne repose dans le vrai que sur une seule observation nécessairement
incomplète, puisqu’elle fut faite sur un individu unique qui apparut un
moment, ou du moins qui échappa avant qu’on eût pris toutes ses mesures pour
l’étudier attentivement ; c’est enfin que les trois figures originales qu’on en a
données répètent toutes un dessin primitif contre l’exactitude duquel s’élèvent
aussi de très-fortes préventions.
voici, au surplus, ce qu’on sait de VAnonime3 ou, pour le désigner sous la
dénomination qui a prévalu, ce qu’on s^tit du Fennec.
Bruce, en 17 67, occupait à Alger l’emploi de consul général de la nation
anglaise, et M. Brander (1,) y résidait pareillement, représentant la Suède dans
la même qualité. Un soldat turc qui revenait du Biscara, pays dépendant de la
province de Constantine, en rapporta un Fennec, qu’il dit n’être pas rare dans
cette contrée. Ce joli animal, plus abondant, d’après le même rapport, chez les
Arabes Beni-Mezzabs et Werglahs, y est recherché pour sa fourrure, qu’on transporte
à la Mecque, doù elle passe dans l’Inde. Le Fennec apporté du Biscara
était vivant. Bruce dit qu’il le garda quelques mois ( M. Brander dit quelques
semaines ) , après quoi l’animal s’évada sans qu’il fût jamais possible ni de le
retrouver ni de s’en procurer un second à Alger.
Bruce parle d’un de ses domestiques qui savait dessiner : il faut bien que- ce
soit là le peintre cité par M. Brander, quand celui-ci assure que Bruce et lui
employèrent la même personne à dessiner l’animal du Biscara. Bruce raconte le
fait différemment : il aurait dessiné lui-même le Fennec, au lavis, en couleur,
souvent enfin5 et M. Brander n’aurait obtenu la copie qu’il emporta en Suède,
et qui fut, très-long-temps après, publiée par Sparrman, qu’après avoir séduit
ce domestique infidèle, et en avoir tiré cette même copie, qui fut faite à l’huile
d après un principal dessin colorié. Cette dernière circonstance est relatée par
Bruce lui-même.
L’intérêt que nous attachons à ce dessin, prototype qui a fait créer les faux
genres Fennecus et Mègalotis, m’engage à examiner ces récits, et à m’en expliquer
les contradictions.
Je ne connais pas la moralité de M. Brander, et je suis en conséquence disposé
à en penser^favorablement. Malheureusement je n’en puis dire autant du
caractère du consuftcCnglaiSî-Je-sais.( et je puis citer en preuve son Rhinocéros
à double corne ) qu’il en a souvent imposé à ses lecteurs. Écoutez Bruce dans
cette occasion. Cet énorme animal, dont il affirme quV/ donne la figure ( t. V ,
pl. 7.5 ), il l’a tué : c’est le premier portrait qu’on en ait donné, ajoute-t-il, et le
voilà tirant vanité de cette circonstance. Cependant ce portrait n’est pas original ;
il est pris à Buffon, chez lequel il représente, t. X I , pl. 7 , le Rhinocéros uni-
corne d’Asie, espèce qui a ses formes à part, et qui est surtout remarquable
par des plis de la peau beaucoup plus épais et plus profonds. Une corne de
plus ajoutée au nez de cet animal n’en a fait qu’un'être falsifié; supercherie qui
déplaît même par son extrême gaucherie; car encore eût-il fallu tout du moins
changer dans la copie le mouvement des oreilles et l’allure du modèle!
(0 Le même que le traducteur des OEuvres de Sparrman appelle Stioldebrand, joignant sa qualité de nouvel ennobli
a son nom, modifié pour le même sujet.