LE COUAGGA.
P ouk que les hommes soient portés volontairement à la continuité d’efforts
qu’exige la réduction des animaux sauvages á l’état domestique, on dirait qu’ils ont
encore besoin d’être dans un état à demi sauvage, qu’il est nécessaire que leurs
habitudes ne se soient point encore affermies, qu’aucun ensemble harmonieux ne
constitue et n’assure leur existence; car dès qu’ils ont pu se fixer dans certaines
pratiques, que leurs besoins et leur industrie ont pu s’arranger l’une pour l’autre,
et que leurs droits et leurs devoirs réciproques ont pu se multiplier à un certain
point, nous ne les voyons plus se livrer à ces sortes de soins : ils se contentent
des animaux qu’ils, .possèdent, et repoussent même tout ce qui pourrait leur être
offert en ce genre pour partager et adoucir leurs travaux.
Cette inertie, dans une espèce particulière d’industrie, tandis que tant d’activité
caractérise ordinairement les autres, tiendrait-elle à l’état où se trouve chez
nous la classe agricole? Il serait difficile d’en douter, et d’attribuèr ce phénomène
à une autre cause : car si la résistance que nous: opposons généralement á toute
innovation tient à une disposition essentielle de notre nature, et n’est qu’un acte
de prudence et de sagesse quand elle est renfermée dans certaines bornes , elle
ne peut plus être qu’un effet d’ignorance et de grossièreté lorsqu’elle est absolue,
et qu’elle s’étend à. toute idée, A toute proposition, par cela seule qu’elle est
nouvelle; elle n’est plus dans ce cas qu’un simple mouvement instinctif analogue
à celui qui détermine un animal à se défier et à fuir tout objet qui lui est inconnu.
Sans doute il serait inutile de faire quelques, efforts pour soumettre et
pour introduire dans notre économie rurale l’Hémionus qui parcourt les vastes
plaines de la Tartarie, ou le Bison qui peuple les forêts sauvages de l’Amérique
septentrionale; ces animaux ne nous rendraient d’autres services que ceux que
nous tirons du Cheval et du Boeuf, et de long-temps ils ne pourraient nous en
rendre autant. Mais, le Dromadaire et le Chameau seraient pour nous d’utiles
acquisitions, même dans nos usages actuels. La Vigogne fournirait à un nouveau
genre d’industrie; et nous citerons encore le Couagga comme un animal précieux
à admettre dans notre économie, par les services très - particuliers qu’il
pourrait nous rendre; caf, à en juger par ce que les voyageurs rapportent, cet
animal est doué d’un très-grand courage, et loin de fuir les animaux féroces de
taille moyenne, tels que les Hyènes, les Loups,, il les attaque lui-même, et parvient
ordinairement à les mettre en fuite; aussi l’élève-t-on avec les troupeaux,