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choisissent un abri soit dans le tronc d’un arbre creux, soit sous la saillie de
quelque rocher; ils le garnissent de feuilles sèches, et finissent par tomber dans
ce sommeil léthargique duquel ils ne sortent qu’avec le retour du printemps. Ils
ne descendent pas plus bas, au midi, que la latitude des Florides; et à l’occident,
ils vont jusqu’à la mer Pacifique.
C’est vers le mois de juin qu’ils entrent en chaleur j pendant ce temps ils
deviennent excessivement maigres, au point même que les sauvages rejettent leur
chair ; et ils sont beaucoup plus dangereux à rencontrer à cette époque qu’à
toute autre. La gestation dure environ six mois : c’est en janvier et février que
les Oursons naissent; ils ont de six à huit pouces de longueur, sont revêtus de
poils, ont les yeux fermés, et sont privés de dents; mais leurs ongles sont très-
développés. Leur pelage a une teinte grise qui se conserve pendant leur première
année, et l’allaitement dure environ six mois. C’est ce que j ’ai vu en partie sur
des Ours noirs de la Ménagerie du Roi, qui se sont reproduits. La mue a lieu,
pour ces animaux, au printemps et en automne, et tous les poils tombent presque
en même temps. . ''
La chasse de cette espèce d’Ours était autrefois beaucoup plus productive qu’aujourd’hui.
La fourrure de ces animaux était celle que préféraient les sauvages;
mais depuis que les Européens se sont établis dans les parties septentrionales de
l’Amérique, la chasse de l’Ours a été négligée pour celle du Castor. Sa chair est
cependant toujours recherchée, principalement celle des pieds, et sa graisse est
un mets friand pour les peuplades de ces contrées. Cette chasse est constamment
accompagnée, chez ces peuplades, de pratiques superstitieuses que le père Char-
levoix nous rapporte avee assez de détails ; mais qui seraient plus propres à faire
connaître l’industrie des sauvages que celle de l’animal qui nous occupe.
L’Ours noir d’Amérique ne paraît pas avoir le même degré de docilité ou
d’intelligence que l’Ours brun d’Europe; du moins ne le voit-on pas, comme
celui-ci, servir d’objet de curiosité et d’amusement.- on n’en montre point auxquels
on ait appris à danser au son du tambourin et du flageolet ; e t , en effet, des
différentes espèces d’Ours qui ont été livrés, dans les fosses de notre Ménagerie,
à la curiosité et aux caprices du public, ce sont les Ours noirs d’Amérique qui
ont le moins profité de l’éducation qu’ils pouvaient recevoir, et qui ont moins su
fixer l’intérêt et l’attention. Ils étaient cependant parvenus à comprendre certains
signes ; iis se couchaient, se relevaient, se tournaient à droite ou à gauche, suivant
le commandement qu’ils recevaient; mais les Ours bruns en faisaient beaucoup
davantage; et Martin n’a pas acquis moins de célébrité par son adresse et son
intelligence que par sa cruauté. Ces Ours ont tout-à-fait la conformation des
Ours bruns, pour ce qui est des sens, des organes du mouvement et de ceux de
la génération ; et ils leur ressemblent encore par les allures et les habitudes du
corps. Je ne répéterai donc point ce que j ’ai déjà dit sur ce sujet à larticle de
l’Ours brun des Alpes, devant le traiter d’ailleurs encore dans mon discours
général sur les Ours; j’ajouterai seulement que ces animaux ont huit mamelles;
que les parties génitales chez la femelle sont très-simples, et que le mâle a les
testicules dans un scrotum libre, et la verge dirigée en avant, et dans un fourreau
détaché en partie du ventre; et que leur voix ressemble à des gémissements plus
ou moins aigus, suivant qu’ils éprouvent des sentiments plus ou moins violents.
Tout le pelage est noir, excepté sur le museau. La peau est recouverte par
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une laine très-fournie d’un noir roussâtre; et les poils, soyeux, lisses, roussâtres
à leur origine, et d un noir brillant, cachent entièrement les premiers, d’où
résulte la fourrure la plus 'touffue. Le museau est d’un fauve plus ou moins
grisâtre sur les côtés de la bouche, et noirâtre sur le nez. Chez quelques individus
on rencontre du blanc sur la poitrine. La Ménagerie en a possédé un chez lequel
ce blanc avait la forme d’un chevron brisé ; sur un autre il se divisait en deux
petites taches, 1 une à droite et l’autre à gauche. L’individu de la Ménagerie de
Chantilly, dont M. Geoffroy fait son Ursus gularis. paraît bien n’avoir été qu’une
variété analogue à celle-ci.
Presque tous les voyageurs qui ont visité le nord de l’Amérique septentrionale,
et principalement ceux qui s’y rendirent à l’époque de nos premiers établissements
dans le Canada et la Louisiane, ont parlé des Ours noirs (Charlevoix, Le
Page Duprat, Lahontan, Lawson, Catesby, Hearne, Makensie, etc., etc.), sans
cependant faire connaître leurs caractères spécifiques ; et aucun d’eux, à proprement
parler, nen avait donné de figure. Les deux seules qu’on ait eues sont, je
crois, celles de Schréber, pl. i i i B ., et celle qui se trouve dans la Ménagerie
du Muséum d’Histoire naturelle, par MM. Lacépède, Cuvier et Geoflroy. L’une
et 1 autre, sans être fort exactes, donnent une idée assez juste de cette espèce
d’Ours, qui est l’Ursus Americanus des Catalogues méthodiques.
Octobre 1820.