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ont deux conduits qui aboutissent tous deux à la bauge; dans ce cas, ils. forment
entre eux un angle plus ou moins aigu. On a comparé leur figure à un Y ; et
comme les Marmottes ont une extrême propreté, et qu’elles ne salissent jamais
leur bauge, on a supposé que l’un de ces conduits servait à 1 expulsion des excréments;
ce qui est peu vraisemblable. En outre, il parait que Ion trouve toujours
dans l’un des conduits une excavation particulière qui vient de la terre que ces
animaux ont enlevée pour boucher l’entrée de leur terrier, à 1 époque où le
sommeil d’hiver doit commencer. Cette époque est déterminée par celle des froids,
et varie de la mi-septembre à la mi-octobre. Alors les nouvelles familles qui se
sont formées se creusent un terrier, et le remplissent du foin au milieu duquel
elles doivent s’engourdir. Elles composent de ce foin des tas sphériques qu’elles
pressent fortement, ce qui donne à ces petites masses quelque consistance; et c’est
dans leur centre que les animaux se logent, en se ployant pour ramener leur tête
entre leurs jambes; mais, afin de les fermer entièrement, elles y entrent à reculons,
ayant à leur bouche une poignée de foin, qu’après être entrées, elles laissent
dans l’ouverture : c’est ce dont j ’ai moi-même été témoin sur plusieurs Marmottes
apprivoisées.
Dès que le moment de la retraite est tout-à-fait arrivé, les Marmottes, qui
sont alors extrêmement grasses, bouchent les entrées de leur terrier avec le plus
grand soin, et restent dans cet état jusqu’à l’arrivée du printemps, c’est-à-dire
jusque vers le mois d’avril. On n’a point encore fait connaître l’âge et la saison
de l’amour pour ces animaux, ni la durée de leur gestation ; de sorte qu’on
ignore si chaque famille se compose du père, de la mère et des petits de deux
années, ou d’une année seulement, et si ceux qui se creusent de nouveaux terriers
vers la fin de l’été, sont des familles nouvelles réunies pour les besoins de la
propagation. En général, tout ce qui tient à l’histoire de la génération de ces
animaux est peu connu. Les auteurs se bornent à nous apprendre que les portées
sont de trois à six petits qui, dans leur premier été, s’éloignent peu du terrier.
Les Marmottes, passant l’hiver dans une léthargie profonde, ne font aucune
provision; et elles maigrissent beaucoup durant ce temps d’abstinence, qui rend
leur chair dure et coriace. C’est au commencement des grands froids que les habi-
tans des montagnes les recherchent comme une nourriture agréable , mais qui
serait loin de l’être pour des palais délicats. Leur graisse a l’apparence et le goût
du saindoux, et leur chair se sale pour se conserver. Leur peau a aussi quelque
valeur comme fourrure commune.
La Marmotte, comme tous les Rongeurs, n’a que des molaires et des incisives.
Celles-ci sont, à chaque mâchoire, au nombre de deux; celles d’en bas sont
terminées par une pointe plus ou moins arrondie, et celles d’en haut par une
ligne droite. Ce sont des armes puissantes, et qui font des blessures cruelles;
elles servent aussi à l’animal pour ronger, pour percer, et si efficacement, qu’il
ne peut être retenu dans aucune cage, à moins qu’elle ne soit doublée en fer.
Elle a cinq molaires à la mâchoire supérieure, et quatre à l’inférieure. La première
des molaires supérieures est petite, et ne présente qu’un simple tubercule; les
quatre autres ont une forme triangulaire, et sont imprimées de deux sillons transverses
qui donnent naissance à trois éminences, une au milieu de la dent, et une
sur chacun de ses bords. Ces sillons et ces éminences n’arrivent point jusqu’à la
face interne de la dent; ce qui fait que cette partie ne présente qu’une ligne unie
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et simple. Au contraire, la partie opposée où les sillons commencent, présente
trois pointes aiguës. Les dents de la mâchoire inférieure n’ont qu’un sillon dans
leur milieu, qui partage la dent dans toute sa largeur, et l’éminence transverse
de la partie antérieure est échancrée de manière à offrir deux tubercules aigus.
Ces dents sont carrées.
Ces animaux sont plantigrades; leurs pieds de devant ont quatre doigts à l’extérieur,
armés d’ongles fouisseurs, et ceux de derrière en ont cinq garnis également
dongles propres à fouir. Aux membres antérieurs, le doigt externe est plus court
que les trois autres. C’est le moyen qui est le plus long, et les deux qui restent
sont égaux. Aux membres postérieurs, le pouce est le plus court; le doigt externe
vient après pour la longueur, et les trois autres sont entre eux dans les mêmes
rapports que les analogues des pieds de devant. Les oreilles, très-petites, n’ont
qu’un rudiment d’hélix à la partie antérieure, sans autres lobes ou replis. Les
yeux, qui sont grands et à fleur de tête, ont leur pupille ronde. Les narines
ne sont point entourées d’un mufle, mais elles sont séparées par une partie nue ;
la lèvre supérieure est fendue; ce qui laisse toujours à découvert les incisives
supérieures. La langue est petite, épaisse et douce. La verge se dirige en avant,
et les testicules sont renfermés dans l’aine; le vagin est simple avec un clitoris
saillant; les mamelles sont au nombre de dix. Des moustaches garnissent les côtés
du museau, et la partie supérieure et antérieure de l’oeil. Les poils sont de deux
natures; les laineux, qui sont longs, assez peu frisés et les plus épais; ils sont
gris-foncé dans la plus grande partie de leur longueur , et blancs au bout. Les
soyeux, généralement assez rares, sont un peu plus longs que les précédents; ils
sont noirs dans la plus grande partie de leur longueur, et blancs à leur extrémité
dans les parties grises. Dans les parties fauves ils sont entièrement de cette couleur,
ou avec quelques anneaux noirs très-étroits vers leur pointe.
C’est de la plus ou moins grande étendue de ces couleurs que dérivent, au
commencement de l’hiver., celles du pelage de la Marmotte, qui a le dos, le cou
la tête et une partie des côtés du corps et des membres d’un gris tiqueté, assez
doux; et les flancs, les cuisses, les parties antérieures et postérieures des pieds
de devant, la poitrine, la gorge, et le dessous des mâchoires, d’un blanc teint de
fauve. La tête est d’un gris plus foncé que le cou; et la moitié de la queue est
noire. Le tour du museau est blanchâtre, et les oreilles sont d’un gris un peu plus
clair que les parties voisines. Les doigts sont blanchâtres, et les ongles noirs.
Chez tous les individus, le fauve des flancs ne s’élève pas aussi haut que sur
celui que j ’ai fait représenter. Ordinairement les flancs et les cuisses sont gris.
Tout ce pelage est très-épais, très-fourni sur le dos, les flancs, le ventre et
les parties supérieures des membres; ce qui se remarque principalement sur les
côtés des mâchoires, où les poils changent toutes les proportions de la tête par
l’extrême largeur qu’ils lui donnent en apparence. Les poils de la queue sont plus
roides et plus longs que ceux des autres parties ; ceux du dessus de la tête et/
des membres sont courts et presque ras.
Notre Marmotte n’avait que quinze pouces de l’origine de la queue au bout du
museau; il y en a qui ont jusqu’à deux pieds.
La Marmotte était vraisemblablement connue des Latins sous le nom de Mus
Alpinus. Une des premières bonnes descriptions et des premières figures passables
que nous en ayons, sont celles qu’en a données Gessner (p. 743 et suiv.). Matthiole