tempérés, où ils trouvent plus abondamment la nourriture dont ils ont besoin:
on n’en rencontre que fort peu dans les régions glacées, où la végétation cesse
durant la plus grande partie de l’année. Le Renne, le Bouquetin, le Chamois sont
à peu prés en Europe les seules espèces de cette famille qui ne redoutent point les
plus rigoureux hivers,- la nature pour cela les ayant pourvus d’un instinct qui
les porte à chercher sous la neige les aliments nécessaires à l’entretien de leur
vie, et les ayant vêtus avec beaucoup de soin. Le Chamois, ainsi que le Bouquetin,
a reçu en outre la faculté de pouvoir habiter les plus hauts sommets des montagnes
et les pics les plus escarpés, où on les voit se jouer impunément aux
bords des précipices. Aussi l’on sait à quel point leur chasse est dangereuse, et
quel courage et quelle force sont nécessaires pour les poursuivre et les atteindre
jusque dans les régions où ils se réfugient, et à la hauteur desquelles les plus
grands oiseaux de proie seuls s’élèvent quelquefois. Rien, dit-on, n’égale la vivacité
de leurs bonds, la rapidité et la hardiesse de leurs sauts. Leurs membres,
pareils aux plus vigoureux ressorts, semblent se fléchir et-.se détendre alternativement
pour les lancer à des hauteurs prodigieuses, ou les recevoir dans les plus
dangereuses chutes, lorsqu’ils volent de rochers en rochers, afin d’échapper à
l’ennemi qui les poursuit. Mais cette force, cette impétuosité physique doivent
être dirigées par des qualités intellectuelles exquises, autrement ces animaux
périraient de la plus petite erreur, de la plus légère imprévoyance ; et comment
concevoir la promptitude du coup d’oeil, la vivacité du jugement, l’étendue du
courage qui leur sont nécessaires pour arriver, en conservant l’équilibre le plus
parfait, sur un pic qui leur offre à peine une base suffisante à l’appui de leurs
quatre pieds, rapprochés l’un de l’autre de manière à se toucher; et surtout lorsque
ce rocher est environné de toutes parts du plus horrible précipice?
C’est en automne que ces animaux s’accouplent; alors les mâles répandent une
odeur très-forte et très-désagréable. La femelle porte six mois, comme j ’ai eu
occasion de l’observer moi-même, et les petits naissent couverts de poils - et les
yeux ouverts. Ils sont d’un jaunâtre-foncé ; blancs sous la mâchoire inférieure,
de chaque côté de la tête et sous le cou. Une bande- ’noire, naît au coin de la
bouche, embrasse l’oeil, et vient finir sur le front, :où un intervalle d’un pouce
la sépare de la bande du côté: opposé. Le bout de la queue est noir; les fesses
sont blanches; le devant des pâtes antérieures est noir, et on voit une ligne de
même couleur le long de l’épine du dos, puis une autre ligne qui coupe celle-ci
à angle droit en avant des épaules, et qui descend à deux- ou trois pouces
seulement de chaque côté.
Au bout de deux mois, le petit Chamois a toutes les couleurs de sa mère, et
ses cornes sont déjà de six à huit lignes hors du front. Après un an, il a presque
atteint la taille des individus adultes.
Les Chamois mâles sont un peu plus grands que les femelles, et leurs cornes
sont plus fortes; du reste ces animaux se ressemblent entièrement. Ils sont couverts
d’un poil soyeux, sec et cassant, qui a beaucoup de rapport avec celui du
Cèrf commun, et les poils laineux sont très - abondants, en hiver surtout. Ils
ont la tête d’un jaune-pâle, excepté la bande d’un noir-brun, qui naît prés du ■
museau, et qui se termine à la base des cornes et des oreilles, après avoir embrassé
l’oeil; la queue est noire; le tour de l’anus, le bord des fesses, et l’intérieur
de l’oreille sont blancs. Ces parties conservent toujours les mêmes cobleurs, mais
le reste du corps change avec les saisons : il est plus pâle en été qu’en hiver ;
à cette dernière époque de l’année, il est d’un brun-vineux, qui prend une teinte
fauve dans la belle saison : la base de tous les poils est grise.
Les parties principales de l’organisation du Chamois sont semblables à celles
de la Chèvre et du Mouton : il a les dents de tous les Ruminants à cornes
creuses, et les pieds fourchus. Sa pupille a la forme d’un carré long et est transversale;
d n’a point de larmiers. Les narines ne sont point accompagnées d’un
mufle. La langue est douce, et la lèvre supérieure fendue. Les oreilles sont
longues, étroites, et assez simples; et les organes de la génération tout-à-fait
semblables à ceux de l’espèce du Bouc. Les cornes se développent sur les sinus
frontaux; elles sont rondes, lisses, droites et recourbées en arrière à leur extrémité;
et vers leur base du côté interne, se trouve, dans l’épaisseur de la peau,
un creux ou sillon de quelques lignes de profondeur,,contourné en spirale, qui
ne paraît sécréter aucune matière, et qui semble n’être qu’un organe rudimentaire,
que 1 on rencontrera peut-être avec plus 'de développement dans des espèces
voisines. C’est cette poche qui sans doute a fait dire aux anciens que les Chèvres
respiraient par les oreilles ; car nous voyons Harderus, au rapport de Péierus
(Ephém. des Cur. de la Nat.), annoncer que les Chamois respirent par cette partie
de la tête. - -. .
Tous Jes sens du Chamçis sont d’une grande délicatesse ifil voit et entend de
très-loin; et son odorat, lorsqu’il est favorisé par le vent, peut lui faire découvrir
un homme ou un Carnassier d’une demi-lieue. Cet animal vit en troupes plus
ou moins nombreuses, excepté les vieux mâles, qui se tiennent habituellement à
l’écart. Le premier de la horde qui croit apercevoir un danger avertit les autres
par un sifflement aigu et prolongé ; alors chaque individu cherche son salut dans
la fuite. Dans tout autre cas, la voix de cet animal consiste en un bêlement sourd,
et ce sont les femelles surtout qui le font entendre pour appeler leurs petits!
Lorsqu’on prend un Chamois très-jeune et qu’on le fait élever par une chèvre,
il s’habitue avec le troupeau, s’attache à lui, et ne le quitte plus; mais il n’est
guère susceptible d’un autre genre d’affection; et à cet égard il ne diffère en rien
de la plupart des autres Ruminants.
Le Chamois est un des animaux qu’on a le plus souvent et le plus fidèlement
représenté. On en trouvé partout des figures et des descriptions plus ou moins
exactes; aussi n’a-t-il jamais donné lieu à aucune confusion que je sache; c’est
pourquoi je m’abstiendrai de faire l’énumération de tous les auteurs qui en ont
parlé. Ceux qui ont donné sur cet animal les notions les plus vraies, sont entre
autres Gessner (Quad., p. 3a t, p. 319); Vagner (Hist. nat. HelvCur. , p. i 83);
Scheuchzer (Itinera per Helvetioe Alp. reg., t. I, p. 155) ; Buffon, t. XII, p. 160!
dans une longue note pleine d’intérêt, qui lui avait été remise par un M. Per-
roud, etc. etc.
Mars 1821.