Les Atèles ne méritent pas toutes ce nom dans son acception rigoureuse, puisqu’il
y en a deux espèces qui ont un pouce, en rudiment à la vérité: mais ils
forment le genre le mieux déterminé, si ce n’est par les organes caractéristiques
de ces sortes de divisions, du moins par les habitudes, les penchans, le caractère;
en un mot tout le naturel. Ils semblent être pour l’Amérique ce que des Semno-
pithèques sont pour l’Asie méridionale ; ils ont la lenteur , la gravité , la prudence
et la douceur de ceux-ci, comme ils en ont la tête ronde, les membres longs
et grêles, l’abdomen volumineux et la longue queue; seulement celle des Atèles
est prenante, tandis que celle des Semnopithèques, au lieu de leur tenir lieu de
main, leur tient lieu de balancier, comme me l’apprend M. Alfred Duvaucel. Ce
sont des animaux essentiellement destinés à vivre sur les arbres; lorsqu’ils sont à
terre rien n’est plus embarrassé et plus maladroit que leurs mouvemens ; ils se
traînent plutôt qu’ils ne marchent, en avançant alternativement leurs longs bras et
leurs jambes avec le soin d’assurer leur équilibre, en attachant aux corps voisins
leur queue mobile comme un serpent; et au lieu d’appuyer leurs doigts ou la plante
entière de leurs pieds sur le sol et d’être digitigrades ou plantigrades, ils marchent en
s’appuyant sur le côté interne de leurs mains et sur le côté externe de leurs pieds.
Ces allures et ces formes disgracieuses les ont fait comparer à des araignées, et
nous avons vu que l’un en effet avait été nommé Arachoïde ; mais autant ils sont
embarrassés sur terre, autant ils sont agiles lorsqu’ils sont sur les arbres. Ils les parcourent,
et jusqu’aux plus petites branches, avec une adresse extrême, s’élancent
d’un arbre à l’autre, même quand un assez grand intervalle les sépare; et, vivant
de fruits principalement, il n’y a aucune raison, excepté lorsqu’ils ont besoin d’eau,
pour qu’ils descendent jamais jusqu’à terre.
Ils vivent en troupes assez nombreuses, et se secourent mutuellement dans les
dangers ; lorsqu’ils voient une personne dans des lieux où ils n’ont pas encore trop
appris à craindre ou à fuir les hommes, ils se rapprochent d’elle et lui jettent de
petites branches, ou même leurs excrémens. Ils en agissent sans doute ainsi toutes
les fois qu’ils aperçoivent un être nouveau, et par l’impulsion d’un instinct dont
l’objet est plutôt d’inquiéter que de menacer ou de nuir, car, dans ce cas, ils
paraissent agir sans colère; et ces branches ou ces matières excrémentielles suffiraient
en effet pour éloigner d’eux l’animal dont la présence les troublerait;
l’intelligence d’aucune espèce ne pouvant aller jusqu’à reconnaître la cause d’une
action et à trouver dans cette connaissance des motifs pour en supporter les dé-
sagrémens. Lorsqu’on leur fait la chasse et que l’un d’eux a été atteint d’un coup
de feu, ils fuient au sommet de l’arbre, en poussant des cris lamentables, et celui
qui est blessé porte ses doigts à sa plaie et regarde couler son sang jusqu’à ce qu’af-
faibli, il perde connaissance et meure ; alors il reste ordinairement suspendu à l’arbre,
si, ce qui est ordinaire, sa queue étreignait une branche; car cet organe a
la faculté de se contourner de lui-même à son extrémité dès qu’il est étendu dans
le reste de sa longueur.
Ce sont des animaux qu’on apprivoise bien facilement, et que les paresses et les
bons traitemens rendent très-affectueux. On assure même, mais la chose me paraît
douteuse, qu’ils sont susceptibles de se prêter à différens services domestiques.
J’ai donné à l’article du Coaïta la description des organes sur lesquels les caractères
génériques se fondent ; c’est pourquoi je ne les répéterai pas au sujet du Cayou,
et me bornerai à ajouter quelques mots sur les caractères spécifiques de cet animal.
LE CAYOU. 3
Notre Cayou était un individu femelle assez jeune; son pelage, d’une seule nature
était long, soyeux, un peu dur et tout-à-fait semblable à celui du Coaïta. Les poils
avaient moins de longueur sur la tête et la queue que sur le reste du corps, où ils
suivaient la direction ordinaire d’avant en arrière, tandis que sur la tête ils vont
d’arrière en avant, et tombent sur le front de l’animal. La peau, revêtue de poil,
est d un noir tanné; celle de la face est d’un noir mat, rugueuse et ridée. La pupille
est brune et les organes de la génération couleur de chair. L’oreille est ovale; son
hélix n’est sensible qu’à sa partie supérieure, et ses bords se reploient fortement en
dedans de chaque côté; à sa partie antérieure, cet hélix pénètre dans la conque et y
forme un large bourrelet plat et épais. L’arthelix est remarquable par son grand développement.
Le tragus et l’antétragus sont très-saillans, et recouvrent, lorsqu’ils se
rapprochent, la fosse naviculaire.
Yoici ses principales dimensions:
Pieds.BsSKhük . a h i i Pouces. Ligbnes. De l’occiput à l’origine de la queue........................................................... -. » . g . . . . »
De l’origine de la queue à son extrémité...................................................... i . . . . 6 . . . . 4
De l’occiput au bout du museau.....................................•............................ » . . . . 4 . . . . 4
De l’épaule au coude........................................................................................ » . . . . 6 6
Du coude au carpe............................................................................» 5 . . . . 5
Du carpe au bout du plus long doigt............................................................ » 4 „
De la croupe au genou ! . . » . y „
Du genou au tarse......................................- ....................................... B g
Du tarse au bout des doigts. ...................................................................... » • . . . . 4 . . »
Nous avons dit que nous proposions de donner à cette espèce, dans les catalogues
méthodiques, le nom düAter.
Mars 1823.