LE CHIEN DE TERRE-NEUVE.
L a facilite avec laquelle les Chiens de Terre - Neuve nagent; les récits presque
merveilleux dont ,1s ont fait le sujet; les nombreux services qu’on a su en tirer-
les hommes quils ont arrachés à la mort, lorsque aucun secours humain n’était
possible; le courage, la docilité, l’attachement dont ils ont fait preuve, devaient
sans doute leur acquérir la réputation qu’ils ont obtenue, l’intérêt qu’ils ont
inspire : et s, Ion est généralement porté à exagérer ce qui étonne; si la reconnaissance
, lorsqu on ne lui demande rien, se plaît outre mesure à exalter les
bienfaits, nous devons cependant dire que ce sentiment à l’égard de cette belle
race na pas de beaucoup dépassé les bornes de la vérité.
Ce qui la distingue essentiellement des autres Chiens, c’est la disposition naturelle
qui la porte à aller à l’eau; disposition que de longues habitudes ont fait
naître, et qui ont été occasionées, si elles ne l’ont pas produite, par une particularité
organique très-propre à faciliter l’exercice de la nage : je veux dire une
membrane très-large, entre les doigts, qui leur permet un grand écartement,
fous les Chiens ont les doigts assujettis l’un contre l’autre par une extension de
la peau, peu etendue, et qui en général s’avance jusqu’à la naissance de la seconde
phalange. Dans le Chien de Terre-Neuve, cette partie de la peau se prolonge
presque jusquaux ongles, et s élargit tellement, qu’elle transforme pour ainsi dire
les pieds de ce Chien en pieds palmés.
Cette particularité d’organisation n’est au reste point exclusive au Chien de
1 erre-Neuve j elle s’observe chez plusieurs de nos races, et surtout chez celles
quon ne range point parmi les Chiens courants. Aussi aurait-on tiré de ces
races, en les soumettant durant plusieurs générations à l’habitude de la nage, les
mêmes services que de celle qui nous occupe ici spécialement. Quoi qu’il en soit,
cette race a le grand avantage d’être formée; et il faut avouer que nulle autre
de celles qui nous sont connues ne pourrait aujourd’hui la remplacer. En effet
les Chiens de Terre-Neuve bien exercés semblent avoir fait de l’eau leur élément
principal : ils s’y soutiennent sans aucun effort et comme en se jouant; c’est
avec une sorte de fureur qu’ils la'recherchent; ils ne peuvent en être tirés que
par force, et paraissent trouver autant de bonheur à y courir et à s’y précipiter,
que le Chien de chasse à poursuivre et à saisir sa proie. On se tromperait cepen-
ant, si l’on supposait qu’une disposition aussi entraînante, aussi vive, est de
même nature que celle qui porte les animaux vraiment aquatiques, tels que les
outres, les Castors, etc., à vivre dans l’eau. Ceux-ci sont poussés aveuglément