L’ÉGAGRE.
N o u s nous trouvons, à l’égard de l’animal qui fait le sujet de cet article, dans
1 incertitude où l’on est toujours, dès qu’il s’agit de décider s’il y a identité entre
les particularités d’une description, et les traits d’un objet qu’on a sous les yeux
et quon voudrait reconnaître, lorsque quelques circonstances tendent à détruire
ce que d’autres tendent à affirmer.
LÉgagre est un animal dont l’illustre Pallas a fait connaître les cornes (Spicil.
pag. 45, tom. V, fig. 2 et 3), et dont Gmelin, le voyageur, a donné une légère
description (Voyage, tom. III); et ce qu’ils rapportent de cette espèce, paraît convenir
en grande partie à l’animal qui fait l’objet de cet article. Cependant l’Égagre
de Pallas et de Gmelin est une espèce de Bouc sauvage du centre de l’Asie, et
le Bouc auquel ce nom, ainsi que celui de Pasang, a été appliqué par mon
ère, quoiqu’avec doute (Ménagerie du Muséum d’histoire naturelle, etc.) se
trouve dans nos Alpes, et, à ce qu’il paraîtrait, plutôt à l’état domestique qu’à
létat sauvage. Cette dernière circonstance, qui pourrait faire décider négativement
la question que nous examinons, si toutes les autres circonstances étaient
semblables, est peut-être ici sans importance : une espèce qui a reçu de la nature
une grande propension à la domesticité, peut être encore en partie sauvage dans
des contrées qui le sont encore elles-mêmes en partie, et être tout-à-fait soumise
dans celles où, comme en Europe, la civilisation a pénétré partout, où l’industrie
a tout envahi; mais une difficulté plus réelle, c’est que, suivant le rapport de
Yan-Berchem, les Métis de Chèvres domestiques et de Bouquetins ont tous les
caractères que Pallas attribue à l’Égagre, et que les Êgagres que nous avons eus
ont eux-mêmes montré le trait caractéristique de toute espèce de Métis : de leur
part, une grande difficulté à se reproduire; et de la part de leur génération, une
grande difficulté à se conserver. Tous nos soins pour parvenir à la multiplication de
leur race ont été infructueux. La femelle, qui fut fécondée plusieurs fois, quoiqu’en
apparence très-bien constituée, n’a mis au monde à terme qu’un seul petit; toqs
les autres n’ont été produits que par avortement; et celui qui était heureusement
né a dépéri petit à petit, et est mort après quelques mois de langueur.
Cependant, malgré ces observations et les nouveaux doutes qui en naissent,
nous donnons ces animaux comme des Égagres, parce que, nous le répétons, ils
se rapportent par les points principaux, leur organisation, à la description que
donnent Pallas et Gmelin de ces animaux, qu’ils en ont les cornes et peut-être
le pélage, et que par eux nous trouvons le moyen de faire connaître d’une manière