de ternie à leurs ravages, si leur extrême fécondité ne mettait elle—même des
bornes à leur propagation, pour peu que leur habitation soit restreinte : la faim
finit toujours par rétablir la proportion convenable entre leur nombre et la quantité
de nourriture que la végétation peut produire autour d eux.
C’est à six mois, et même avant, que les Lapins acquièrent la faculté de se
reproduire. On assure que les mâles et les femelles s’appareillent, et restent
toujours unis. La gestation dure de trente à trente et un jours ? mais les femelles,
ayant une double matrice, et pouvant recevoir le mâle après une première conception,
on les voit souvent mettre au monde deux portées à peu de jours
d’intervalle. Ce résultat n’a point lieu par une superfétation réelle, mais par la
fécondation d’un second organe. Lorsque la femelle du Lapin sent que 1 époque
de la mise bas est arrivée, elle creuse un terrier particulier, dans le fond duquel
elle forme un lit du poil qu’elle s’arrache. Les petits naissent couverts de poils
et les yeux ouverts 5 mais ils ne s’exposent guère hors du terrier qu’après deux
mois, et lorsqu’ils peuvent commencer à manger. Alors la mère leur apporte de
jeunes branches et des herbes tendres? et le père, qui ne les a point encore vus,
les adopte cependant, et les soigne comme le ferait leur mère. Celle-ci ne tarde
pas à être fécondée de nouveau ? et les petits arrivent au moment de s occuper
eux-mêmes de pourvoir à leurs besoins, de se creuser un terrier, et délever leur
famille. C’est ainsi que leur vie s’écoule jusqu’à l’âge de huit à neuf ans, qui en
est le terme.
On a réduit le Lapin à une sorte de domesticité en l’élevant dans des lieux
fermés nommés clapiers. Dans cette nouvelle situation il perd quelques-unes de
ses qualités, mais en retour il en acquiert d’autres. La chair du Lapin de clapier
n’est pas aussi agréable, aussi parfumée que celle du Lapin de garenne? il paraît,
en outre, que les races qui ont éprouvé l’influence de la domesticité pendant un
certain nombre de générations, perdent tout-à-fait l’instinct qui portait leur
espèce à se creuser des terriers ? et que l’appareillement, l’union par paire,
n’aurait plus lieu : aussi arrive-t-il souvent que les mâles tuent les petits, quoiquils
ne les mangent pas ? c’est que l’instinct de la famille se détruirait chez eux comme
le besoin de fouir. Par contre, les Lapins domestiques produisent beaucoup plus
abondamment que les autres : on a vu une Lapine mettre à terme vingt-six petits
au monde en soixante jours ? c’est pourquoi les garennes artificielles et les clapiers
sont devenus d’importants objets de spéculation, surtout à cause de la grande
consommation que l’on fait des poils du Lapin, qui ont généralement remplacé
ceux du Castor pour la fabrication du feutre.
L’état de domesticité du Lapin a donné naissance à plusieurs variétés fort
remarquables ? il y en a de noirs, d’argentés, de blancs, et d autres qui se
caractérisent par des poils très-longs et très-soyeux, et que 1 on nomme Lapins
d’Ahgora. Nous les ferons connaître successivement. Mais nous devons ajouter
qu’il résulte des observations de M. ***, que lorsqu’une race de Lapins, à force
de soins et de nourriture, est arrivée à un certain degré de développement, elle
cesse tout-à-fait de se reproduire.
L’organisation du Lapin sauvage est la même absolument que celle du Lièvre,
à l’article duquel nous renvoyons pour tout ce qui a rapport aux caractères
génériques. Nous nous bornerons à parler ici des caractères spécifiques. Le pelage
du Lapin sauvage ou de garenne, dans toutes les parties supérieures du corps,
est d’un gris légèrement teint de fauve, qui résulte de poils soyeux, généralement
gris dans la moitié de leur longueur, fauves ensuite, noirs à leur extrémité,
et quelquefois entièrement noirs dans leur moitié supérieure. Le ventre,
le dessous de la queue, les pâtes, le dessous de la mâchoire inférieure, sont
blancs? et les. côtés des joues, ainsi que le dessus et le dessous des yeux, sont
blanchâtres : le dessus de la queue est noir? l’occiput est jaunâtre, et les oreilles
sont d’un gris uniforme. Le cercle qui entoure la pupille est d’un brun noirâtre.
Les moustaches sont noires. Les poils laineux, qui sont fort épais et fort doux
sont gris à leur base, et fauves ou noirs à leur extrémité, à peu prés comme les
poils soyeux des parties grises.
Le Lapin a , du bout du museau à l’origine de la queue, environ 1 pied
4 pouces? sa hauteur aux épaules est de 5 pouces, et de 8 et demi sur les
hanches? sa tête a 3 pouces, et sa queue 2 pouces et demi.
Les Grecs et les Latins.ont connu cette espèce de Rongeurs, que l’on regarde
comme étant originaire de l’Espagne, mais qui est aujourd’hui répandue dans
tous les pays tempérés de l’Europe, en Afrique et en Amérique, où nous l’avons
transportée ? ils lui donnaient le nom de Cunilus ou Cuniculus, qui paraît avoir
été celui que ces animaux recevaient des Ibériens. Dès lors il n’a pas cessé
d’être connu? et, depuis Agricola jusqu’à nos jours, les naturalistes en ont donné
des descriptions exactes et des figures fort bonnes. Cet animal est le Lepus Cuni-
culus des Catalogues méthodiques.
O c t o b r e 1820.