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LE DUGONG.
N o u s avons déjà eu l’heureuse occasion, en publiant la figure du Tapir de l’Inde,
du Maïba, de faire connaître la noble entreprise des deux voyageurs français,
MM. Diard et Duvaucel : conduits par le seul amour des sciences, et sans autres
soutiens que leur courage et leur zèle, ils sont allés exposer leur fortune et leur
vie dans cet archipel du midi de l’Asie, où l’insalubrité du climat et la barbarie
des peuples furent toujours si fatales aux Européens, mais aussi où la nature,
constamment prodigue, offre à celui qui se consacre à son étude une mine inépuisable
de richesses. Nous pouvons donner aujourd’hui de nouvelles preuves de
leurs efforts et de leurs succès , et appeler de nouveau sur eux la reconnaissance
des amis de l’Histoire naturelle : c’est un bonheur dont nous jouissons doublement,
et par la vive amitié qui nous attache à eux, et par l’intérêt que nous
portons aux progrès d’une science à laquelle tous nos loisirs sont consacrés.
Le Dugong n’était connu des naturalistes que par les récits très-vagues de
quelques voyageurs, les têtes décharnées qui se rencontraient dans les Cabinets
d’Histoire naturelle, et une figure que l’on trouve parmi les Poissons des Indes
de Renard, pl. XXXIV, fig. 180, et que nous avons cru devoir donner nous-
meme, pour montrèr à quel point les productions de la nature peuvent- être
défigurées, lorsque ceux qui les représentent ne sont ni assez exercés pour les
bien voir, ni assez instruits pour.les bien juger-fCette figure-est celle qu’on voit
au trait sur notre planche du Dugong). Cependant, tout imparfaites qu’étaient
les connaissances qu’on avait pu puiser à de telles sources, on savait que le
Dugong avait les formes générales des Cétacésj que, privé d’évents, il respirait
à la manière des Amphibies, et que ses molaires à couronnes plates, et susceptibles
de broyer, en faisaient un animal herbivore. Mais on avait'besoin, par des
observations nouvelles, de confirmer ces idées, qui n’étaient en partie que des
inductions plus ou moins fondées, et il était surtout nécessaire de connaître les
rapports de ses organes internes avec ses organes externes, rapports sans lesquels
on ne pouvait se faire une notion exacte et complète de ce singulier Mammifère.
Aujourd’hui les naturalistes seront, à cet égard, en grande partie satisfaits :
le Dugong est heureusement tombé entre des mains capables d’en faire l’anato-
mie, et de rechercher dans son organisation tous les détails propres à le bien
faire apprécier.
Ce fut dans le détroit de Singapour que MM. Diard et Duvancel se procurèrent
un Dugong* »1 avait de sept à huit pieds de longueur et de trois à quatre de
grosseur à la partie moyenne de son corps, c’est-à-dire où sa circonférence était la