LE POUGAN.
C e t animal est une preuve manifeste de la réserve que l’on doit mettre à
donner comme absolues les généralités qui paraissent les mieux établies par
l’observation. Quelle vérité de ce genre pouvait être en effet mieux fondée que
celle qui consistait à regarder tous les Quadrumanes comme des animaux légers,
agiles, et non moins remarquables par la vivacité de fleurs sensations, que par
la promptitude de leurs mouvements. Les Orangs et les Gibbons, les Semno-
pithèqües, les Guenons, les Macques, et presque* tous les Quadrumanes de
l’Amérique sont en effet des animaux qui, vivant de fruits ou d’insectes, font
leur habitation de la cime des forêts où on les voit s’élancer de branches- en
branches avec la rapidité du vol, surtout lorsqu’ils sont menacés et poursuivis.
Le Poucan, au contraire, paraît avoir une indolence et une: lenteur qu’on ne
chercherait pas, chez les animaux les plus exempts de besoins et les mieux armés
contre leurs ennemis. On ne conçoit pas même comment la conservation de cette
espèce peut s’accorder avec le naturel qu’elle a reçu. Deux auteurs qui ont pu
l’examiner vivante, d’Obsonville au Bengale, et Vosmaër dans la Ménagerie du
Prince d’Orange, nous représentent le Poucan comme s’ils eussent eu à parler
d’un animal dégénéré, ou dont le développement n’aurait point encore été complet.
Le premier ( Essais philosophiques sur les moeurs de divers animaux étrangers 3
page 3^9) nous dit que la démarche de cet animal a quelque chose de contraint,
et que, même lorsqu’il paraît se hâter, il parcourt à peine un espace de quatre
toises en une minute j et le second nous parle de la marche de son Paresseux
du Bengale, qui est le Poucan, comme d’une sorte de reptation. Quoi qu’il en
soit, cette espèce, fait partie de l’harmonie générale, puisqu’elle se conserve, et
l’exception qu’elle nous présente n’est qu’une preuve nouvelle de la puissance
infinie de la nature.
Le Poucan a environ un pied du bout du museau à la partie postérieure
du corpsj sa tête, de l’occiput au mufifie, a deux pouces et demi, et.lorsqu’il
à les pieds rapprochés l’un de l’autre, il a environ cinq pouces de'hauteur
aux épaules* mais cet animal se tient rarement dans cette situation 5 quand il
marche à quatre, ses jambes s’écartent de son corps, et sa poitrine et son ventre
touchent presque à terre, ce qui lui donne une physionomie toute particulière,
et quelque ressemblance avec de jeunes chiens qui viendraient de naître et qui
n’auraient pas encore la force de se soutenir. Cependant sa tête a une forme
agréable , et sa figure annonce de la douceur et de l’intelligence, ce qui vient