
 
		D’après  ces motifs  de  suspecter  la  bonne  foi  de  l’auteur du  Voyage aux sources  
 du  N ilj  je  doute  que  Bruce  ait  fait  ce  qu’il  a  dit,  et  qu’il  ait  pris  la  peine  de  
 sé ménager,  par  plusieurs  croquis,  les moyens  de  bien  rendre  tous  les  caractères  
 du  Fennec.  Il  n’y  a  eu  qu’un  dessin  primitif  :  cela  résulte  de  l’uniformité  des  
 trois  figures  publiées  successivement  par  Buffon,  par  Sparrman  et  par  Bruce,  
 long-temps  après  les deux  premières.  Le  dessin  que  Bruce,  à  son  arrivée  d’Abys-  
 sinie,  remit  à  Buffon,  est  une  copie  exacte  de  la  gravure  qu’il  fit  faire  depuis 5  
 et  il  en  est  ainsi  du  Zerda  de  Sparrman,  bien  que  le  Zerda  présente  quelque  
 différence  dans  l’expression  de  sa  physionomie.  Brander  et  Bruce  s’accordent  sur  
 ce  point. 
 Présentement  le  dessin  primitif  a-t-il  été  établi  par  Bruce  lui-même  ou  par  
 son  prétendu  domestique?  Sparrman  dit  tenir  de  son  compatriote  que  les  deux  
 consuls  s’étaient  chacun  servis  du  même  artiste  pour  faire  peindre  le  Fennec:  
 mais  c’est  à tjïïoi"Bruce  réplique,  en  insistant  sur  l’absurdité  dé  supposer  «  qu’on  
 »  trouve  un  peintre  à Alger  aussi  aisément  que  si  l’on  était  aux  portes  de  Naples  
 »  ou  de  Borne  » j  réflexion  cependant  toute  gratuite,  puisque  Bruce  avait  déjà  
 fait  connaître  la  source  où  son  confrère  avait  puisé j  et  de  plus  il  faut  bien  quç  
 ce  dessin  ait  été  remis  à  Brander  par  un  homme  faisant  profession  de  peinture ;  
 car  ce  n’est  pas  d’un  simple  croquis  fait  au  crayon  ou  à  la  plume,  mais  d’une  
 peinture  à  l’huile,  d’un  véritable  portrait,  qu’il  est  ici  question. 
 Dans  cette  occurrence,  et  tout  en  convenant  que  je  n’ai  point  là  assez  de  
 motifs  pour  me  déterminer, je  ne  puis m’empêcher de  penser,  et j ’entrevois que  
 l’auteur  du  dessin  primitif  est  l’étranger  désigné  dans  les  notices  de  Bruce  et  de  
 Brander 5  que  cet  Européen  se  sera  mis  en  besogne  sur  la  demande  et  à  la  
 recommandation  du  consul  anglais,  et  que  l’esprit  du  gain,  ordinairement  plus  
 vif chez  tout  homme  contraint  à  s’expatrier,  l’aura  engagé  à  faire  une  seconde  
 copie  et  à  revendre  une  seconde  fois  son  travail. 
 Mais,  au  surplus,  que  ce  soit  ou  ce  peintre  ou  Bruce qui  ait  établi  la  première  
 figure  du  Fennec,  il  n’est  pour moi  nullement  douteux  que  les  doigts  de  l’animal  
 n’ont  pas  été  copiés  d’après  nature,  mais  qu’ils  auront  été  dessinés  après  son  
 évasion,  de mémoire,  et  avec  des  souvenirs  qui  auront  porté  le  peintre  à  tracer  
 vaguement  plutôt  des  doigts  de  Chien  que  les  doigts  mêmes  du-Fennec. 
 En  établissant  ou  en  concluant,  comme je  le  fais  en  ce moment,  que  ce dessin  
 est  beaucoup  trop  imparfait  pour  qu’il  fasse  autorité  dans  la  science,  on  me  
 demandera  si je  dois  cependant  lui accorder  assez  de  confiance  pour  le  rapporter  
 aux  figures  du  Galago?  Non,  sans  doute.  Et  puis,  je  ne  me  suis  pas  déterminé  
 sur  cet unique renseignement, mais j ’ai  marché  à une  conséquence  plus  générale,  
 d’après  tous  les  éléments  du  problème  dont  plusieurs  restent  à  indiquer. 
 Quant  à  ces  éléments,  c’est  uniquement  Bruce  lui-même  qui  va  nous  les  
 fournir. 
 «  Le  Fennec  est  un  animal  de  6  pouces  de  long  :  sa  queue  est  aussi  longue,  à  
 un  douzième  près -,  et  ses  oreilles  portent  plus  du  tiers  de  cette  dimension.  La  
 mâchoire  supérieure  recouvrait  l’inférieure,  et  toutes  deux  laissaient  voir  cinq  
 dents  molaires  de  chaque  côté.  Les  dents  canines  et  celles  de  devant  étaient  
 longues  et  extrêmement  pointues5  les  jambes  minces,  les  pieds  larges,  divisés  
 en  quatre  doigts  noirs,  longs  et  crochus.  Le  pelage  était  supérieurement  d’un  
 blanc-roussâtre  ou  couleur  de  crème,  inférieurement  plus  blanc,  plus  doux  et 
 LE  GALAGO  DU  SÉNÉGAL.  lt 
 des.Animaux,  p.  101),  gris de souris,  est  le Galago  figuré dans  la planche  inédite  
 d’Adanson.  J’ai  plusieurs motifs  de  penser que  ce'n’est  là  que  le jeune  du Galago  
 du Sénégal  : les différences de  sa taille moindre et  du  gris de  son  poil  s’expliquent  
 très-bien dans  cette opinion :  le  roux du  bout  des  poils  dénote  une  robe d’adulte. 
 Le  Galago  de  Dèmidof me  paraît  de  même  un  premier  âge,  mais  d’une  autre  
 espèce,  d’un Galago  que  Buffon  avait  décrit  sous  le  nom  de  Rat  de Madagascar.  
 J’ai  sous les  yeux  un  sujet qui  s’applique  tout-à-fait à  la description  de M.  Fischer :  
 c’est  un jeune  âge  que j ’ai  retiré  de  la  liqueur,  ainsi  que  sa mère,  et  celle-ci  est  
 incontestablement  le  Rat  ou  le  Galago  de Madagascar. 
 Dans  le  doute,  et  parce  qu’il  y  a moins  d’inconvénient  à  restreindre  la  liste  
 des  êtres  qu’à  l’augmenter,  j ’avais  rapporté  à  ce  dernier  une  description*  et  une  
 figure  données  par Brown  dans  ses  Illustrations.  J’ai  vu  beaucoup  de Galagos  de  
 Madagascar,  et  tous  sont  d’un  roux  vifi  Le  Galago  de  Brown  est  dit  et  représenté  
 cendré  en  dessus,  blanc de  lait  en  dessous, ayant  la  queue  rousse.  A cette  
 donnée  de  quelque  importance,  comme  caractère  spécifique,  se  joignent  deux  
 autres  considérations  qui m’ont  confirmé dans  l’opinion nouvelle que je  prends  du  
 Galago  de  Brown 5  c’est  la  plus  grande  longueur  de  son  tarse,  et  principalement  
 la  forme  de  son  oreille,  qui  est  plus  étendue  en  largeur,  et  disposée  en  conque  
 évasée  à  la  manière  de  celle  des  Loris  de  Geylan.  La  figure  de  Brown  paraît  
 faite  d’après  le  vivant,  et  les  différences  qu’élle  montre  ne  sont  pas  de  ces  traits  
 qu’on  invente.  D’ailleurs  cet  animal  est  de  la  taille  de  celui  publié  par  Buffon. 
 Notre Muséum  renferme  en  outre  une  quatrième espèce  de Galago,  d’une  taille  
 qui  rend  sa  spécialité  non  équivoque y  c’est  celle  des  Makis.  Je  lui  ai  donné  le  
 nom  de  Galago  à  queue  touffue.  Par  le  caractère  de  son  poil  long ,  touffu  et  
 moelleux,  la  disposition  de  sa  queue,  et  la  forme  de  ses  pieds  de  derrière  plus  
 courts,  notre  espèce  ressemble  davantage  aux  Makis-,  mais  elle  est  ramenée  aux  
 Galagos  par  la conformation  de  sa  tête  plus  sphéroïdale,  de  ses  yeux  plus  grands  
 et  plus  rapprochés,  et  surtout  par  celle  de  ses  oreilles  amples,  nues  et membraneuses. 
   Je  doute  que  ce  soit  là  un  sauteur  aussi  agile  que  ses  congénères. 
 Ayant  donné,  dans  le  19e volume des Annales  du Muséum  d’Histoire naturelle,  
 un  tableau  des  espèces  de  Mammifères  à  mains,  les  Singes  et  les  Makis,  j’y   ai  
 conséquemment  inséré  un  extrait  de  toutes  nos  connaissances  sur  les  Galagos.  
 Je  terminerai  ici  ma  description,  en  reproduisant  ce  travail,  toutefois  modifié  
 d’après  les  nouvelles  vues  que je  viens  d’exposer. 
 Gàkcg to v— Galago  
 Caractères génériques.  Tête  ronde,  museau? court. 
 Les  yeux  grands,  rapprochés  et  dirigés  en  avant. 
 L’os jugal  sans  ouverture  apparente.  Les  intermaxillaires  courts et verticaux. 
 Les  oreilles  longues,  nues  et membraneuses. 
 Les  dents  incisives  £  •'  canines  7  : molaires ~. 
 Incisives  supérieures,  séparées  au  milieu  et  logées  en  dedans  des  canines:  
 les  inférieures  presque  horizontales  et  appuyées  par  les  externes,  plus  grosses  et  
 plus  robustes. 
 Les molaires à couronne  évidées  à  leur  centre  et  tuberculeuses  aux  angles:  
 les antérieures à une pointe. 
 Les  os  du  bras  et  de  la jambe  distincts.  Le  tibia  plus  long  que  le  fémur. 
 Le  tarse  trois  fois  plus  long  que  le métatarse.