LE LAMA.
L e s Andes, cette portion méridionale de la vaste chaîne de montagnes, qui sert
en quelque sorte de charpente au Nouveau-Monde, nourrissent plusieurs espèces
d’animaux ruminants, dont les formes générales et la physionomie rappellent celles
de nos Chameaux et de nos Dromadaires, et qui paraissent avoir été, pour
quelques - unes des peuplades de l’Amérique méridionale, ce que les animaux
auxquels ils ressemblent sont encore aujourd’hui pour plusieurs des peuples pasteurs
de l’ancien monde. Ces peuplades en effet se nourrissent de leur chair et
de leur lait, s?Kabillent de leurs toisons, et les emploient, comme bêtes de sommes,
au transpprt de leurs fardeaux. En général les voyageurs se sont assez étendus
sur l’utilité que pouvaient avoir ces animaux, et sur les secours qu’il était possible
d’en tirer; mais ils ont mis si peu de méthode dans les descriptions qu’ils en ont
donnéesj ce qu’ils en rapportent est quelquefois si contradictoire, que Buffon et
Linnæus avaient été çonduits à les réunir tous sous les deux espèces du Lama
et de la Vigogne5 tandis qu’entraînés par d’autres considérations, et principalement
par le rapport de Molina (Histoire naturelle du Chili), Gmelin, Schreber
et Shaw5 les séparaient en cinq espèces, le Guanaco, le Hueque, le Lama, l’Alpaca
et la Vigogne. Lorsque les naturalistes se divisent ainsi, et tirent des conséquences
si différentes des éléments qu’ils emploient, c’est ordinairement une preuve que
la critique ne suffit point pour éclairer les questions qui les partagent, et qu’il
faut de nouveau recourir aux faits, à l’observation.
Ce n’est en quelque sorte que depuis peu de jours que nous pouvçns porter
une lumière nouvelle sur ces animaux, si obscurément désignés; et il est à
remarquer qu’elle vient mettre dans tout leur jour et confirmer les renseignements
qui furent donnés à Buffon par l’abbé Béliardy, et qui jusqu’à présent n’avaient
point obtenus la confiance des naturalistes. En effet, la Ménagerie du Roi possède
aujourd’hui l’Alpaca, cette espèce intermédiaire entre le Lama et la*Vigogne, dont
on n’avait point de figure, et dont l’existence paraissait si peu fondée, que les
meilleurs critiques ne l’adoptaient point. Ce groupe de Chameaux d’Amérique se
constitue donc aujourd’hui des trois espèces que je viens de nommer, et dont
je pourrai donner successivement les figures et les descriptions, les ayant vus,
et possédant une exacte représentation de l’une et de l’autre. Je commence par le
Lama. Il paraît que ce nom, qui se prononce en mouillant /, fut donné par les
Péruviens à nos Moutons, comme nom spécifique, et qu’auparavant il n’étâit qu’un
nom collectif, par lequel cette nation désignait les animaux couverts d’une toison.