LE CHEVREUIL.
B d p f o n dit, en parlant de cet animal (tom. VI, pag. l ot ) : «Le Chevreuil
«peut être regardé comme une Chèvre sauvage qui, ne vivant que de bois,
« porte des bois au lieu de cornes.» Cette idée est trop contraire à celles qui
dominent aujourd’hui et que l’expérience démontre, pour qu’elle ait besoin d’être
réfutée; mais les erreurs des hommes comme Buffon résultent de principes si
abstraits et de combinaisons si profondes, qu’il serait fort curieux d’en connaître
la source et 1 enchaînement ; car on y trouverait encore des preuves de grandeur
et de force. Je doute cependant qu’on puisse découvrir sur quoi repose une si
singulière assertion, tant elle semble loin des idées de Buffon lui-même. Elle nous
montre du moins combien les hypothèses, les systèmes absolus peuvent égarer
les esprits les plus droits, et sont contraires à la nature des sciences d’observations.
Sans l’entraînement qu’il éprouvait, Buffon aurait senti qu’une expérience
fort simple pouvait confirmer ou détruire les conséquences auxquelles il était
conduit; elle aurait été faite, et il aurait reconnu que les proéminences qui se
reproduisent chaque année sur le front du Chevreuil, non-seulement n’ont rien
de commun avec le bois dont cet animal se nourrit, mais encore ne différent
point essentiellement des cornes de la Chèvre, quoique celles-ci ne soient point
branchues ; ce qui au reste n’aurait fait que le confirmer dans l’idée que ce
Chevreuil était une Chèvre ; tant il est vrai que les erreurs, comme les vérités,
s’engendrent mutuellement, et qu’on doit les craindre autant pour le mal qu’elles
font faire que pour celui qu’elles font.
Le Chevreuil est une espèce de Cerf bien distincte de toutes les autres,' dont
les caractères sont constants, et qui même ne supporte pas de grandes influences
et ne produit qu’un très-petit nombre de variétés; cette espèce est aussi une
des plus petites et des plus jolies de son genre, qui présente dans ses moeurs
des particularités remarquables et intéressantes.
La plupart des Cerfs ont la tête allongée, comparativement à sa hauteur, ce
qui la rend un peu lourde, même dans les espèces chez lesquelles le museau est
étroit; le Chevreuil, à un museau trés-effilé, joint un chanfrein et un front
élevé qui, en donnant de la finesse à sa physionomie, semblent ajouter encore
de la grâce et de la légèreté à ses'mouvements. Ses jambes, fines et élevées, augmentent
aussi l’élégance de ses proportions; et sa robe, d’un roux plus ou moins
brillant, achève de faire de cet animal un des plus beaux de ceux de nos contrées.
Sa queue, si courte qu’elle ne s’aperçoit pas, est la seule partie qui, par sa