a LE BLAIREAU.
physionomie n’annonce ni promptitude dans l’intelligence, ni vivacité dans les
passions. Aussi mène-t-il la vie la plus triste et la plus solitaire.
C’est un animal entièrement plantigrade, qui a cinq doigts à chaque pied,
réunis, presque jusqu’à leur extrémité, par une membrane épaisse peu susceptible
d’extension, et armés d’ongles fouisseurs très-forts. Aux deux pieds, le second
et le troisième doigt sont égaux 'entre 'ëux, !ei Sont les plus longs; le premier
et le quatrième viennent ensuite, et l’interne est le plus court. La plante des
quatre pieds est garnie de tubercules épais revêtus d’une peau douce, un de ces
tubercules garnit l’extrémité de chaque doigt; trois autres, disposés en forme
de trèfle, se trouvent au milieu de la plante, qui est terminée en arriére, aux
pieds de devant, par un seul tubercule, et par deux contigus aux pieds de derrière.
La queue est courte et rudimentaire.
Les sens montrent en général peu de développement; l’oeil est petit et je crois
à pupilles rondes; et la troisième paupière est assez grande pour recouvrir
entièrement la cornée. L’oreille a une conque externe peu étendue et fort simple
intérieurement; l’anti-tragus seul est marqué, et un tubercule épais et en demi-
cercle en occupe toute l’étendue transversalement. Les narines sont entourées
d’un mufle trés-développé, composé de fortes glandes ; elles consistent dans deux
sinus, larges en avant du museau, étroits sur ses côtés, et l’orifice du conduit
olfactif se trouve à leur partie antérieure. Sa langue est oblongue, grande, et
toute revêtue de très-petites papilles pointues et même un peu cornées, mais
assez molles pour la faire paraître douce.
Le pelage est fourni, et les poils sont très-longs sur le corps; ils le sont beaucoup
moins sur la tête, les membres, et les parties inférieures. Il y en a de
soyeux et de laineux, mais ils différent peu l’un de l’autre; les premiers sont
les plus longs, les plus durs, et les moins gauffrés. Les moustaches sont très-
petites.
La verge est dirigée en arrière et est terminée par un gland conique ; les testicules
sont extérieures. Immédiatement sous la queue est une large ouverture transversale
qui conduit dans une cavité nue, terminée en cul-de-sac; les parois de
cette cavité, où l’on n’aperçoit point d’appareil glanduleux, sont cependant revêtues
d’une matière onctueuse. Au-dessous est une seconde poche plus petite, au milieu
de laquelle l’anus est ouvert; et de chaque côté de celui-ci s’ouvre un pore assez
large, duquel s’échappe une matière onctueuse, jaunâtre, et d’une très-mauvaise
odeur. Le Blaireau a six mamelles.
Ses couleurs ont une distribution qui le rend très-remarquable. Sa tête est
d’un blanc légèrement roussâtre, coupé de chaque côté du museau par une
bande noire qui naît sur la lèvre supérieure, embrasse l’oeil et vient se terminer
à l’oreille. Le blanc de la tête s’étend jusque sur les côtés du cou, et se termine
à la moitié antérieure de la mâchoire inférieure. Le dessus et les côtés du corps
sont d’un gris sale, qui devient plus pâle sur les flancs. Mais cette couleur n’est
point répandue uniformément ; le noir et le blanc qui la composent sont disposés
par taches ou par ondes irrégulières et confuses. La gorge, le dessous de
la poitrine, le ventre, les jambes et les pieds, sont d’un noir-brun foncé; la
partie postérieure de l’abdomen est d’un blanc-roussâtre, et la queue d’un gris-
blanchâtre. L’oreille est noire bordée de blanc en dessus, et toutes les parties
nues sont d’une teinte tannée plus ou moins foncée.
LE BLAIREAU. 3
Sur les parties dont les couleurs sont uniformes , les poils n’ont qu’une seule
teinte. Sur les parties grises, les poils soyeux sont généralement blancs avec un
anneau noir au milieu, et les poils laineux blancs avec la pointe jaunâtre.
L individu mâle qui a servi de sujet à cette description avait deux pieds du
bout du museau à l’origine de la queue; sa tête avait six pouces, et sa queue
sept,- Sa hauteur moyenne était de dix pouces ; mais il était encore jeune et
aurait sans doute acquis une plus grande taille.
Le Blaireau passe la plus grande partie de sa.vie dans le fond d’un terrier
qu’il se creuse avec beaucoup de dextérité. J’ai moi-même été témoin de ce
travail. Deux jeunes Blaireaux, qui avaient été pris dans le terrier de leur mère
furent placés dans une cour pavée; ils la dépavèrent, et se firent un terrier où
ils passèrent une année entière, n’en sortant que la huit pour venir prendre
la nourriture qu’on déposait à leur portée. De là ils furent transférés dans un
fossé entouré de murailles, au milieu- duquel était une grande butte de terre.
Ces animaux cherchèrent d’abord tout autour des murs un endroit où ils pussent
fouir. Ayant découvert un vide entre deux pierres, dont la supérieure était saillante,
ils cherchèrent à l’agrandir; mais comme il était un peu élevé et qu’ils
étaient obligés de se dresser sur leurs pieds de derrière pour y atteindre, ce
n’était qu’avec beaucoup de peine qu’ils parvenaient à arracher le plâtre et la
la pierre dont ils voulaient se débarrasser. Alors je vis plusieurs fois le mâle se
coucher au pied du mur, et la femelle monter sur son corps pour atteindre plus
facilement le trou qu’elle voulait agrandir. Lorsqu’ils virent qu’enfin leurs efforts
étaient inutiles, ils se portèrent sous une autre grosse pierre, la seule qui, avec
la première, fût saillante; mais ils rencontrèrent encore là une résistance qu’ils
ne purent vaincre. Lassés de leurs tentatives inutiles du côté des murailles, sous
les pierres saillantes, ils s’arrêtèrent enfin à la butte de terre, et travaillèrent,
la femelle surtout, avec beaucoup d’ardeur et de persévérance. D’abord ils firent
de petites fouilles tout autour de cette butte, et se fixèrent vis-à-vis de l’endroit
où ils avaient fait leur seconde tentative contre la muraille. Ils commençaient par
'remuer la terre avec le nez, comme ils auraient fait avec un boutoir; puis ils
faisaient usage de leurs pattes de devant pour fouiller et jeter la terre derrière
eux, entre leurs jambes postérieures; lorsqu’elle s’était accumulée à un certain
point, ils la rejetaient plus loin avec leurs pattes de derrière; et enfin lorsque
le tas de terre le plus éloigné s’opposait au déblaiement de la terre qui sortait
du trou, ils venaient à reculons l’éloigner-encore davantage, en se servant pour
cela des pattes de devant et de celles de derrière; et ce n’était que lorsque le
terrain était débarrassé qu’ils retournaient travailler à leur terrier. Souvent un
de ces animaux se couchait à côté de celui qui fouissait, et paraissait autant le
gêner dans son travail que celui-ci devait troubler l’autre dans son repos. Pendant
la nuit le terrier fut achevé.
D’après ce que rapportent les chasseurs, il paraît que les Blaireaux garnissent
le fond de leur habitation de matières sèches et douces, dont ils se font un lit,
et qu’ils transportent entre leurs pattes. Cette habitation n’est pas un simple
boyau , d se trouve sur ses'parois des excavations dans lesquelles l’animal se
retire aussi. Souvent on rencontre plusieurs individus dans un même terrier,
et jai lieu de penser que le mâle et la femelle habitent toujours ensemble. Ces
animaux ne sortent de leur retraite que pour chercher leur proie, et en
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