originaire d’Afrique : Bosmann dit positivement que les Nègres le donnent à un!
animal de leur pays, qui, d’après la description qu’il en fait, paraît appartenir
au genre Lori ; ainsi les Nègres esclaves l’auraient porté en Amérique, et ce ne
serait pas le premier exemple qu’on aurait d’une semblable transplantation.
Quant au nom de Kinkajou, que cet animal a reçu de Buffon et que les naturalistes
lui ont conservé, il ne paraît pas non plus lui appartenir, quoiqu’il soit
américain. On le trouve dans Denis (Description de Y Amérique septentrionaleJ,
comme celui d’un animal carnassier, qui monte aux arbres, s’y place en embus»
cade, et se jette sur les Cerfs, au cou desquels il s’attache avec ses pâtes et sa
queue, et qu’il parvient ainsi à faire périr après avoir sucé leur sang. Or de telles)
moeurs ne peuvent point être celles du Poto, qui d’ailleurs ne se trouve point
dans l’Amérique septentrionale} et la ressemblance du nom, comme la ressern-
blance de l’instinct et des goûts porteraient plutôt à penser que le nom de Kinkajou
est le même que celui de Karkajou ou Carcajou, et qu’ils appartiennent
l’un et l’autre à un même animal, ç’est-à-dire au Glouton ou au Blaireau de
l’Amérique du nord*
C’est M. de Humboldt qui nous a fait connaître quelques-unes des dénominations!
de cet animal ; dénominations qui varient sans doute comme le langage des peu-j
plades qui rencontrent le Poto autour d’elles. Les Indiens-Muiscas, dans la Mesa dej
Guandiaz, l’appellent Cuchumbi; et à la Mission du Rio-Négro, il porte le nom de
Manaviri. L’un ou l’autre de ces noms aurait été bien préférable à ceux de Poto
et de Kinkajou, qu’il faudra tôt ou tard restituer aux animaux auxquels ils appartiennent}
mais nous n’avons pas osé changer une appellation reçue, par respect
pour un usage en quelque sorte consacré, tout en condamnant notre réserve.
Nous suivrons donc l’exemple de nos prédécesseurs, en continuant à nommer!
cet animal Poto} mais nous donnerons, avec Illiger, au genre que forme le Poto,
la dénomination de C e r c o l e p t e s ( i ) .
L’individu qui sert de sujet à cet article était encore jeune, et c’était une
femelle. Sa taille était à peu près celle d’un Chat domestique, et sa physionomie
rappelait celle des Makis} son pelage avait aussi des rapports avec celui de ces
derniers animaux par sa douceur, sa mollesse et son épaisseur. Moins haut que
les Makis, sur son train de derrière il avait leurs allures} et sans être, comme
eux, quadrumane, il marchait aussi sur la plante et la paume entières. Ses mouvements
étaient lents, et en apparence difficiles lorsqu’il ne s’élançait pas ; mais!
ses sauts avaient une grande rapidité; et ses grands yeux, presque dirigés de
face, semblaient compléter la ressemblance entre ces animaux ; cependant un
examen détaillé des organes dissipait bientôt toutes ces apparences.
Le Poto a cinq doigts, sans pouce distinct, à tous les pieds, armés d’onglesl
pointus, larges de bas en haut, mais étroits d’un côté à l’autre; ces doigts sonll
reunis jusqu’à la deuxième phalange par une membrane peu étendue; et leuil
rapport de grandeur, dans l’ordre décroissant, est celui-ci : le doigt du milieu.l
l’annulaire, l’index, le petit doigt et le pouce, et à cet égard les membres anté-l
rieurs et postérieurs se ressemblent. La plante et la paume sont entièremenll
nues, garnies de tubercules épais, surtout à la base des ongles, et revêtues d’unel
peau très-douce. Aux pieds de derrière, le pouce et l’index, restant rapprochai
( i) Nom tiré du g rec , et qui signifie q ueue p renante.
semblent se séparer habituellement des trois autres doigts. La queue est prenante,
et couverte partout également de poils ; son extrémité n’est point nue, comme
celle des Alètes, par exemple, c’est-à-dire qu’elle est un organe du mouvement,
sans en être un du toucher. Les yeux sont simples, et leur pupille est ronde; mais
à la lumière elle se rétrécit à tel point, que son diamètre est á peine d’un quart de
ligne. Les oreilles sont arrondies, sans lobule, et fort simples dans leurs tubercules
internes. Les narines sont petites, ouvertes sur les côtés d’un mufle, et de la
forme de celles des Chiens. La langue est étroite, mince, très-douce et d’une
longueur démesurée; ce qui fait supposer quelques particularités organiques nouvelles
dans ses muscles; et les organes du goût ne paraissent d’ailleurs accompagnés
daucune partie accessoire. Le pelage est composé de poils soyeux et de poils
laineux; mais ils sont les uns et les autres de même longueur, et on a peine à
les distinguer. Ces poils sont assez, courts, très-nombreux, et si pressés les uns
contre les autres, qu’à l’oeil on ne distingue pas leur direction, qui, au toucher,
paraît être généralementg le long du dos et sur les côtés, d’arrière en avant; sur
la queue et sur les membres, ils.se dirigent à la manière ordinaire, et toutes
les parties du corps en sont également revêtues, excepté la partie antérieure du
museau, la conque externe de l’oreillè, la plante des pieds et la paume des mains,
qui sont nues. On ne voit point de moustaches. L’orifice de la vulve consiste
dans une simple ouverture, et il n’y a que deux mamelles, qui sont inguinales.
Les incisives sont au nombre de six à chaque mâchoire, et les canines au nombre
de deux ; les unes et les autres n’ont de particulier que quelques stries longitudinales.
Il y a cinq molaires : les deux premières qui suivent les Canines, après
un petit intervalle, surtout à' la mâchoire d’en bas, sont petites êt pointues, et
ont tous les caractères des fausses molaires; les trois suivantes sont tuberculeuses:
à la mâchoire supérieure, leur couronne est à peu près arrondie ; un cercle et un
rebord d’émail l’entourent; mais on voit à leur bord externe deux mamelons, ou
tubercules, qui semblent être les restes, non usés, de la dent, avant que l’animal
en eût fait usage. De ces trois dents, celle du milieu est la plus grande; les deux
autres sont à peu près de grandeur égale. A la mâchoire inférieure, les trois
molaires tuberculeuses sont elliptiques. Les bords de la première présentent deux
pointes; mais les autres ne présentent qu’une surface unie, entourée et rebordée
d email; et ces dents sont opposées, couronnes à couronnes, comme toutes les
dents triturantes.
La couleur du Poto est en général d’un gris-jaunâtre, et c’est cette dernière
couleur qui domine, en prenant une teinte dorée, à la poitrine, au ventre et sur
les côtés des joues. Ses yeux sont noirs; ses oreilles.et son museau sont violâtres
et la plante des pieds, ainsi que la paume des mains, est couleur de chair- les
ongles sont blanchâtres. Tous les poils sont gris dans leur plus grande longueur et
jaunes à leur pointe; la queue, à son extrémité, est d’un ton plus sombre que
les autres parties du pelage, quoique des mêmes couleurs.
Cet animal était d’une douceur extrême, et se plaisait beaucoup à être caressé-
il passait sa journée entière à dormir, couché sur le côté, la tête ramenée sur sa
po.tr.ne, et recouverte par ses bras. Lorsqu’on le tirait de son profond sommeil, il
se plaignait dabord, semblait souffrir de la lumière,, et cherchait continuellement
à se cacher dans un coin obscur, ou du moins à mettre ses yeux à l’abri du
jour; néanmoins, avec quelques caresses, on parvenait à le faire jouer; mais