pesant, et font, ainsi chargés, dix lieues par jour* mais le Dromadaire de course,
qui ne porte point de fardeaux, en fait jusqu’à trente, pourvu que ce soit en
plaine et dans un terrain sec. Ils deviennent presque inutiles dans les pays pierreux
et montueux, et plus encore dans les pays humides* l’humidité leur fait
enfler les jambes , et on les voit tomber subitement : c’est ce que notre armée,
d’Orient observa en Syrie, pays où il pleut souvent. L’une et l’autre variétés
marchent ainsi pendant huit ou dix jours, ne mangeant que des herbes sèches
et épineuses qui-croissent dans le désert* lorsque la route dure plus long-temps
et qu’on veut les maintenir en bon état, on y ajoute de l’orge, des fèves ou des
dattes en petite quantité, ou enfin quelques onces d’une pâte faite de fleur de
farine : si l’on se dispense de ce soin, le Dromadaire ne laisse point d’aller encore,
mais il maigrit, et sa bosse diminue au point de disparaître presque entièrement.
Le Dromadaire peut se passer de boire pendant sept ou huit jours, selon tous les
voyageurs, et jusqu’à quinze, selon Léon l’Africain. Après une si longue abstinence,
il sent l’eau de très-loin* et s’il s’en rencontre à sa portée, il y court rapidement,
bien avant qu’on puisse la voir. On maintient cette habitude, même dans
le temps de repos, en ne lui donnant à boire qu’à des époqués éloignées.
On leur apprend dès leur jeunesse à s’agenouiller pour se faire charger * ils
ne se relèvent point lorsqu’ils sentent que le fardeau est trop lourd pour leurs
forces .* il y en a qui se chargent seuls, en passant la tête sous l’espèce de bât
auquel les ballots sont attachés. On est obligé de faire un bât particulier pour
chaque individu, et d’avoir soin qu’il ne touche pas le haut de la bosse, autrement
celle-ci se meurtrirait, et la gangrenne et les vers s’y mettraient bientôt:
quand cet inconvénient arrive, on met sur la plaie du plâtre râpé bien fin, qu’il
faut changer souvent. Ils aiment la musique* et c’est en chantant qu’on leur fait
faire plus de chemin lorsqu’on est pressé : ôn en a vu exécuter des espèces de
danses au son des instruments.
Ces animaux sont très-doux* excepté dans le temps du ru t, où ils sont comme
furieux. On dit qu’à cette époque ils se ressouviennent de tous les mauvais traitements
qu’ils ont reçus, et qu’ils cherchent à s’en venger, si leurs auteurs se
présentent à eux. Ils ruent et mordent * quelquefois ils écrasent des hommes sous
leurs pieds. Pendant quarante jours, ils ne mangent presque rien* et deux grosses
vessies leur sortent à chaque instant de la bouche avec un râlement très-désagréable.
On coupe tous les mâles de service, et on n’en conserve qu’un seul entier
pour huit ou dix femelles.
C’est au printemps que le rut commence. La femelle est couchée sur ses jambes
pendant l’accouplement, qui n’a lieu qu’avec beaucoup d e ‘peine, et après que le
mâle a été long-temps excité. La gestation est de douze mois* il ne naît qu’un
seul petit* Shaw rapporte qu’il naît aveugle, ce qui est une erreur. Il n’a que
deux pieds de haut en naissant* mais il croît si vite dans les premiers moments
de sa vie, qu’au bout de huit jours il a déjà prés de trois pieds. Il tette pendant
un an, et .n’a atteint toute sa grandeur qu’à six ou sept ans. Le Dromadaire peut
en vivre quarante ou cinquante. Oléarius assure que le Chameau à deux bosses
et le Dromadaire produisent ensemble des individus inféconds comme les mulets,
et que ces individus sont plus estimés que les races originelles. Un Chameau mâle
a fait concevoir à Paris, en iy 5i , un Dromadaire femelle* mais le petit, qui était
fort chétif, ne vécut que trois jours.
La chair des jeunes Dromadaires est aussi bonne que celle du Veau; les Arabes
en font leur nourriture ordinaire ; ils la conservent dans des vases, où ils la
couvrent de graisse. Iis en mangent aussi le lait, qui est épais et nourrissant,
et dont ils préparent du beurre et du fromage. La femelle donne du lait dés
l’instant qu’elle a mis bas jusqu’à celui où elle a conçu de nouveau. Le membre
du mâle préparé sert de fouet pour monter à cheval.
Le poil du Dromadaire s’emploie à plusieurs sortes d’étoffes, des feutres et
dautres préparations. On tond ces animaux en été, on les couvre d’huile, et on
les laisse ainsi plusieurs heures par jour couchés au soleil. II n’est pas jusqu’à
leur fiente qui ne soit une ressource dans ces pays arides ; c’en est le principal
combustible, et on prépare, avec la suie qui en résulte, une quantité de sel
ammoniac; aussi le Dromadaire a-t-il fait, de temps immémorial, la principale
richesse des Arabes pasteurs, et c’est par le nombre de ces animaux qu’ils
possèdent qu’on estime la fortune des particuliers. Les paysans égyptiens, ou
fellahs, ont aussi beaucoup de Dromadaires, dont ils prennent très-grand soin.
Ils ne les emploient point au labourage, mais au transport des marchandises et
à tourner les roues qui leur servent à arroser leurs champs.
La variété blanchâtre du Dromadaire que la Ménagerie a possédée consistait
en deux individus qui lui avaient été donnés, en 1798, par le dey d’Alger; ils
étaient alors âgés d’environ trois ans, haut de 4 pieds 6 pouces, en y comprenant
la bosse. Leur poil était presque blanc, excepté sur le haut de la bosse
où il tirait déjà un peu sur le roux. Ils arrivèrent ensuite, la femelle à 6 pieds iW
et le maie à 7 pieds; et l’un et l’autre devinrent entièrement d’un gris-roussâtre!
Egyfîte on regarde les variétés les plus grises comme les plus fortes : il y en
a aussi 4e .blanches et noires, mais elles sont très-rares.
La mue de nos Dromadaires commençait au mois d’avril ; elle n’allait pas, comme
dans le Chameau, au point de leur faire perdre tous leurs poils ¡'elle rt*était
même pas plus rapide cheval des autres animaux de notre climatsa
duree était de deux mois, et c’étaient les poïts-dE^a-iiossE-^nt^a^èaîëîit îes
derniers. Le rut précédait la mue; il commençait au mois de février, et durait
aussi deux mois. Le mâle avait, pendant tout ce temps, un écoulement^ la partie
postérieure de la tête, semblable à celui que nous avons décrit dans le Dromadaire
brun : la femelle n’en avait aucun; mais ses mamelles augmentaient considérablement.
Ni l’un ni l’autre ne perdaient leur appétit à cette époque, ni ne
faisaient voir ces vessies qui sortent de la bouche des Dromadaires dans les pays
chauds : peut-être cela vient-il de ce qu’ils étaient encore trop jeunes, et que
leur chaleur n’était pas complète. Les essais qu’ils ont faits pour s’accoupler n’ont
pas eu de succès; le mâle forçait la femelle de se placer, à coups de pieds et
de dents : elle tombait à genoux, seulement sur les pieds de devant, et non tout-
à-fait couchée, comme ceux chez lesquels l’accouplement a lieu.
Le mâle mangeait trente livres de foin par jour, la femelle vingt; ils buvaient à
peu près un seau d’eau chacun; leurs excréments ressemblaient, pour la forme et
pour la couleur, à de grosses olives; ils urinaient en arriére, comme les Chameaux.
La femelle était fort douce; mais le mâle était assez méchant : il cherchait à presser
ceux dont il était mécontent contre un mur ou une cloison, et à les écraser.
On les employait à faire marcher une pompe, et ils s’en acquittaient fort bien;
les jours de travail, on leur donnait un peu d’avoine ou de son.