
ou quatre plus ou moins longs & en forme de
pattes ou de nageoires j enfin , la quantité de leur
refpiration n’eft pas fixe, comme celle des mammifères
& des oiféaux : elle varie avec la proportion
du diamètre de T artère pulmonaire comparé
à celui de l'aorte , &, de là, des différences d’énergie
& de fenfibilité plus grandes que celles qui
exiftent entre un oifeau & un autre oifeau, entre
un mammifère & un autre mammifère ; de là, des
variétés fans nombre dans les formés, les mou-
vemens & tout l’ organifmej de là, des modifications
dans tous les fens au plan général que la
Nature a fuivi dans la formation des animaux vertébrés
, & fpécialement de ceux qui conftituent
les ordres des ovipares. •
Il n’eft donc pas très-étonnant que les natura-
liftes aient éprouvé une véritable difficulté quand
il s’eft agi d’afligner un nom à une clafle d’animaux
qui renferme des efpèces fi diverfes.
Le célèbre profeffeur d’Upfal, Karl von Liri-
næus , que nous appelons fi mal-à-propos Linné ,
& fes nombreux disciples, avoient rafièmblé les
Reptiles fous la dénomination colle£tive d'Amphibies
y dénomination équivoque & peu précife ,
puifque, ainfi que le remarquoit l’exaét & fcru-
puleux Daubenton, fi l’on, prend pour amphibies
des animaux aquatiques qui peuvent vivre pendant
quelque temps fur terre, ou des animaux terref-
tres qui peuvent relier durant quelque temps dans
l’eau, tous les animaux, même-l’homme, font
amphibies. Or, il efi des reptiles qui ne fe plongent
jamais dans l’ eau, & il en efi qui n’abandonnent
jamais le fein de ce fluide.
Sans être beaucoup plus heureux que Linnæus,
Daubenton, partageant les Reptiles en deux grandes
divifions, avoit appelé les uns Quadrupèdes
ovipares & les autres Serpens, dénomination qu’adopta,
plus tard, l ’illuftre comte de Lacépède,
auquel l’Erpétologie a des obligations immenfes.
Ce dernier, cependant, tout en admettant les
deux claffes de Daubenton, intercala entr’elles
celle des Biped.esy tandis que le profefïeur Hermann,
de Strasbourg, dans fon ouvrage intitulé :
Tabula, affinitutum animalium ( i ) , voilloit qu on
changeât le nom d’Amphibies en celui de C ryé-
roses , lequel eft tiré du grec & lignifie froid y dégoûtant
& livide.
Aujourd’hui le nom de Reptiles a prévalu mani-
feftement.
Quoi qu’il en foit, il nous faut , avant de palier
en revue les diverfes clalfes d’organes qui conftituent
leur économie, apprécier les grandes différences
qui caraélérifent les divers ordres de Reptiles,
& chercher, par conféquent, à les clalTer
d’une manière méthodique , à placer ainfi des jalons
de repaire fur la route que nous devons
parcourir.
Malgré le haut degré de perfe&ion auquel les
fciences & les, arts avoient été portés; en Egypte ,
tout ce qui a été écrit fur cette matière avant
Ariftotè, nous ëft entièrement inconnu. Ce grand
philofophe, dont le moindre mérite eft: d’avoir
été le précepteur d’Alexandre de Macédoine, fils
de Philippe, paroît avoir recueilli toutes les ob-
fervations faites jufqu’ à lui j mais il en a un grand
nombre qui lui font propres 5 & il eft digne de1
notre admiration pour la finelfe &lajufteflfe de
fes vues générales, pour l’ ordre qu’il a fu mettre
dans fes idées & pour la fimplicité de fa dittiori
dans de volumineux ouvrages, dont il ne nous
refte que la plus petite partie. C’eft dans fes livres
Ilept Çcoav itfoptas & llspt uv ptopteJ'Vy que n O 11 S
trouvons les premières traces d’une clamflcation
des Reptiles : il les partage effectivement en deux
grandes familles, celle des Quadrupèdes ovipares &
celle des Serpens, divifion depuis adoptée, comme
nous l’avons vu, par Daubenton.
Entre Ariftotè (1) & Caius Plinius Secundus,
fi célèbre parmi nous fous le nom de Pline le Naturalise
3 & qui fut intendant des revenus de l'Empire
en Efpagne & en Afrique, fous les règnes
des empereurs. Vefpafien & Titus, dans le premier
fiècle de notre ère , l’hiftoire naturelle des Reptiles,
encore à fon aurore, n’offre que des efforts
vagues & fouvent fuperflus, des tâtonnemens incertains,
un petit nombre de faits épars au milieu
de beaucoup d’erreurs, & nous ne trouvons per-
fonne à citer comme ayant cherché à faciliter
l’étude de ces animaux fous le rapport de la claf-
fification ou fous le point de vue important de
l’anatomie. Pline lui-même (2), trop crédule &
plus occupé à raconter des prodiges qu’à raffem-
bler le fruit de fes propres obfervations, n’à pu,
malgré l’étonnante étendue de fon lavoir, faire
faire aucun progrès réel à la fcience. Cet illuftre
écrivain, aufli recommandable par la féconditéjle
fon efprit que par le genre de fa mort, n’a pour
ainfi- dire rien vérifié par lui-même, & femble ne
s’être occupé qu’à rarnaffer, pour les amateurs
des prodiges, les fables débitées jufqif à lui, les.
rêveries les plus fingulières, & les contes populaires
les plus abfurdcs.
Un feul homme pouvoit pafièr Pline fous ce
rapport défavantageux : c’étoit le fophifte grec
Claude Ælien (3), qu’ on a confondu à tort avec
(O ^epl Irfoptxs} avec urie cradu&ion françaife
& des notes par Cam us , Paris , 1788 , in-4°.
(2) C a 11 Plinii Secu "f d 1 Hi florin naturalis liber nonus de
aquatilium naturâ ; recenfuit amplijfimifque commentariis inf-
truxit L..T. Gronovius, Lugd. Ëacav., 1778, in-8°. —
Hifioria Mundi , Lugd. Bacav., i635 in-i8i
(3) KA«ev^i(0u AiMxyo» lltp't ÇeicSv (1) Page 218. iéio'jifjoç Billet
deux autres Æliens, & fur lequel on ne fait nen
de pofitif aujourd’hui. Quoi qu il en foit, il eft le
père de toutes les erreurs qui, pendant fi longtemps,
ont fouillé l’hiftoire des animaux, & dont
on cherche actuellement à la purger. Comme
Pline, mais avec un ftyle moins fleuri & une ab-
fence complète des penfées brillantes fi familières
à ce dernier, il a compilé une multitude de faits
pris de tous côtés j il les a entaffés fans^ordre î ce
qu’il dit des Reptiles, en particulier, n’a ni plan,
ni méthode, & n’ eft curieux que par des détails
fur la manière de vivre de ces êtres. Si donc Ælien
a ajouté quelques faits fpéciaux à la fcience, il ne
l ’a pas mieux caraétérifée pour cela.
Que dirions-noiis de plus au fujet de 4 Africain
L. Apuléius, dont la plupart des ouvrages font
perdus, & du célèbre auteur du Dîner des favans,
le grammairien Athénée ( i) , qui vivoit fous 1 empereur
Marc-Antonin-le-Sage ? Eux feuls pourtant,
à peu près, méritent d’être cités dans^ le
trum eruditionisy & que Tournefort l*a regardé
comme le père de l’hiftoire naturelle, totius hiflo-
ri& naturalis parens ac veluti promptuarium , il fut
débarrafler les voies des ordures de la fuperftitîon
& dû fanatifme, qui les obftruoient ; il dégagea
les foibles germes des vérités naiffantes, du poids
fatigant d’une continuelle impofture qui les étouf-
foit j il interrogea la Nature au moyen de l’expérience
long laps de temps qui s’eft écoulé depuis Pline
& Ælien jufqu’au feizième fiècle.
Au milieu de tous les jongleurs qui infeftoient
alors le monde favant, & qui étendoient fur la
raifon des voiles qui la faifoient difparoïtre fous ;
les ténèbres, comme on voit le foleil être obf-
curci par les nuages j après cet Albert Groôt ou
le Grand, de la famille des comtes- de Bolftædt,
que l’Hiftoire faura diftinguer à caufe de la maffe
impofante de connoiflfances ,qu’ il poffedoit pour
fon temps, mais dont la retraite du cloître avoit
enflammé ^imagination, dont l’efprit de fon fiècle
domina le génie pourtant prodigieux, & qui n’eft
arrivé à des réfultats utiles que par des fentiers
ténébreux ou des méthodes imparfaites (2) , fe
montra avec éclat un homme qui, à grands frais,
à l'aide du temps & avec bien dès loins , fut raflem-
bl&r, fur le fujet qui nous occupe, une foule de
matériaux importans dont nous ne dédaignons
point même aujourd’hui de tirer parti. Cet homme
étoit Conrad Gefner, né à Zurich en Suifle, en
1 y 16, & profeffeur de médecine & de philofophie
dans l’Univerfité de cette.ville. D’un tel favoir,
que Boërhaave n’a point craint de l’appeler monf- *1 2
L’édition la plus cftirnéè eft celle de Gronow , donnée à
Londres en a74-1- > volumes , in-4".
(1) &U7rvotro<pt9/]5v BioRiet ■ yriv'JtKXt Daléchamps
a public, in-folio, à Heidelberg, en 1097 » u,llie edition
grecque 6c latine d'Achénée. C’eft celle que nous avoiis oc-
cafion de cirer par la fuite.
(2) La colleélion de fes OEuvres imprimées à Lyon , en
165 r , par les foins du dominicain P. J am mi, formé vinge-
un volumes in-folio. Ce qu’il a- die des reptiles eft renfermé
dans les deux opufcules fui vans :
Opus de Animalibus , ftomte , 1778 , in-fOU
Alberti Magni five G rôti de Animalium Proprietattkus
libri XXp'I.'Se netiis , i^yojin-fol. •
, mais il fut moins heureux fous d’autres
rapports ; dans les deux livres de fon Traité des
animaux qu’il a confacrés aux quadrupèdes ovipares
(1) & aux ferpens (2), c’eft-à-dire aux reptiles
, s’ il a le premier guidé les pas de ceux qui
veulent apprendre à connoître avec méthode les
individus de leurs familles nombreufes qui rampent
à la furface de nos plaines, fe^cachent dans
les trous de nos rochers, lîllonnent l’herbe de nos
prairies, habitent le fommet des arbres de nos
forêts, ou animent le fein de nos mers, de nos
lacs & de nos rivières j s’il a le premier fenti le
befoin d’une claflification, il n’en a donné qu’une
ébauche imparfaite, déparée & même rendue vi-
cieufe par l ’ordre alphabétique, & dont les défauts
n’ont pu être réparés que par la confiance
avec laquelle il a fuivi une excellente méthode
fecondaire.
A la même époque que Gefner, au refte, vivoit
Guillaume Rondelet , une des lumières de l’Univerfité
de Montpellier, où il étoit prbfefleur royal.
Il publia une Hiftoire des Poiffons où l’on trouve
celle de plufieurs reptiles. La Réputation dont jouit
encore à préfent le livre de ce favant naturalise,
venge bien fon auteur du ridicule dont !e fatirique
Rabelais a cherché à le couvrir fous lê nom de
Rondibilis. On le confulte encore fouvent, parce
qu’ il a beaucoup vu & que-fa critique eft faine (3).
Dans le courant du ipême fiècle, & à dater de
l’époque où florifloient ces hommes diftingués, l’étude
des Reptiles, fous le double rapport de l’hiftoire
naturelle &même de l’anatomie, commença
à prendre une grande faveur dans le monde favant
j le prince des chirurgiens français, Ambroife
Paré, confacra à ces animaux plufieurs chapitres
de fes oeuvres immortelles j le laborieux & infortuné
compilateur Ulyffe Aldrovandi, médecin de
Bologne, lurnommé le Pline moderne, & qui n’ a
pas moins que Pline l’ancien honoré l’ Italie, publia
à grands frais, & avec une prodigieufe quantité
de planches, une Hiftoire des Reptiles (4),
:où l’on trouve quelques détails d’anatomie ; Redi
• ( ij De Quadrupedibus oviparis.
; (2) De Serpentium naturel.
i (3) Libri de Pifcibus marinis , in quibus ver* Pifcium effigies
exprèjfè funi, Sec. , Lugd., 1554 » in-tol. — Univerfie
Aquatilium HiflorU pars altera, Lugd. , 1554 , in-fol.
(4) Serpentium & Draconum Hifioria libri I I . Bol.,
1 in-fol.
A 2