
Dans ces animaux, en effet, on obfeve deux
plans charnus très-forts, qui forment la paroi
inférieure de la grande cavité thoraco-abdominale
, fe rapprochent l’un de l'autre en fe dirigeant
en devant, pafTent au-delfus de l’os en
ceinture, gagnent la face fupérieure de l'os en
coeur j & j le tirant en arrière, entraînent avec
lui dans le même fens les extrémités antérieures
des branches hyoïdes, la langue & toutes les
extrémités inférieures des jrcs branchiaux, qui
font en même temps portés en bas.
Ils ouvrent manifefiement les branchies avec
plus de force qu’aucun des autres mufcles dont il
3 été queftion, & ils font aidés, dans cette aélion,
par deux corps charnus qui viennent de l'extrémité
antérieure & inférieure des os en ceinture ,
& s'attachent, fur les premiers, à l'os cordi-
forme.
Les Poiffons dont l’opercule eft ofleufe pofîè-
dent trois mufcles pour la mettre en mouvement :
l'un la ferme, un autre l'ouvre, & le troifième la
lie à fa congénère.
Le premier ou YadduSeur, né de la face interne
& fupérieure de l'opercule, en arrière de l’articulation,
va fe fixer, par fon autre extrémité, à la
bafe du crâne.
Il eft court & large.
Le fécond ou Yabduéieur, attaché, d’une part,
dans la foffe temporale, au-defîiis du protracteur
de l'os carré, de l'autre, à l'angle fupérieur &
antérieur de l'opercule, tire cet angle en haut &
' en dedans, de manière à écarter, par un mouvement
de bafcùle, le bord libre de l'opercule des
branchies.
Le troifième ou Y adduéleur commun eft implanté
en dedans de chaque couvercle operculaire &
pafîè de l’un à l'autre en traverfant l'os cordi-
forme , qu'il recouvre en deffous.
Il ferme les ouvertures des ouïes fimultanément
à droite & à gauche.
Il a , pour antagoniftes , les deux mufcles pré-
cédens & le grand abaiffeur de la mâchoire infé -
rieure.
L'opercule de Y Ortkagorifius mola eft charnue
& compofée de plufîeurs mufcles remarquables.
L'un de ceux-ci forme prefqu’entièrement l'o percule
: il eft conftitué par plufîeurs couches de
fibres parallèles, qui fe rendent d'une portion de
l’os en ceinture à l'autre, & s'amincilfent beaucoup
vers le bord libre du couvercle operculaire,
lequel eft appliqué fur l'ouverture des branchies
par deux petits mufcles qui en partent de chaque
côté & remontent, l'un en avant, l'autre en arrière
, fur la face interne de l'os en ceinture.
Dans la plupart des Poiffons offeux, le grand
abaiffeur de la mâchoire inférieure eft, en même
temps, un adduéleur de la membrane branchiof-
tège, aux rayons de laquelle fes fibres s'attachent
en partie de chaque côté.
Ces rayons, dans la Truite, font, du refte,
écartés les uns des autres, c’eft-â-di're que la
membrane branchioftège eft développée & appliquée
contre l'ouverture des ouïes, par un mufcle
compofé de deux portions, dont l’une tient au
bord inférieur de la pièce poftérieure de l'hyoïde,
tandis que l'autre eft attachée à la face interne des
cinq rayons antérieurs & tient aux autres par de
longs filets tendineux. Toutes deux fe réunifient
en un tendon qui pafîè fous ^extrémité inférieure
de la branche hyoïde oppofée, & va s;épar,ouir
fous l’os lingual.
Le tendon du mufcle gauche paffe fous celui du
mufcle droit.
La féconde portion de ce mufcle remplit l'ufage
indiqué d’abord ; la première ne peut fervir qu’à
abaifferla langue.
Ce mufcle fe retrouve dans l’opercule des Ba-
liftes-, des Alutères-, des Triaeanthes & des Té-
trodons.
Nous parlerons plus tard des mufcles des os
pharyngiens.
542. La Voix, fis Nuances,. fies Particularités.
Aucun Poiffon n’a de voix; fi quelques efpèces,
comme les Grondins & les autres Trigles font
entendre un certain bruit quand on les fort de
l’eau, ce phénomène tient à une tout autre
caufe qu'à celle, qui produit la voix chez les animaux,
qui ont des poumons & un larynx. Nous
l’avons déjà dit ; nous reviendrons encore plus
tard fur cette matière.
F O N C T IO N C IN Q U IÈ M E .
La Digejlion,
S e c t io n p r em iè r e .
Généralités.
942- bis. Doués d’ un appétit violent pour la
chair, toujours animés d'une infatiable avidité,
tourmentés par un befoin confiant de nourriture
animale, cherchant fans ceffe des viétimes à leur
voracité, à la faim dévorante qui les confume,
féroces & fanguinaires par inftindt, quelquefois
cruels envers leurs femblables & n’épargnant pas
même leurs petits dans plus d’un cas, la plupait
des Poiffons, joignant la plus grande agilité à
des armes terribles, femblent nés pour porter
1 épouvanté, pour répandre la terreur & la mort
parmi les races timides de l’empire des eaux, &
leurs dents fortes & acérées, leur eftomac rô-
bufle, leurs inteftins vaftes, juilifient d'avance
l’opinion qu'on en conçoit fous ce rapport, expliquent
la caufe irréfiftible qui maintient dans un
état de guerre perpétuel leurs nombreufes légions,
& leur fait convertir en un vafte champ de
bataille & de funérailles l'immenfe étendue des
mers, des lacs, des fleuves & des rivières. Si les
Brochets, les Saumons,- les Thons, les Morues,
les Coryphènes, les Dorades, les Requins, nous
étonnent par leur incroyable gloutonnerie, par la
férocité & la hardieffe qui caraétérifent toutes
leurs allions, les Perches, les Alofes, les Anguilles,
les Raies, les Maquereaux, les Congres,
moins redoutables, ne font pas moins remarquables
par la grande quantité de nourriture qu'ils
peuvent avaler dans un temps très-court, & toujours
cette nourriture eft une proie proportionnée
à leur volume ; fi les premiers détruifent les êtres
de leur propre claffe;fiun Requin pêché à Marfeille
à l'époque où Brunnich étudioit dans cette ville,
contenoit dans fes vifcères- deux Thons & un
homme tout habillé; fi un autre Requin dont
parle Rondelet avoit dans le ventre un guerrier
tout-armé, & fi,, au rapport du P. Feuillée., un
de ces féroces tyrans des eaux, dévora une
dame qui fe baignoit à l'embouchure d'un fleuve ;
les féconds font rentrer dans le .néant les Molluf-
ques, les Annélides, les Cruftacés, lesZoophytes
de toutes les efpèces que nourrit le fein fertile de
l'Océan, & les Larves d'infeétes, les myriades de
Phryganes, d’Ephémères, de Moucherons, de
Papillons, qui, à certaines époques de l'année,
viennent périr à la furface des eaux douces.
On a dit & redit que certains Poiffons vivoient
de Limon i la vérité eft qu'en barbottant dans la
fange impure, ils y cherchent les vermiffeaux &
les débris des corps des animaux. Ces efpèces
j>aroiffent dépourvues de dents & fouvent ne portent
que quelques afpérités fur les mâchoires, au
palais ou vers la gorge. Quelques autres efpèces
fe contentent, au moins affez. fouvent, d'algues &
d'autres plantes marines; celles-ci, parmi lefquelles
on peut ranger la plupart des Spares, des Pagres,
des Labres & des Scares, & certains Poiffons
auxquels on attribuoit anciennement la faculté de
ruminer, comme la plupart des beftiaux nourris
dans nos pâturages, ont fouvent des lèvres fortes
& charnues, propres à détacher des rochers les
matériaux de leur nourriture. Il eft auffj, dit-on,
des Poiffons qui ont un goût très-vif pour les
graines & les autres parties des végétaux terreftres
ou fluviatiles ; c'eft une rare exception & qui ne
fe rencontre guère que parmi les individus de la
famille des Cyprins, les moins carnivores de tous
les Poiffons.
En général, quoique ordinairement pourvus
d’un appareil dentaire compliqué, ces animaux ne
mâchent point leurs alimens, ne favourent pas le
fang de la proie qu’ils avalent, & ne jouiffént
aucunement du-fens de la gullation, tel que nous
le concevons habituellement. Leur langue épaiffe,
dure, comme cornée, leur palais cartilagineux
font peu fenfibles aux faveurs, & l'eau qui, fans
ceffe, traverie leur bouche pour fournir aux
branchies les principes de la refpiration émouffe-
roit la fenfation en luppofant qu’elle exiftât. C'eft
fur cette obtufion des fens, c'eft fur la voracité
dégoûtante dont nous avons parlé plus haut, que
fe trouve fondée, la théorie de la pêche à la ligne
& aux hameçons : jamais, en effet, le Poiffon ne
fe défie de l’aliment qui lui eft offert, & les
Requins n'examinent même point le corps qui fe
préfente à eux, & qu'ils avalent, car on trouve
fouvent dans leur eftomac des objets incapables
de les nourrir & qu’ils ont avalés.
943. La Bouche. La cavité de la bouche, dans
les Poiffons , s'ouvre en avant, en deffus, ou en
deffous du mufeau, par une fente plus ou moins
étendue , fuivant les efpèces ; elle eft bornée latéralement
par les branchies & leurs opercules ;
en arrière, elle communique avec l'oefophage.
Son Ouverture offre de nombreufes variétés de
fituation, de direction & de proportion.
Elle eft pratiquée à la face fupérieure de la
tête, dans l'Uranofcope & la Scorpène.
On dit alors qu'elle eft fupérieure (riélus oris fu-
perus).
On l’appelle verticale, quand, déjà fupérieure ,
elle eft en outre perpendiculaire à l’horizon.
Tel eft le cas de l'Anoftome & de l'Ophidion.
Quelquefois elle fe trouve, placée fous le mufeau
, ou à la partie la plus baffe^de la tête ; o u
lui donne dans ce cas, en particulier, l’épithète
d'inférieure (ri élus oris infer us').
Les Squales, les Raies-, les Torpilles, les Squa-
tines, le Xiphias, l’Efturgeon, la Lamproie,
offrent une femblable difpofition.
Elle eft tranfverfale ou horizontale (riélus oris’
tranfverfus five horizontalis), quand elie coupe à
angle droit le diamètre vertical du corps.
C'eft ce qu'on obferve dans , le plus grand'
nombre dès Poiffons.
Elle eft oblique, par rapport à ce même axe,
dans la Rafcaffe, l’Anguille, & la plupart des-
Pleurone&es, comme le Turbot & la Plie.
L'ouverture de la bouche eft arquée à un degré
plus ou moins marqué dans les Scies, les Requins
, lesEmiffoles , les Touilles, les Rouffettes,
les Marteaux , les Humantins, les Pèlerins, &c.
Elle eft reétiligne ou droite dans les Raies.
Elle eft circulaire ou en anneau ( riélus- oris an-
nularis five circulons) dans les Lamproies, les
Ammocætes, les Myxines, les Eptatremes.
Elle eft contournée y & comme monftrueufe,
du côté oppofé aux yeux dans les Soles.
Elle eft elliptique (ohlongo-rotundus ) ou de la
figure d'un carré a angles arrondis ( quadrato-rotun-
dus), comme dans les Carpes, les Barbeaux, les
Corégones, &c.
Elle paroît demi-circulaire dans le Turbot.
Elle eft étroite , ronde & percée au bout d’un
long tube formé au-devant du crâne par le
prolongement de l’ethmoïde, du vomer, des