
changer en véritables nageoires écailleufes ? Qui
ne voit ici de quel genre d’ utilité eft une queue
aplatie & comprimée poulies Gavials, les Caïmans
, les Tritons, le? Protées, &c.? Qui ne
reconnoît aufli le fervice que rendent, pour la
natation, les branchies exertes des têtards des
Anoures, de ceux de la Salamandre, des Sirènes
& des Protées ?
C ’eft ainfi que la fcène du monde efl vivifiée
par les mouvemens de tous genres des Reptiles,
l'oit fur la verdure de la terre, foit au fein des
mers mugiffantes, des fleuves rapides , des lacs
tranquilles. La Grenouille qui bondit, le Lézard
qui fêmble dévorer l'ëfpace aans fa courfe rapide;
la Couleuvre, l’Acontias, le terrible Crotale qui
grimpent fur les arbres; le Dragon qui voltige de
branche en branche & femble s’élancer vers les
deux; la Vipère qui rampe en fifflant; le Triton
qui fe baigne dans le^cryual des fontaines.& des
ruifieaux limpides ; le Crapaud qui fe vautre dans
la fange des mares ; l’Orvet qui fe glifi’e en ferpen -
tant fous les feuilles fèches de nos taillis ; la
Tortue qui fe montré au milieu des flots argentés ;
le Protée qui anime des eaux que les rayons du
foleil n'ont jamais éclairées ; le Gavial qui fend les
ondes avec la rapidité d’une flèche lancée par un
vigoureux archer; tout en eux nous répréfente la
vie de la Nature , & ils nous offrent certainement
un des fpe&acles les plus intéreflans & les plus
variés de notre monde fublunaire, où rien ne
peut refter immobile, où la puiflancé,,1e merveilleux
de la Nature nous obligent à une admiration
fans bornes.
I l 6. UIrritabiliiê & fes Phénomènes. Nous
rappellerons d’abord, d’une manière générale,
que l’irritabilité mufculaire eft, chez les animaux
dont nous faifons l'hiftoire, d'une énergie
qui paroît hors de proportion avec le peu de
développement de leur fenfibilité, avec le peu de
délicatefle de la plupart de leurs fens, avec le
petit volume relatif de leur cerveau. Expofés à
toutes les intempéries des faifons, obligés de
vivre dans des retraites fouterraines & profondes,
n’ayant pour ailles que des antres ténébreux bu
de vaftes forêts, plongés dans la fange des marais
, ou tapis fous les racines & dans les trous
des arbres, ils n’écoutent en effet qu'un brutal
inftinâ, ne fuivent que les penchans phyfiques,
& cela, pour la plupart, pendant un temps limité
chaque année, temps après lequel non-feulement
l'exercice intérieur de leurs fens & du fentiment,
mais même l’appétit grofïier de la nourriture & le
befoin vénérien femblent anéantis, au point qu’ils
tombent dans un état de fommeil & d'engourdif-
fement prolongé, qui rappelle l’image de la mort
& qui a de grands rapports avec ce que l’on ob-
ferve, parmi les Mammifères & les Oiféaux s dans
les Loirs, les Marmottes, les Chauves-fouris, les
HérifTons Hz les Hirondelles. Chez eux, la fenlibilité
pouvoit donc, fans de graves jnconvéniens,
être émouflée; c’eft en effet ce qui arrive , &
cependant l’aftîvité des fonctions de leur vie intérieure
n’en femble qu'en partie ralentie. Ils peuvent
être privés de parties 'aflez confidérables,
.telles que la queue & les pattes, fans cependant
perdre la vie, comme on l ’avoit déjà note du
temps de Pline (1). De Lacépède parle aufli d’une
Dragonne de Cayenne que l’on conferve au Cabinet
du Roi., & qui porte une large cicatrice à la
place d’une de fes pattes.
■ /On a vu plufieurs de leurs organes tant extérieurs
qu’intérieurs, fe môuvoir après avoir été«
arrachés ou détachés du refte du corps. Pendant
long temps encore, & dès le fîècle d’Ariftote,.on
connoiiToit ce fait pour le Caméléon; Le coeur des
Tortues, celui des Crapauds palpite après avoir
été enlevé du thorax. On a vu des Serpens & dès
Tortues ouvrir & refermer la gueule ‘plufieurs
heures après que leur tète avoit été coupée.
Redi (1) & Boyle citent des Reptiles du même
genre qui donnoient encore des lignes de' vie
après vingt-quatre heures de féjour dans le vide.,
e* * *3 (l)Daudin allure que cela ert arrivé à certains animaux
de cette dalle que l’on tenoit dans l’alkohol
depuis quatre heures environ. Edward Tyfon, dont
la véracité du refte eft généralement reconnue ,
rapporte dans le n°. 144e 'des Tran factions philo-
fopiiiques de la Société royale de Londres, qü'un
Serpent à fonnèttes vivoit encore plufieurs jours
après la dilacération de fa peau & l'arrachement,
de là plupart de fes vifeères. Pendant le premier
fejour que Cook fit fur les côtes de la Nouvelle-
Holiande, on tua une Tortue entre les deux
épaules de laquelle étoit un harpon de bois barbelé
aufli gros que. le doigt & long d’environ
quinze pouces : ce corps étranger paroifloit avoir
été introduit là depuis long-temps déjà, puifque
la plaie qui lui avoit livré paflage etoit entièrement
cicatrilee.
D’après une remarque de Spallanzani, il paroît
encore que fi l’on arrache le-coeur bu quelque
membre à une Grenouille, à une Salamandre ou
à un Crapaud, durant la période de l'engour différaient,
ces parties Vivent pendant plus de temps
que fi l’on faifoit l’opération dans les cii confiances
habituelles de l’exiftence de ces animaux.-Ce fait
vient à l ’appui d’un principe de phyfiologie établi
naguère par le profeffeur G. Cuvier, principe qui
veut que l'irritabilité mufculaire s’épuife d’auraut
moins vîte que la refpiràtion, moins néceflaire à
l’animal, eft moins prompte à la réparer.
Peut-être encore faut-il attribuer à une carafe du
même genre la faculté qu'Ont les Lézards de reproduire
leur queue, & les Salamandres deréta-.
(1 j Lib. 2 , c. 3.
(aj Ojfcrvajioni intooio animait vivèqti, 5çc. , Napoli,
* 682 > P • 126»
blir les membres qu’oil leur a amputes, furtout
lorfqué la chaleur de l'atmofphere vient au fecours
dp la Nature en fouffrancs»
C ’eft un fait que les expériences du célébré
Bonnet (i) & que les obfervations de Plate-
Ü Ü ont mis hors de doute, apres celles toutefois
de Thévenot & de .Du Verney 1 confirmées
pat Perrault 8c publiées dans VHtftoire de | Académie
royale des Sciences, de Pans ( J)-
fonc t io n seconde.
Circulation.
Ifang eft moindre que. dans les Mammifères, 8e
, , 7. La Circulation en général. On fait que les
phvfiologiftes entendent par le mot de circulation
le mouvement progreflif & détermine auquel font
affuiettis, dans les vaiffeaux qui les contiennent,
les divers fluides qui entrent dans la compolition
des corps vivans, comme le chyle, la lymphe , e
fans Sec., & , plus, fpecialement encore, le
cours que fuit ce dernier dans l’Homme U dans
les animaux vertébrés. • ' . ■ • I ,
Dans l’Homme & dans les animaux les plus
compliqués, la circulation eft une fonction _ des
plus importantes, pat laquelle le fang, parti du
ventricule gauche du coeur, fe répand par Es
artères danstout lecorps, chemine dans le iyfteme
capillaire, paffe dans les veines, revient au coeur,
entre dans l’oreillette droite de cet organe, puis
dans le ventricule correfpondant qui 1 envoie a
fon tour dans l’artère pulmonaire pour etre diltri-
* hué dans les poumons, d’qu il fort par les veines
•pulmonaires pour fe rendre dans .1 oreillette ■ &
dans le ventricule gauches, 8e en partir de nou-
que fi la quantité de refpiràtion de ceux-ci, ou
tout le fang eft obligé de paffer par le poumon
avant de retourner aux autres organes, ett ex-
I primée par l’unité, on ne pourra exprimer la quan-
* tiré de refpiràtion des Reptiles que par une traction
Dans ce trajet, le fang décrit évidemment un
double cercle; l'un, dans les poumons ; 1 autre ,
dans tout le corps.
Il n’en eli point de meme chez, les .Repaies,
dont le coeur le trouve difpofé de maniete, qu a
chaque contraction il n’envoie dans le poumon
qu’une portion du fang qu’ il a reçu des diverfes
parties du corps, I que le refte de ce fluide retourne
aux organes fans avoir paffe par le poumon
& fans avoir éprouvé 1 influence de la reipiration.
La circulation pulmonaire de ces animaux
n’eft donc qu’une fraCtion de la grande circulation
, fraétion plus ou moins forte félon les genres,
Sc.produifant ainfi des. effets plus ou moins
"'Yfréfulte de là que l’aétion de l’oxygène fur le
I (!) Voyez y dans le tome V de fes OEuvre? complètes,
les trois Mémoires qu’il a -, (d) Su. le Riproduiione pdueblllieé s Gàa mcebtete eo edcéal“ia° C^o d,a d.e.l.le
Salamandre aequajuole.Uc. ( Scelta di Opufe. mter.; vol. 37,
Ç. l8. ) . ' ' ’ . (3) Année 1686, p. 7 8c fuiv.-
de cette uqité d’autant plus petite, que la
portion du fang qui fe rend au poumon, a chaque,
contraction du coeur, fera moindre.
De là aufli, moins de force dans le mouve-
ment, moins de fineffe dans l'exercice des fens,
moins de rapidité dans la digeftion, moins de
violence dans lès pallions, chez les Reptiles que
chez les Mammifères, & furtout que chez les >1-
féaux : de là, enfin, leur inertie, leur ftupidite
apparente , leurs habitudes communément parel-
feulès, là température Jiroide de leur fang, 1 en-
gourdifièment dans lequel ils paffent généralement
l'hiver ; l’irritabilité manifefte que conferve leur
chair long-temps encore après avoir ete leparee
du corps; le phénomène fingulier de la continuation
de la circulation pendant plufieurs jours,
malgré là dilacération des poumons 8c la ligature
de l'artère pulmonaire, comme notre favant maître
de Lacépède a eu occafion de le noter au fujet
d'une Tortue (1).
S e c t i o n p r e m i è r e .
zzli Le Péricarde en général. Cette membrane
exilfé auffi généralement que le coeur; on doit
donc la retrouver dans les Reptiles.
Le Péricarde offre des différences dans chacun
des ordres de cette grande claffe du règne animal,
quoique, chez tous, il repréfente une cavité plus
ou méiris remplie d'une vapeur ou d un liquide
aqueux, 8c qu'il foit forme d une lame mince,
féreufe, adhérente au coeur dans une partie de fou
étendue, 8c d'une lame fibreufe, plus epaiffe, plus
confiftanfe, fixée par quetques points de ta furtace
externe aux parties environnantes.
Dans les C hélosiens , le péricarde, vafte 8c
fort eft contigu à la membrane qui revet les poumons
, 8c lui eft aufli fortement unie que celui de
l'Homme l’eft au diaphragmé,
Sur une Tortue à boîte que mon excellent ami
8c mon favant maître le profeffeur Dumeril a eu
l'extrême bonté de me donner, j ai trouve le péricarde
abfolument cartilagineux, comme dans les
Lamproies 8c les autres poilfons cycloftornes ( î;.
Dans les C rocodh.e s , le péricarde adhère,
commechez lesChéloniens, au péritoine qui revet
la convexité du foie, & fa pointe tient, par un
cordon tendineux très-fort, au_fommet du coeur.
(l) Hi ft not. des Quadrupèdes ovip. 6 des Serpent.