
mais Ton appareil de guerre n’a point encore été
étudié d une manière (pédale.
Il n'en eft point de même du Gymnonote électrique
(i) > on connoîc parfaitement bien laYource
delà force merveilleufe & (oudaine que la Nature
a mife à fa difpofition, l’origine des effets furpre-
nans de fon pouvoir magique.
Dans prefque toutes les langues des peuples
à la connoiflance defquels il eft parvenu , ce poif-
fon a ufurpé, en raifon de fa forme, le nom de
l’Anguille 5 mais fi les Allemands l’ont appelé
Zitur aal3 les Hollandais Cqnger aal (2), les Anglais
Eletlrical eel (3), les Français Anguille de
Cayenne on Anguille électrique 3 on eft bientôt forcé
de diftinguer l’un, de l’autre 5 il a des rapports
avec elle, à la vérité, mais il habite le fein’de
ces fleuves immenfes qui roulent lë tribut de
leurs ondes vers les bords orientaux de l’Amérique
méridiona'e, dans des régions brûlées par
Jcs feux de l’atmofphère & fans cefte humeétées
par l ’eau des mers & des rivières. C’eft là que la
terre eft prodigue de végétaux vénéneux & d'animaux
nuifibles, impurs habitans de favanes
noyées. Aufli la prétendue Anguille de Surinam,
de la Guiane françaife & du Pérou, fe refifent-elle
de la nature du climat dans lequel elle eft deftinée
à vivre. Le même fluide qui fait jaillir l’éclair du
fein de la nue la rend redoutable fous le limon
des criques & des marais. De loin elle atteint &
renverfe d’une commotion électrique les hommes
(4) & même les chevaux lès plus vigoureux
& les plus agiles ; d’autant plus à craindre d’ailleurs
que, douée d’ organes de natation très-énergiques
, elle eft, dans un efpace de temps incalculable
, tranfportée près de fa proie ou loin de
fcs ennemis, & peut par là ménager l’électricité;
qu’elle fécrète, afin de répandre tout-à-coup
autour d’eile la mort ou la ftupeur. Plus terrible
(1) Nous avons cru devoir déûgner fous le nom de Gymnonote
un genre de Poiflons d’abord établi par Artédi fous
la dénomination latine de Gymnoius, 8c reproduix, dans
tous les ichthyologiftes français, fous celle/de Gymnote:
dénominations évidemment vicieufes, puifque ce mot, qui
dérive du grec & fignifîe dos nu3 eft formé de l'adjectif
yoitioç (nu) 8c du fubftantif yéÜ]oç (dos), ainfi que nous
l’avons déjà dit à nos articles à ce relatifs, dans la Faune
des médecins, tome V , page 324» & dans le Diüionnaire des
fcitnces naturelles, tome XX , page 126.
(2) Franz van uer L o tt , Bericht van den Conger-Aal,
ofie Drilvijch. ( Verhandel. van de Maacfch. tè Haarlem,
6 Dcels, 2 îstuck. Rerichtcn, pag. 87). '
(3<) W illiam B k ïa n t , Tranfait. o f the americ. Society.
vol. I I , page 166.
(4) Il y a une immenfe quantité dcGymnonores dans les
environs de la petite ville de Calabazo; 8c, près d’Uriiucu,
une route jadis très-fréquentée a été abandonnée à caufe de
c.sPoiftons éleétriques. Il falloir, en la fuivant, pafler à
gué un ruiflèau dans lequel beaucoup de mulets fe noyoienr
annuellement, étourdis par les commotions que ces animaux
leur faifoienc éprouver.
•que la Torpille, elle ne cefte d’être même à craindre
que quelque temps après avoir perdu la vie.
Cette qualité torporifique du Gymnonote, découvert
pour la première fois par van Berkel (i),
& que Mufichenbroëck (2.) & Prieftley confondent
à tort avec la Torpille, avoir été obfervée
à Cayenne dès 1677, par le naturalifte & aftro-
nome Richer (3)5 mais ce n'eft que long-temps
après cette époque que les médecins & les phy-
ficiens fentirent l’importance du fait raconté par
celui ci & cherchèrent à en approfondir les phénomènes.
Le marquis de la Condamine (4), J. N. S.
Allamand (y), P. van Muftchenbroëck (<?), Laurent
Théod. Gronow (7), Franz van derLott (8)',
G. Jacob’ s Gravefande (9), Edwards Bancroft(io),
Phil. Fermin (11), Godef. Willh. Schilling (12),
Bajon (13), J. B. Le Roy (14), Raim. Maria de
Termeyer (1 y), Barrère (16) & plusieurs autres
jetèrent d’abord quelque jour fur cette matière
intéreffante. Vers le dernier tiers du dix-huitième
fiècle, Hugh Williamfon à Philadelphie (17),
Alex. Garden dans la Caroline (18) , John Walsh
(19), fir John Pringle (20) à Londres, G. Aug.
Langghuth à Wittemberg (21), ont fait çonnoître
la fource & la nature de la pui(Tance étonnante du
poiflon dont nous parlons. Mais c’eft furtout à
M. le baron Alexandre de Humboldt (22) que
(0 Sammlung Seltener und merkwürdiger, 8cc., 2°.partie ,
Memmingen-,. 1789, pagc-220.
(2) Introdu&io ad Philofoph. natural., tome I , pag. 290.
(3) L innæüs,- Syfl. Nat. r ed. Gmel., gen. 144 ? Fp* 2<
(4) Mémoires de l'Académie royale des feienees, année
1745, page 466.
(5) Verhandvan de Maatfeh. te Haarlem, 2 deel, p. 372.
(6) L . c.
(7) Gymnoti tremuli deferiptio atque expérimenta cum co-
infiituta. {Aft. helvet., voi. IV , page 26).
(8) Ubifuprâ.
(9) Introduit, ad Philofoph. , Metaphyf. , 8cc. , Lufd.
Batav., 1737.
(10) Ejfayon the natural Hiflory o f Guiana. London,
1769,1.1-8°.
( 1 1 ) Defcript. générale , hiß. , géogr. & phyf. de la Colonie
de Surinam. A mit., 1769, in-8°.
(12) Ot'fervatio phyfica deTorpedinepifee, imprimce~avec
l’ouvrage dti* 2 3 4 5 6 7 8 9 10 * 12 4 17 18 19 20 21 2n;êrne ait ceux intitulé : Diatribe de morho jawsr
Trajeéti, 1770, in-8°. — Voye% aufli le Journal clePhyfiqus,.
introduction, tome I I , janvier 1774, page 437, 8c les Koi:-
veaux Mémoires de l'Académie de Berlin , 1770, page 98. _
Le Torpedo pifeis de Schilling eft évidemment norre Gymnonote
éleCtrique.
( i3) Journal de Phyfique, -tome I I I , page 47.
( i4) Ibidem, tonie V i l , page 331.
( i5) Opufcoli feelti, tome IV, page 324.
Ç16) H iß . nat. de la France équinoxiale , page 169.
(17 ) Philofoph. Tran fa i l ., Yoi. LX V , page q/L
(18) ibidem, page 102.
(19) Journal de Phyfique, année 177G.
(20) Ibidem, tome V, page 24 t. — A Difcourfe on the
Torpedo, London, 1776, in-4°.
(21) Dijfert. de Torpedine Reçentiorum , ecnere Anguilla,
Refp. J. A . Garn. Wittcnb., 1778, in l\°. , ..
(22) Recueil d"Gbfervations de Zoologie & d'Anatomie
comparée, Paris, 1807, l 8 i1 > in-4° . , L
l'on doit des détails précieux à ce fujet : un
homme aufli riche en connoiflances exactes que
î'eft ce célèbre voyageur pouvoitfeu} les donner.
Au refte, ce n'eft pas feulement dans l'Ame-
rique que ce poiflon extraordinaire a été l'objet
des expériences des favans s plus d'une fois il a
été tranfporté vivant en Europe. En 1778, Walsh
en a eu un individu dans 1a capitale de la Grande-
Bretagne; un autre a exifté quatre mois dans la
maifon de M.Talîlberg, à Stockholm, aucom-
mencement de l'année 1797, 8e il y a cinq à fix
ans que nous en avons pu examiner un troifieme
au Jardin du Roi, à Earis.
Si l'on touche le Gymnonote éleélrique avec
une feule main, on n'éprouve point de commotion
, ou du moins on n'en reifent qu'une ties-
foible ; tandis que'la fecouffe eft violente fi l'on
applique les deux mains à une diftance affez grande
l’une de l’autre fur ce même animal. Ne peut-on
point, avec de Lacépède , voir-ici une aétion analogue
à celle qui fe pafle lorfqu on cherche a recevoir
un coup électrique par le moyen d un plateau
de verre garni convenablement de plaques
métalliques, 8c connu lous le nom de carreau
fulminant? Si l'on n’approche qu'une main, &
que l’on lie touche qu’une fuvface , à peine efl-on
frappé,; mais on reçoit un choc très-vif fi l’on
emploie les deux mains , & fi , en s’appliquant
aux deux furfaces, elles les déchargent à la fois.
Touché airflî des deux mains , le Gymnonote
peut, afiure Elënri Collins Flagg ( l) , fournir afiez
de fluide éleètrique pour caufer aux deux bras
une paralyfie de plufieurs. années de durée.
- , Suivant M. de Humboldt, les Commotions des
. Gymnonotes dont il 'a été atteint furpafient en
force les coups éleCtriques les plus douloureux
qu'il ait jamais reçus d^une grande bouteille de
Leyde complètement chargée. Cet iilullre (avant
penfe , en conféquence, qu'il n’y a point d’exagération
dans le récit, des Indiens , lorfqu’ils.af-
furent que des perfonnes qui nagent fe noient
quand un de ces animaux les attaque par la jambe
ou par le bras Une décharge aufli violente , dit-il,
eft bien capable de priver l'homme, pour plufieurs
minutes , aie l'ufage de fes iens. Lui meme, pour
avoir placé fes deux pieds fur un Gymnonote que
l’on venoit de (ortir de 1 eau , fut frappe d une
commotion effrayante , & refleurit, le relie du
jour, une vive douleur dans les genoux S:.dans
prefque toutes les articulations du corps.
Les métaux, l’e-.u, les corps mouilles , & c .3
tranfmettent la force engourdilfante du Gymnonote,
& cela nous explique comment on eft atteint
au milieu des fleuves, quoiqu’on foie encore
allez éloigné de l’ animal, & comment, à
’ ( I ) G'firvations on the Numb fish or rorporific eel■
(Tranfatt. o f the Americ. ibe. ,. voi. a, page 17.0. >
environ quinze pieds de diftance , de petits poif-
fons font immédiatement frappés de mort.
Au refte , ainfi que cela a lieu pour la Torpille,
Tefpèce d’ arc de cercle que forment les deux
mains peut être fort agrandie fans que la force de
la commotion en foit fenfiblement diminuée. Dans
une des expérîènces tentées par Williamfon, huit
à dix perfonnes, ayant formé un rond en fe tenant
par la main, ont reftenti toutes à la fois une très-
vive fecoufl’e au moment où la dernière vint à
toucher la tête de l’animal, tandis que la première
avoitplongé fa main dans l’eau à une petite
diftance de lui. La même chofe, dit-on , eft pareillement
arrivée à une chaîne de vingt-fept
perfonnes.
Il dépend de la volonté de l’animal de donner
des commotions plus ou moins fortes •, fouvent
même il faut qu’il fe foit, pour ainfi dire,pro-
grelfivemenr animé. Ordinairement les premières
de ces commotions font plus foibles ; elles deviennent
de plus en plus vives àmefure que l’agitation
& l’irritation le prononcent davantage,
enfin, elles font terribles , afin ment les obfervu-
teurs, quand une forte de rage fe déclare.
Lorfqu’un Gymnonote a frappé ainfi autour de
lui à coups redoublés , il femble épuifé , & il lui
faut un temps plus ou moins prolongé avant qu’il
puifte faire éprouver de nouveaux chocs. On diroit
qu’il emploie ce temps à charger fes organes fou-
droyans d’une nouvelle quantité de fluide torporifique
(1).
Un phénomène bien digne d’attention encore
chez le Poiflon dont nous parlons eft le fuivant.
: On afiure que des nègres & certains indigènes
I du pays où il fe trouve , jomfient du privilège
fingulier de le toucher fans refifentir l'influence de
fon aéiion. On ignore fi c’eft en le preftant fortement
par le dos, comme l’ont dit quelques
perfonnes, ou fi c’eft en interpolant entre ieurs
mains & le corps de l’animal, quelque fubftance
non conductrice de l’ eleCtricité, ou en employai.t
tout autre moyen d’adrefle , qu’ils ont intérêt de
faire pafler pour une puififance furnaturelle} mais
on fait pofitivement, difent H. C. Flagg & le
baron de Humboldt ( i) , que des femmes atteintes
(0 M. de Humboldt (l. c nous apprerid qu’ein A mérique
on a l’airt de mettre c<:tcc circonicanc:e à pro fie pour
s’emparer des Gymni-notes. On fait entre r de torce des
chevaux 1àuvajj;es dans les étangs habirés pa.r ces P uilions j
les malh<mreu:t quadrupèdes reçoivent les premic res décharges
: étourdis, abattus , ils difparoi'lFeric fous 1’eau , 8c
les pêche ors pirennent enfuit e les alTaillans,; foit avcc des
file ts fo iic avec le harpon , c:ar le combat. eft termine au
bout d'un quairt d’heure.
Les Inidiens lui ont égal;mienc alluré qit’en ch alTanc 1rs
chevaux deux jouis de fuitie dans une mare renaplie de
Gymnonotes, aucun de ces mammifères n’i; le rué 1<: kcond
jour, aùcire preuve de la néct:Üitc du repos pour 1’.tccumulac
ion d’ tme nouvelle dole de du idc éle.ctri'que.
Wf L' c•