
l'avons dit, des tubercules dont ils portent le
nom, ont une longueur et une difpofîtion qui
varient beaucoup fuivant les efpèces. Nous avons
déjà noté comment affez fouvent ils changent de
direction au moment de fortir du crânes nous
rappellerons Amplement ici que, dans les Raies,
chacun de ces nerfs çonftitue fur toute fa longueur
un tronc unique & folide, qui fe renfle, à
fon extrémité, en une forte de croiflant, de la
concavité duquel s'échappent les filets, 8c qui
reffemble affez bien, pour la blancheur & la ftruc-
ture, à ce qui exifte à cet égard dans l'Homme.
Dans le Cycloptère lump, le nerf olfaàif eft
unfaifceau cylindrique de filets parallèles, pourvus
de névrilemme 8c renfermés dans une gaîne
commune.
Dans le Congre, l'Anguille, la Myre, il exifte,
de chaque côté, deux troncs olfactifs fuperpofés
dans leur trajet, d'abord grifatres, & enfuite d'un
rouge d'autant plus vif 8c plus intenfe qu'on les
examine plus antérieurement. Par leur côté ex-
tcme, ils fe fubdivifent en branches bientôt ramifiées
elles-mêmes.
Dans les Squales, le'lobe olfaflif, creux, corn-
mimique avec une cavité qui parcourt le nerf
jufqu'à la narine, où il s'épanouit en un croiflant
de même que chtzles Raies. Dans l'Orthagorifcus,
le nerf olfaétif eft prefque capillaire.
Sect i on dix ième.
87f ■ Le Sens du Goût en général. Nous ne répéterons
point, aufujet de la fenfation confidérée
en elle-même, ce que nous avons dit ci-deffus
au fujet de 1 olfaétion. Nous rappellerons feule--,
ment que dans les Poiffons chondroptétygiens, il
n'y a aucune apparence de langue, le deffous &
le de fin s de la gueule étant également liftes. Dans
d autres, ou 1 appareil hyoïdien, par fa dernière
pièce médiane, vient faire une faillie à la partië inférieure
de la cavité buccale, il exifte en ce lieu un
renflement revêtu d’une peau que gonfle un tiflu
cellulaire fous-jacent affez abondant : c'eft là ce que
communément on appelle la langue des Poiffons.
Tel eft le cas de la Carpe, du Saumon, du
Barbeau, de la Morue, de l'Æglefin, du Thon,
du Maquereau. Cette prétendue langue n’eli jamais
papilleufej elle eft même fouvent garnie
de granulations ou d'épines cornées, comme le
refte des tégumens : c'eft ce qu'on peut voir :
furtout dans les Squales. Chez certaines Raies, 1
elle porte une plaque dentaire manifefte. Nous
reviendrons fur cette difpofîtion en traitant de la
maftication.
Nous favons déjà que le nerf hypogloffe manque.
il devient donc clair que le véritable organe
de la guftation n'exifte point dans cette claffe
entière d'animaux vertébrés, et que la peau qui
en occupe la place ne fauroit repréfenrer une
membrane guftative..
Remarquons ic i, en effet, que les Poiffons,
tout goulus qu ils font habituellement, font bien
peu fenfîbles aux faveurs. Tous avalent indifféremment
ce qui fe préfente à eux, et c ’eft fur
voracité irrréfléchie que repofe l'art de la
pêche aux^ hameçons. Sans fe défier jamais des
alimens qui lui font offerts, un animal de cette
efpece vient fe reprendre au même hameçon
qui 1 avoit tout a l’heure arrêté. Jamais le Requin,
anime dune infatiable avidité, altéré de
fang & de meurtre , portant partout l'épouvante
& la mort, n'examine ce qu'il avale 1 tout lui
paroit bon, 8c fouvent fon eftomaca engloutit des
objets incapables de le nourrir.
S ection onz ième.
876. Le Toucher, ou plutôt la Taction en général.
Quoique, au premier coup d’oeil, les Poiffons
femblentpeu favorifés de la Nature par rapport au
développement de leurtoucher, le deffous du ventre
& 1 extrémité du mufeau font cependant des
parties d'une affez grande fenfibilité, chez des
etres d'ailleurs couverts entièrement d'écailles
ou d’une peau épaiffe & gluante. Il faut convenir
néanmoins que les impreflions perçues ainfi
doivent être fort incomplètes, fi ce n’êst pourtant
dans les efpèces dont le corps alongé, fer-
pentiforme, alépidote, peut s'appliquer fur les
corps étrangers, en décrivant une ou plufieurs circonvolutions.
Quant aux extrémités des membres
ou aux nageoires, quoique formées d’un grand
nombre de^doigts, quoique compofées d'une
multitude d’articulations, jamais elles ne peuvent
embraffer les objets extérieurs, & elles reçoivent
d'ailleurs fort peu de ne,rfs. Les Poiffons
dont les catopes font fupportés par des appendices
plus ou moins charnus ou réunis en forme
de difque, comme les Lophies, les Baudroies,
lés Cycloptères, les Lépadogaftères, ou ceux
dont les nageoires peélorales font accompagnées
ou repréfentées par des rayons libres, comme
les Trigles et les Polynômes, doivent être mieux
partagés que les autres en ce genre, et probablement
aufli que ceux dont le tour du mufeaii
& de la tête eft muni de barbillons, poffèdent
dans ces prolongemens cutanés un organe de taction
plus fin, plus délicat. Cela paroît d’autant plus "
vraifemblable, que cette difpofîtion le rencontre
principalement chez les efpèces qui. vivent sédentaires
fous les fucus et les-Herbagés, dans
la vafe, où elles attendent leur proie, attirée
fouvent vers ces appendices, qui flottent au-
deffus de l'asile limoneux, comme vers des ver-
mifleaux. Les Silures, les Loches, les Uranof-
copes, les Pimélodes , les Bagres, les Baudroies,
les Efturgeons & beaucoup d'autres font dans
ce cas. Chez ces derniers, le volume du nerf de
chacun des barbillons eft vraiment confidérabie.
Peut-être aufllque les produirions molles, les papilles
pilles qui s’élèvent fur la têre des Blennies , des
Pholis & de quelques genres de la même famille,
ont un ufage analogue.
N ’eft-il point probable aufli que les Poiffons
qui fréquentent habituellement les bas-fonds où
règne une obfcurité profonde, doivent pofféder
quelque moyen de preffentir l’approche des corps
qui peuvent les bleffer, ou le voifinage de ceux
qui peuvent fervir à leur nourriture? Tout cui-
raffés, tout emprifonnés même qu’ils font foüs
leur peau écailleufe, à la vérité, mais non tellement
réiiftante qu’elle puiffe gêner leurs mouve-
mens d'une manière marquée, puilque nous avons
vu qu’ils favent tous aifément bondir., avancer,
reculer, defcendre, monter, fe courber, fe
redreffer, fendre l’onde dans toutes les directions,
les Poiffons poffèdent une agilité fi remarquable
qu’elle eft paffée en provèrbe, & confer-
Vent une irritabilité organique fi confidérabie qu’elle
iurvit de plufieurs heures à l’exiftence de l’animal,
& que des Anguilles, des Carpes, taillées, déchirées,
coupées par tronçons, fe contractent,
fautillent encore & palpitent fort long-temps.
Jufqu’à quel point cette irritabilité, que les Mammifères
& les Oifeaux perdent avec la chaleur de
la vie, eft-elle indépendanteffe la fenfibilité générale
& par fuite de celle qui nous donne les
fenfations de taétion ? Jufqu’à quel point, un Requin
auquel le harpon de fer d'un pêcheur expérimenté
a arraché un lambeau de chair, a détaché
les tégumens dans une grande étendue, & qui
pourtant paroît fi peu fouffrir, qu’il pourfuit encore
fa proie alors même que fon fang s’épuife avec fa
vie , eft-il infenfible aux fenfations dont nous
parlons ? Peut-on dire même qu’elles foient
exclues par l'efpèced’infenfibilité que manifeftent
tous les êtres de fa claffe, lors des bleffures
cruelles qu’ils fefont entr’eux dans leurs guerres à
mort, 8c qui ne fauroient fufpendre la fureur des
combattans, comme fi la Nature, toujours pré-'
voyante, avoit décidé que des animaux toujours
en péril ne reftentiffent pas trop doulouveufement
les atteintes de la deftruCtion qui les menace fans
ceffe.
Quoi qu’il en foit, la ta&ion, qui, dans les
Poiftons, femble fubordonnée aux autres fenfations
fpéciales, a fon fiége dans l’enveloppe
générale du corps, qui diffère beaucoup de ce
qu'elle eft dans les autres animaux vertébrés.
Nous devons donc faire connoître cette membrane
& fes diverfes couches avec quelque
détail.
877. Le Derme, ou Chorion, ou Cuir. Le derme,
ou chorion, chez les Poiftons, ordinairement fort
adhérent aux tiffus fubjacens, n’en eft jamais affez
ifolé pour être mobile, & paroît beaucoup plus
muqueux ou gélatineux que fjbreux. Son tiffu eft
communément peu ferré, & fe trouve immédiate-r
ment recouvert par une çouçhe vafcul^ire de
Syjt. Anat. Tome IE',
fubftance d’une teinte nacrée ou métallique, &
par un appareil protecteur auquel on donne le
nom d * écailles , fans qu’on remarque rien qui pa-
roiffe remplacer le corps papillaire formé dans
beaucoup d’autres animaux par l’épanouiffement
des houppes nerveufes.
878; VEpiderme. L’épiderme eft mince, tranf-
parent, fouvent même nul.
Jamais il ne donne naiflance à des poils ou à
d’autres organes analogues. Quand la partie folide
du derme fe prolonge en appendices trichoïdes,
comme dans une efpèce de Syngnathe des mers de
l’Auftralafie ; en aiguillons recourbés, comme
dans la Raie bouclée; en tubercules aplatis,
imbriqués, comme dans l’Humantin; en piquans
épineux, comme dans la plupart des Diodons,
des Tétraodons, dans le My.iobate aigle de mer,
la Paftenague, &c. ; en cornes plus ou moins
longues & réfiftantes , comme dans plufieurs Coffres
tte Balilles ; en lames tranchantes, telles que
celles que l’on obferve fur les côtés de la queue
de l’Acanthure chirurgien ; en plaques tubercu-,
leufes irrégulièrement éparfes, comme dans le
Lump ; on ne fauroit comparer aucune de ces
productions aux poils, aux éperons, aux cornes
des autres animaux vertébrés, & les écailles
elles-mêmes n’ ont point le bulbe générateur des
poils des Mammifères, des plumes des Oifeaux;
elles ne font pas même formées par le pincement
du derme comme chez beaucoup de Reptiles;
elles font adhérentes plus ou moins intimement au
derme, & fe trouvent renfermées & libres en
grande partie dans une forte de poche aplatie
formée par le réfeau de Malpighi & qui femble
les produire, en exhalant, par fa face interne,
une férié de cônes des plus comprimés & com-
pofés eux-mêmes de lignes cornées, rayonnantes
& montant de la bafe à la circonférence des
écailles, dont le volume & la forme fon* excefli-
vement variables ( i) , & qui font fouvent fi petites
qu’on a de la peine à les apercevoir, comme dans
les Anguilles, par exemple.
Après le frai, quelques Poiffons perdent leur
épiderme, qui tombe par lambeaux à mefure
quun nouveau fe formé en deffous. C ’eft une
véritable mue, analogue à celle des Oifeaux.
880. Les Cryptes cutanées. Le corps entier de
la peau eft abreuvé, chez les Poiffons , par un
fluide muqueux très-abondant & qui fuppofe,
l’exiftence d’un grand nombre de cryptes fécré-
toires; car, quoique l’on voie les pores qui ver-
fent cette humeur, on aperçoit difficilement les:
organes qui la préparent. Nous avons déjà fait
connoître la difpofîtion des bouches & des vaif-
feaux mucipares chez les Raies, les Squales Ôc
(1) f'oyej ci-deffous, n°. 883»
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