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dont il s’agit vers les deux tiers inférieurs de
la longueur du dard dans le Scorpio occitanus,
Leeuwenhoèck ( i ) , Vallifnieri (a), Linnæus($),
en ont reconnu trois fur le Scorpio europ&iu & fur
le grand Scorpion de Tunis.
Redï affure avoir vu fortir une goutte de liqueur
blanche de l’aiguillon du Scorpion (4 ) ,
& l’habile & patient micrographe Swammerdam
(y) croit à l’exaCticude du fait, vérifié d’ailleurs
récemment encore par M. Maccari (6) ,
en forte que l'opinion de Galien (7), celle
de l’empirique Lucatelli & celle de Melchior
trick (8 ) , médecin à Ulm en 1699, qui ont
nié la perforation de l'aiguillon du Scorpion
font détruites tout à la fois & par l’obfer-
votion répétée de Redi & par l ’examen à l'aide
du microîcope.
D’ailleurs J. Caffan (9) a v u , fur le grand
Scorpion de Sainte-Lucie , les glandules qui fé-
crèt^nt le venin. Au nombre de fix, elles font
placées lur la queue & donnent naiffance à un
canal excréteur qui dépofe la liqueur dans l’ampoule
qui termine cette partie./
Ayant exprimé, fur un de ces ongles , une
goutte de cette liqueur, M. Maccari lui a trouvé
1 apparence d’une eau chargée de gomme tk l’a
vue fe cryftallifer au bout d’une minute. Elle a
donc quelque refiëmblance avec le venin des
Scorpions.
Il eft impoffible de révoquer en doute les
effets pernicieux que ce poifon a fur le corps
de l’homme, quoique tous les Scorpions ne
ioient^ pas également venimeux, quoique les
fymptômes qui caraCtérifent fon introduction dans
l’économie de nos organes foient fubordonnes
à la conftitution , à l’état fain ou morbide , à
la difpofition morale même de l'individu piqué,
& à une foule de circonftances tenant au climat
, à la faifon, aux habitudes, ou dépendantes
de la vigueur ou de l’épuifement aCtuels du
Scorpion attaquant, qui peut être dans le moment
du rut , ou qui peut avoir bcfoin de ré-
( 1) Arc.nat. #
( 2) Epkem. Acad. Nat. Car. „ cent. I I I & IV , pas. 58.
(3) Syft. N a t., n°. x 137.
( 4) Opéré compl., N ap o li, 1778 , in -8 ° ., tom. I ,
pag. 72..
(5) Collusion académique, partie étrangère, tom. V
pag. 55.
(6) G’eft donc à tort qu’en parlant du Sco rpion, un
poëce latin a dit :
.........Nigrumque gereus itt' acumine virus.
(/) r'oye? fon Traité : Tlept xpecreas km) , Sec..
(8) Paradoxa medica , & c . , Ulm , 1699., in*xa.
(9) Mémoires de la Société médicale d‘Emulation de Paris,
tom. V , pag. x3o.
tablir fes forces perdues par l’effet de combats
antérieurs ( i) ou par de longs jeûnes.
En Tofcane , par exemple, dit-on, les payfans
touchent les Scorpions & fe laiffeut piquer par
eux fans en être incommodés : mais les expériences
de Redi prouvent qu’au moins quelquefois
ils font dangereux.
En Languedoc & en Barbarie , leur piqûre eft
allez fouvent fuivie des accidens les plus graves }
mais, il faut l’avouer, elle n’eft que très-rarement
mortelle en France, en Efpagne & en Italie. Cependant
, fous la zone torride, le danger eft plus
imminent. Bontius (2) alîùre que la piqûre du
grand Scorpion des Indes détermine la démence >
entre les mains de Redi celle du Scorpion de
Tunis a fait périr plufieurs animaux (3) 5 Mallet
de la Brolfière (4) a vu ce dernier caufer chez
deux perfonnes un état morbide très-grave, &
Calfan a vu celui^de Sainte-Lucie amener la mort
en affez peu de temps (y).
Amoreux, né à Beaucaire, & qui toujours
habita le midi de la France, dit que dans cette
partie de l’Europe , les exemples de perfonnes
piquéqs par des Scorpions fe préfentent rarement.
Pendant de longues années, il n’e ft, dit-
il parvenu à fa connoiffance que les deux
faits fuivans :
« Une dame dormant, pendant Tété, les bras
croifés fur la tête, s’éveilla en furfaut, croyant
avoir fenti pafler une louris fur fa main qu’elle
fecoua bien vite. Un: moment après elle fut piquée
au cou. La douleur fut vive, & il s’ éleva
en cet endroit un phlegmon avec tenfion de la
peau jufqu’à l’épaule & près de la mamelle. Le
lendemain , à fon lever , cette dame trouva un
Scorpion caché fous le lit. »
« Un eccléfiaftique, fe préfentant à la garde-
robe r fe lentit piqué fous la cuilfe : il aperçut
un Scorpion fur le fiége, mais il en fut
quitte pour éprouver pendant quelques heures
de la douleur avec rougeur & gonflement, bc
pour relfentir quelques envies de vomir. »>
M. Maccari a fait fur lui-même des obfer-
vations du même genre. Il raconte emfautres
que, le 4 août 1809, fur les huit heures du
matin , il fut piqué par- le dard de la queue d’un
Scorpion de Languedoc, à l’extrémité de la
(r) Dans les expériences , Maupertuis fie piquer par des
Scorpions plufieurs chiens & plufieurs poulets 5 quelques-
unes des victimes fuccombèrent ; quelques autres ne fouifri-
ren t, pour ainfi dire, aucunement.
(2) D e Medicinâ Indorum.
f i ) c.
(4J Mémoires, de lu Société royale de. Médecine, années
*777 & 1778, pag. 3 1 £>.
(5) Mémoires de la Société médicale d‘Emulation, 1. c.
pag. i 3o.
(6) Notice des Infettcs de la France réputés venimeux,
Paris , in -8 ° ., 1789, pag. 198.
*
Arachnides. 5 3 1
dernière phalange de l’index de la main gauche :
la douleur qui fuivit inftantanément la piqûre fut-
fi vive , qu’elle le contraignit à s’affeoir, & peu
s’en fallut qu’il ne tombât en défaillance. Il
fuça fon doigt en exprimant fortement pour faciliter
la fortie de quelques gouttes de fang : la
défaillance légère qu’il avoit d’abord éprouvée
ceffa bientôt en même temps que la douleur
locale} mais celle-ci gagna la partie fupérieure
de la main, fe fixant entre le pouce & l’index
& fuivant enfuite le trajet des nerfs médian &
cubital. En quatre ou cinq minutes, elle devint
très-forte & , tout d’un coup, prefqu’infup-
portable le long du mufcle biceps, que le patient
auroit cru être traverfé par un ftylet.
A ces premiers accidens fuccédèrent de nouvelles
défaillances, avec fueur froide fur tout
le corps, foiblesse des jambes, abattement des
yeux , décoloration de la face > petiteffe & fréquence
extrême du pouls.
Puis, le bras devint infenfible & l’extrémité
du doigt bleflé roide , livide & enflée,, en même
temps qu’une foif ardente, des yertiges, du
délire fe déclarèrent.
Malgré un traitement approprié, qu’il n’eft
point de notre fujèt de faire connoître , les accidens
n’avoient point encore complètement ceffé
le fixième jour. A cette époque toute la furface
du corps avoit pris une teinte jaune.
En réfnmé, le plus communément, la piqûre
du Scorpion donne lieu au développement des
fymptômès fuivans.
L’endmit piqué offre une tache rouge qui s’agrandit
infenfiblement & devient noire dans fon
centre, en même temps que de la douleur,
une phlogofe plus ou moins vive fe manifeftent
topiquement, & que de l’enflure & quelquefois
même des phlyCtènes fe développent.
Certaines perfonnes éprouvent de la fièvre,
des friffons, de l’engaurdiffement, des vomif-
femens, des convulfions locales & univerfelles,
du délire avec foiblelfe & fréquence du pouls,
des fyncopes, des hoquets, des douleurs
par tout le corps & du tremblement. Joël dit
qu’il futvient un bubon à l’aine chez ceux qui
ont été piqués au pied & un abcès à l’aiffëlle
quand la main a été le fiége de la bieffure.
Mallet de la Broffière (i) , étant à Tunis, vit
un juif, piqué au pouce d’une des deux mains,
avoir., au bout de dix-huit heures , le bras. &
l’avant-bras affez gonflés pour paraître auffi volumineux
que la euiffe.
Mais les Scorpions ne font point les feules
efpèces de la cluffe des Arachnides dont la
piqûre doive appeler les fecours de l’art de
guérir, doive réclamer les foins d’un médecin.
Plufieurs Aranéides, en effet, en enfonçant
dans la peau la forte de dard ou de crochet dont
nous avons parlé, déterminent, & furtout dans
les pays chauds, des accidens qu'on a beaucoup
exagérés, à la vérité , mais qui n'en font pas
moins réels. L’une d’elles a mêifce mérité une
forte de célébrité, tant à caufe de la gravité des
fymptômes que l’on a dit être caufés par fon
venin, qu’en raifon du traitement fingulier par
lequel on a cherché à les combattre (i).
Parmi ces efpèces venimeufes, nous citerons
d’abord l’Araignée des caves (2), la Segefina.
cellaris de Latreille, que Walckenaër a nommée
Araignée perfide, & dont M. Rofli a fait YAranea
fiorentina. Sa piqûre donne naiffance à une tuméfaction
livide de la partie & parfois même à des
phlyCtènes.
Suivant Pvoffi, la morfure de l’Araignée mouchetée
ou Theridium 13 guttatum, peut caufer
la mort (3), ce qui fe trouve confirmé par les
obfervations qu’a faites, en 1772., Lamanon à
Sallon en Provence (4), & celles de M. Froment
fur une Araignée des environs d’Aubagne (5).
Malgré les accidens terribles mentionnés par
Diofcoride, par Paul d’Egine, par Avicenne,
parRhazès, par Aëtius, parNicander, par Mat^
thioli, & par la tourbe imitatrice des auteurs qui
les ont copiés, la piqûre des Araignées domef-
tiques m’a le plus fouvent paru fans effet marqué.
Mais il eft fi fâcheux d’être laid, qu’on n’ a jamais
craint de calomnier la hideufe & malheureufe
fille d’Araehné, l’objet de l'injulte vengeance
delà fage & belle Minerve, & nous chercherions
à la juftifier entièrement aux yeux de nos
: leèteurs, fans les faits* confciencieufement rapportés
à fon fujet par M. le doCteur Serrières (6),
membre du jury médical du département de la
Meurthe, par Gottlieb Ëphraïm Berner (7), par
Comftock (8), par M. Salgues (9) & par plufieurs
autres écrivains que l’on peut croire à l’abri de
toute fuperftition.
C ’eft bien certainement fur l’amour qu'a le
commun des hommes pour l’extraordinaire & le
(1) I l s’agit ici de la Tarentule, fur le compte de laqueilfe
cous ne pouvons nous arrêter long-temps.
, (2) C'elt elle dont Homfierg a traité dans les Mémoires
de L‘Académie royale des Sciences de Paris, pour l’année 1707
( p ^ 6 .33-9 );, . ' : . -
(8) Fauna Etrüfca, I I , i 3 6 , 982.
(4) Journal de Phyfique, janvier 1784» pag* 17.
(5) Séance publique de la Société royale de Médecine de
Marfeille , pour l’année 1820 , in-8°. , pag. 27.
(6 ' Journal de Médecine, Chirurgie, Pharmacie , floréal
an X I I I .
(7) Ephem. Acad. Nat. Cur. , cent. IX & X , obf. 49«
(8) Medical Regofitory, u hexard., vol. I , n°. 1.
(9) Des Erreurs 6* des Préjugés H c- , tom. I , pag. 400^.