
f[CC) Çruftacés.,
rouler avec leur maifon du haut des rochers vers
la mer.
En pareil cas, les Thalaflines s’enferment dans
)a vafe ou dans le fahle.
Quelques Grapfes, pour fe mettre à Tabri-j
crimpent fur les arbres des rivages & fe cachent
fous leurs écorces.
Les Gélafimes ou Crabes appelans pafîent dans
des retraites fouterraines les mois rigoureux de
la mauvaise faifon, & ont l’art de fermer l’entrée
de leur terrier avec celle de leurs ferres qui
offre le plus de volume. Non moins courageux
que les autres Crabes qui, lorsqu’il ne leur refte
plus de retraite, fe défendent en pinçant l’ennemi
avec les doigts de leurs ferres vigoureufes,
ils ont en outre la faculté, en frappant ces doigts
avec rapidité , de produire un claquement très-
notable.
Quelques Tourlouroux fréquentent les cimetières,
où l’efpoir d’une nourriture abondante
femble les appeler.
Prefque tous les Crabes de terre ou Tourlouroux
, une fois par an & à l’époque de la ponte,
fe raffemblent en troupes nombreufes qui, fans
qu’aucun obftacle puille les arrêter, descendent,
des points élevés des ifles de l’Atlantique équatoriale
vers la mer, qu’ ils abandonnent, de compagnie
aulfi, quand le voeu de la Nature a été
rempli.
D’ autres Çruftacés encore vivent *en fociété :
tels font les Crangons, les Talitres, les Cara-
motes, les Palémons, dont les légions ferrées
parcourent les eaux de l’Océanj. les Daphnies,
qui donnent à certaines eaux -douces une teinte
.djap rouge foncé , et les Grimotées ( Galathea
gregaria , Fabricius) dont Jofeph Banks, lors de
ion voyage autour du Monde , a vu de telles
agrégations que la mer en avait acquis la couleur
du fang. Beaucoup de Grapfes aufli fe réunifient
par bandes fur le rivage, & , fi on les inquiète ,
fe fauvent dans le liquidé élément en faiiant
grand bruit avec leurs ferres, qu’ils frappent l’une
contre l’autre.
Chez les anciens Grecs, le Maïa paffoit pour
fenfîble aux charmes de la mufique & pour être
doué d’une grande fageffe. -
L’Ecreviffe commune fè choifit, au fond de
nos ruiffeaux , une retraite dans un trou, fous
des pierres ou fous dès racines d’arbres.
La Corophie ( Cancer grofftpes, Linnæus) ( i) ,
des côtes de La Rochehs , vit dans des trous
qu’elle fe creufe dans la vafe au fond des bouchots
a moules (2) > & de là fait une guerre con-
(1) C’eft le même animal que Le Gammarus longicornis
de Fabricius , & V Onifcus volutator de Pallas.
(2) On nomme ainfi des efpèces de parcs faits en clayonnage
, & dans lefquels les habitans du littoral de La Rochelle
élèvent les Moules.
tinuelle aux Néréides, aux Amphinofnes } aux
Arénicoles, & autres Annélides. A la marée montante
, comme l’a obfervé M. d’Orbigny père,
correfpondant du Mu'éum d hiftoire naturelle de
Paris , des myriad-s d’individus de cette éfpèce
s’agitent en tous- fens, battant la vafe de leurs
longs bras, & la délayant pour découvrir leur
proie, fouvent dix & vingt fois plus groffe qu’eux,
ce qui les oblige à fe réunir plufieurs enfemble
pour l’attaquer & la dépecer. Ils fe jettent aufli
fur les mollufques, les poiffons & les cadavres
des animaux refiés à fec , ne ceffent leur carnage
ou leurs recherches qu’après avoir fouillé
& aplani toute la vafe (1).
Les Cyames, les Bopyres, les Cymothoés,
les Caliges , les Ichthyophiles, qui vivent parafâtes
fur le corps des Cétacés & des Poiffons ,
ou même fous le teft d’autres Çruftacés, poffe-
dent certainement une qualité inftindtive qui leur
fair diftinguer les êtres fur lefquels ils doivent
fe fixer, & les parties de ces êtres les plus
propres à fervir à leur nourriture (2).
li en doit être de même de l’Argule foliacée (3).
Les Armadilles & les Tylos donnent à leur
corps la figure d’une fpbère plus ou moins parfaite,
quand ils font inquiétés.
Mais, dans tous les faits que nous venons de
fignaler, il ne faut voir ahfolument que l’effet
d’un infiindt plus ou moins perfectionné, ik
rien de cette vie de fenfibilité qui met les animaux
des clafles fupérieures dans un rapport fi
intime avec le monde extérieur. Quelle différence,
en effet, de l’acuité dés fens chez les Mammifères
& les Oifeaux, à la faibîeffe des impref-
fions chez les Çruftacés ! de la multiplicité, de
la rapidité de celles-ci chez les premiers, comparées
à leur petit nombre, à leur lenteur chez
les derniers î L’oppofition , quoique beaucoup
moins marquée, eft même encore très-évidente
fi l’on remonte des Çruftacés aux Poiffons &
aux Reptiles feulement, fi I on met en regard la
force & la fréquence des fentitnens intérieurs,
des uns avec leur langueur. & les longs inter**
valles qui les réparent chez les autres.
(1) Il paroîcroic même, au dire des bouchoteurs, qu’ils
montent fur les clayons, coupent le byffus des moules,
font tomber celles-ci dans la vafe, & vont aufliiât les y
dévorer.
(a) Le Cécrops de Latreille eft toujours fixé aux branchies
du Thon ou du Turbot.
(3) Léonhard Baldancur, pêcheur de Strasbourg, en 1666,
a laifîe un maDufcrit où cct animal eft figuré, &c où il eff
dit qu'il fait fouvent périr les Truites, les Carpes, les Perches
& les Brochets, fur le corps dcfquels il fe fixe.
Autour de Paris , il fe cramponne fous le ventre-des Têtards
de Grenouilles & des Epinoches.
L j Dichéleftion s’attache conftammenr aux arcs branchiaux
de l’Efturgeon, 6c, la Nicoihoé fur les pyramides
branchiales du Homard.
Çruftacés, 4 ^ 7
Et effectivement les Cruflacés font tourmentés
par des befoins moins fouvent renouvelés que
les animaux dont nous nous fommes occupé
jufqu’icif . ,
Ne nous étonnons donc point de voir en général
leurs affedtions ou très-froi.des ou milles ;
leur apathie bien caraCtérifée; leur inftiCt mal
déterminé, leurs intentions peu décidées.
Ne foyons pas furpris non plus de ce que,
chez eux, l’irritabilité mufculaire poffede une
énergie hors de toute proportion avec le peu de
développement de la fenfibilité, avec l’obtufion
de la plupart des fens j de ce que les mufcles des
Ecreviffes , des Homards, par(exemple ,Te contractent
long-temps encore après avoir été féparés
du refte du corps. Nous favons déjà a quelles
caüfes attribuer un pareil phénomène (1).
Enfin, regardons comme une conféquence naturelle
du ralentiffement de leurs mouvemens
organiques intérieurs & de la diminution des frot-
t-mens déterminés par l ’exercice plus rare des
fonctions, le défaut de chaleur qui caraCtérife
ces êtres, car la chaleur eft toujours développée
en proportion du mouvement & de la vie.
Chez les Çruftacés, en effet, comme dans les
Reptiles & les Poiffons, la températuvè du corps'
©il en équilibre habituel, avec celle de l’élément
ambiant, ce qui les fait paroître froids à la main
q-ri les touche, & ce qui leur a mérité d êtte
confondus, avec eux & tous les Invertébrés, fous
h dénomination collective d’animaux a Jung froid.
Mais cet équilibre lui-même a fes bornes, & f i ,
pour le climat de Paris, il ne dépaffe guère -20
à j0° o, il ne defeend jamais, dans la faifon
des frimats , beaucoup au-deffous de o,, ce dont
on peut s’affurer par l’obfetvation, malgré la difficulté
d’expérimenter lur des êtres en général de
petite taillé. _
D’après des recherches faites par Spallanzam
fur nos Ecreviffes, il demeure démontré que.
1 intérieur de leur corps eft, dans les limites
moyennes, constamment à la même température
que l’ eau ou l’a_ir dans lequel elles fopt plongées :
ii en a vu (2) qui ont réfifté à un froid de o pendant
quarante-deux heures, fans avoir entièrement
perdu le mouvement, mais fous l influence ;
duquel elles fuccombèrent bientôt après dans un
état de léthargie.
Si l’on joint à cela le peu d’abondance de l'humeur
qui circule dans les yaiffeaux des Çruftacés 3
le temps cônfidérable qu’ elle emploie à parcourir
les voies qui lui font ouvertes, on concevra facilement
la production de cet état de torpeur dans
lequel tombent beaucoup d’entre eux pendant les
(1) Gonfuirez en particulier à ce fujet ce que nous difons
page* 78 ôç 92 cL ce volume.
(^2) Rapports de L'air, 8ce.v ycon!;- ï , I2D.
mois rigoureux de la mauvaife faifon , & c’eft
ce qu’a remarque Bofc, en particulier, pour les
Gélafimes de la Caroline du sud.
Chez les Çruftacés , par conféquent, la fenfibilité
peut, fans de graves inconvéniens , perdre
beaucoup & de fon étendue & de fa délicateflè.
Les fondions de la vie intérieure n’en font pas
notablement ralenties > auffi ces animaux paroil-
fent réfifter avec fuccès à ce qui, po^r d’autres
mieux organifés.en apparence, lèroit une caule
de mort & de deftrudion. Ayant, à plufieurs
lepriGs , dirigé fur la tête , fur le dos, fur la
queue d’une Ecreviffe de moyenne taille , la décharge
d’une forte bouteille de Leyde* elle me
parut à peine s’en émouvoir. Un féjour plus ou
moins prolongé dans l’alkohol n’anéantit point en
eux le principe vi-al qui les anime, & cependant
telle eft la grande influence de ce liquide même
fur leurs tiffus organiques, que la teinte de leur
teff eft totalement changée par une lèmblable
expérience, que l’on trouve indiquée dans les
anciens Recueils de fecrets & d’arcanes, comme
propre à donner à des Ecreviffes marchant
ou nageant a&ivement l’apparence d’ Ecreviffes
cuites (1).
Le défaut de fenfibilité, l’obtufion des impref-
fions , la vie peu agitée des Çruftacés-, font autant
de caufes qui nous expliquent comment, fans
fuccomber à des açcidens aufli graves en apparence,
ces animaux peuvent perdre leurs ferres ,
leurs antennes, leurs pattes, leur queue ; corm-
ment même, avec le temps , ils.peuvent lés re^-
couvrer, les reproduire. Tous les joui s , les pêcheurs
mettent en vente des Ecreviffes & des
Homards dont une des ferres eft plus, groffe que
l’autre, parce que celle-ci, ayant été détachée
par une caufe quelconque, ne peut, tout en le
régénérant, acquérir tout-à-coup les dimenfions
de celle qui n’a point été détruite : ce fait, vulgairement
connu , a été dès la plus haute antiquité
mentionné par. Ariftoce (2) & Pline (3) ,
èc les obfevvarions ainfi que les expériences de
Peter Collinfon (4 ) , de James Patfons (5) , de
Jacob Théodor Klein (6) ,. de De Badier (7 ) ,
de J. A. Ephraïm Goëze (8) , de Claude Joieph
Geoffroy (9 ), de René-Antoine Ferchauc de
(1) A ntoipiE-le - G rand , Cùriofus Rerum abditarum
Nacuraque Arcanomm Pcrjcrutator, F ça ®c o fur.ci , 1681 ,
ia-x8, page 160.
{2) H ijl. des Animaux, livre IV, ch. 3.
(v3) H ijl. nat., lib. IX , cap. & Br.
(4) Pkilofoph. Tranfatt. , vol. X L IV ,n ° . 478, pag. 70.
M- vol. X L V I I , pag. 4°.
(5) Ibidem , pag. 4^9-
(6) Abhandl.- der Naturf Gefeüfah. in Danzig, 2 theif,
pag. 187.
(7) Journal de Phyfiqùé , tom. X I , pag. 33.
(8) Naturforfcher, 12 S 1. , pag. 22 r.
(û) Mémoires .de IAcad, royale des Sciences de Paris,
année 1709, pag. 3og.
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