
33 o Mollufqu.es.
des Bois ( i ) , Worms (i) , & une foule d’autres
ont dit de ce&géans de la mer, donc l’exiftence
a long temps pafté pour fabuleufe, & qu’on a dé-
fignés fous les noms barbares de Kraken, Kraxen,
Krabben y Microcofmus y Trolwjl, Teüfel u/al y
Hafgufey Lyngback , Jafony Horven y Séc-horven y
Anckertroll y Kreu^ fis ch y &c.
Comment attribuer, en effet, à d’ autres animaux
des dimenfions telles que le détroit de Gibraltar
ne fauroit leur livrer paffage ? La figure
d’une roue furmontée de vnftes appendices rayon-
nans ? Une furface telle qu’un régiment pourroit
manoeuvrer à l’aife fur leur dos ? Une reffem-
bfance frappante avec une île ou un amas de rochers
couverts de moulfe (3) ? La force d’engloutir
des chaloupes & la faculté d’embarraffer
les matelots dans de longs liens ? Une maffe fuf-
fi'ante pour ébranler au loin les flots, pour les
elever en montagnes , pour les brifer, les réduire
en pluie, en brouillard & en écume, au moment
où le monflre s’abîme en tournoyant au fond
des gouffres de l'empire du Trident, & diminue
de 60 à 40 braffes fur 80 ou 100 la profondeur de
la mer ?
Les Seiches ont, comme les Poulpes, la facilité
de. cheminer dans l’eau & de faifir les corps extérieurs,
& cela à l’aide de huit bras également
placés fur la tête. Mais ici ces b: as font plus
courts à proportion & ont des fiiçoirs plus nombreux,
femés fans ordre îk autrement conftruits.
Outre ces huit pieds ^leur tête porte encore deux
appendices beaucoup plus longues & élargies
vers le bout, lequel feu! eft armé de fuçoirs,
pédicellés comm^jtux des pieds ordinaires.
Ces derniers organes prennent riaiffance chacun
dans un creux fitué entre le pied antérieur de fon
côté & le pied fuivant.
Il paroît qtu’ils peuvent fe. retirer en partie dans
ce xneux ou s’y cacher en fe repliant.
Les Seiches s’en fervent pour fe fixer dans un
lieu déterminé, pour s’ancrer y pour ainfi dire.
Ces Mollufques préfentent, en outre, fur
chaque côté de leur bourfe, une nageoire longue
bc étroite, qui femble agir à la manière des nageoires
adipeufes que l'on obferve dans certains
poiifons.
L’a&ion de leurs fiiçoirs, entièrement analogue
à celle des ventoufes de nos chirurgiens, eft clai(
1 ) DiÜionn. des Animaux.
(2) Mufeum , pag. 279 8c 4°6.
( 3) On conçoit difficilement que des gens graves aient pu
penfer 8c écrire que , trompés par la relïembianee du dos de
cet animal avec une île ou un écueil, des navigateurs font
dciccndus fur l u i , y ont fiché leurs pieux, 8c ne l’ ont déterminé
à fe mouvoir, à plonger, qu’au moment où la
chaleur du feu qu’ils avoient allumé eft venu l’incommoder.
(Ql.AUS Mac« u s , De Anchoris dçrfo cetis tmpofitis.)
rement démontrée par l’examen de leur ftru&ure.
Le pédoncule qui fupporte ces cupules , entièrement
mulculeux , fert à les mouvoir en tous fens.
La peau qui pénètre dans les godets qu’elle re-
p/éfente, fe fronce & fe replie en tapiffant le
tiflu éminemment contractile qui les forme f i) .
Au moment de la contraction, cette peau s’ enfonce
davantage, s’étend , prend une figure très-
concave , &r il fe^ fofme ainfi, dans une multitude
de points , un vide à l’aide duquel les longs bras
de l'animal fe collent & adhèrent avec une force
extrême aux corps fur lefquels ils repofent ou
qu’ils embraffent, & dont les plus grands efforts
ne fauroient les détacher (1). Auffi, une Seiche
n’abandonne-t-elle jamais la proie dont elle s’eft
emparée, & fes tentacules font des inftrumèns de
mort non moins irrévocables que les crochets des
vipères, que l’aiguillon des feorpions, que les
ferres acérées de l ’aigle.
Differentes des Poulpes, les Seiches n’ont point
la faculté de vivre hors de l’eau.
Les pieds qui furmontent la tête des Calmars
offrent abfolument la même difpofition que ceux
des Seiches. 11 en exifte de même huit plus courts
& deux plus longs, ils offrent chacun deux rangs
de ventoufes pédicellées.
Ils ranpliffcnt d’ailleurs le même office.
Le fae de ces Mollufques porte deux petites
nageoires fi tuée s vers la pointe feulement & élargies
d’une manière marquée. Celles-ci agiffent
comme dans les Seiches.
La Sépiole péut nager auflî à l’aide de deux
nageoires du même genre , mais de forme orbicu-
laire &: n’ occupant qu’un tiers de la longueur du
fac vers fon milieu.
L animal de l’Argonaute eft organifé comme le
Poulpe, fous le rapport locomoteur ; mais fes
deux pieds le> plus voifins du dos ont leur moitié
extrême élargie en un grand feuillet membraneux,
qui, d t-on ($) , fert à cet aventureux matelot de
voile pour naviguer, tandis que fes autres pieds
rempliffent les fonctions des rames, & que la
coquille le foutient à la f-.rface du liquide élément,
comme un navire promène Ton équipage.
La navigation de l ’Argonaute n’a , du refte, lieu
que par le beau temps. Si les vagues s’agitent,
s’il furvient quelqu’apparence de danger, l’appareil
locomoteur fe replie, les membres rentrent
dans la coquille, s’y concentrent, & celle-ci, cedant
à fon propre poids, entraîne l’animai au fond
de l’eau.
Les promenades nautiques de l’Argonaute
(1) Swammerdam , Bibl. Na t., fab. X L I .
(2) On allure qu’on ne peur arracher une Seiche au rocher
fur lequel elle a fixe un de fes bras , qu^en rompant celui-ci.
(3) C uv 1 er , Règne animal, tome 2, pag. 377,
Mollufques.
étoient fort connues des Anciens, dans les écrits
de la plupart defquels nous en retrouvons une
defeription animée & fouvent embellie. Arif-
tote ( i) l’a repréfenté parcourant les mers de la
Grèce & de l’A fie, avec fa voile interbrachiale,
mince, dit-il, comme une toile d’ araignée, &/
Pline (2), Æüen (3), Oppien (4), Phile ( ƒ), on t,
fuivant leur talent plus ou moins grand pour les
peintures agréables , enrichi, chacun à un degré
différent, le portrait qui nous a été tranfmis par le
père de l'hiftoire naturelle, du propriétaire-créateur
d’un frêle & léger navire d’ ivoire & de
nacre (6), qui, par le beau temps, vogue mollement
au fommet des vagues , ornement brillant
des eaux qui le nourriffent. De nouveaux traits ,
d’ailleurs, y ont été fucceflivement ajoutés pat
Belon (7), Aldrovandi (8), Gefner (9), J. Fauconnier
(10), Jonfton ( i l ) , Rumph (12), Fr. Hal-
ma (13), Vaîmont de Bomtré (14), Ignace De-
born(iy), Bruguières (16), Bofc (17), & autres.
Nous engageons le leéteur à avoir recours à leurs
ouvrages, s’il veut approfondir une matière dont
l’examen fort du cadre que nous nous fommes
tracé.
Les Ptêropodes nagent, comme les Céphalopodes,
dans les eaux de la mer, mais , faute de pieds,
ils ne fauroient, ni s’y fixer, ni y ramper.
Les Gaftéropodes rampent généralement fur le
difque charnu qu’ils ont au-delious du ventre.
Parmi eux, le Piéiin d’ Adanfon, & quelques
Aijricules, ainfi que les Cycloftomes terreftres,
( 1 ) Tléçt %3 av irfoçtcts , E<oA. A , K£<p. ec , B<rA. © ,
£1
(2) L . c . , lib. IX , c. 29.
( 3) Ubi juprâ , lib. IX , c. 34*
(4) Hali'eutic., lib. I , v . 338.
(5) D e Anim. propr. n°. io 3,
(6) Dans ces derniers temps, un nombre impofanr de
natu raiiftes & d’obfcrvateurs ont voulu ne voir dans le
Poulpe qui remplit la coquille de l’Argonaute, qu’un animal
parafite, qu’tin fpoliateur du véritable propriétaire, qu’un-
ufurpateur qui , s’élançant du fond des mers, fe préfente à:
nos yeux vêtu des mains du Carna ge , riche des dons du
Meurtre, habitant une demeure dont il n’eft n i i ’architette
ni le conftruéteur.
(7) De Aquatil.y lib. I I , pag. 3^8 & 38o.
(8) De Tejlaçeisy lib. I I I , pag, 261.
(9) De Mollibus , pag. 193.
( ta ) Médecin anglais cité par Gefner & par l’auteur d’ un
livre qu’on lui attribue 8c qui eft généralement cité fous le
nom de Zoographe.
( 1 1 ) De Exfanguibus aquatic., pag. 3o.
(12) Amboinfche rariteytkamer, Am fte rd ., 1 "jb f y lib. I I ,
C» 3 , pag. 63.
( 1 3) Dans fon Commentaire fur le lieu cité de Rumph.
(14) DUlionnqire cité , tome JX , pag. i 85. (15) Teftacea Mufai Cafarei Vindobonenfis, Vihdob. ,
1780, in -fo l., pag. i 38.
(16) Encyci. mèth. , H'tft. nat. des Vers y tome V I , pag.
120 8ç fuiv.
(17 ) Fiifi. nat. des Coquilles, toroç I I I , pag. 207 8c fuiv.
font des efpèces de pas, cheminent en prenant
un point d’appui fur la partie antérieure du pieu
& en en rapprochant la poftérieure.
Les Scyliées , au pied étro-t & comme canali-
culé , grimpent le long des tiges des plantes fub-
mergées & s’y meuvent par une forte de gliffe-
ment, comme l’a oblervé Forskahl dans la mer
Rouge (1), & comme l’a dit Pallas (2).
La plupart des autres Gaftéropodes rampent
à la furface du fo l, foit à terre, foit fous les eaux,
au moyen du difque mufculaire dont leur ventre
eft garni , & qui fe meut en gliffant par fuite des
ondulations multipliées des petits faifeeaux charnus
qui occupent fa longueur, & qui, fe contractant
fucceflivement du premier au dernier » deviennent
chacun alternativement le point d’appui
fur lequel fe meut le fuivant.
Il n’exifte donc aucun rapport de reffemblance
entre le gliffement des Mollufques tk la reptation
des Ophidiens.
Chez ceux-là, l’animal qui chemine touche l’ une
après l’autre toutes les éminences , toutes les an-
fiaêtuofités du fol & n’avance que fort lentement.
Les Limaces &: les Colimaçons , nus ou n’ayar.t
à traîner qu’une coquille légère , ayant d'ailleurs
le pied large, épais, étendu , à mufcles fafciculés,
marchent avec pL.s de viteffe quejla plupart des
autres Gafléropodes.
Quelques-uns , comme les Patelles S:les Halio-
tides, rampent avec une telle lenteur & changent
fi rarement de place, que plufieurs naturaliftes
les ont regardés comme attachés au fol qui les
nourrit, & cela avec d'autant plus de vrai'em-
blance que leur pied vifqueux adhère avec une
force extrême en déterminant une forte de vide.
Les Cabochons & les Hipponices demeurent
fixés pour la vie aux corps fur lefquels ils font
tombés en naifLnt.
Il faut remarquer que , chez eux , le pied eft à
peine mufculaire & reffemble beaucoup au mufcle
femi-lunaire du dos, qui fert d’attaclie. à la coquille..
. Quelques Gaftéropodes encore , les Lymnées ,
les flanorbes, les Pa udines, lesDoris, enrr’autres,
nagent en rampant à la fut face de l’eau , dans un-e
; fituation renverlée, c’ eft-à-dire la coquille en bas
& la face libre du pied en haut.
Parmi les Acéphales teftacés, la Pfammobie
orangée de De Lamarck paroît fe mouvoir ainfi,
les deux valves de fa coquille très-étalées fur fon
dos, & les bords de-fon manteau les dépafiar.t
( 1 ) Defcriptiones animalium qua itinere orientait obfervavir,
ed. Car'ft. Niebuhr , Havniæ, 1775 , in.-4° - , pag. io 3.
(2) Mifcell. qoologica , & c. — liagæ Coroitis , 1766 , hi-
4 °. , pag. 73 , ai0t.
Linaaeu«, Gmelin , Seba ont décrit les Sc y liées exactement
à l’envers, en regardant comme leur dos la partie
par laquelle ils s’attachent aux fucus.
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