
l’excès de la bizarrerie de Buoromiui, et de ses
imitateurs. Ces sortes de devantures se prêtant,
on ne peut pas moins, à la grandeur des inventions,
et l ’art s’y trouvant comme resserré dans
une espèce de protocole de formes et de lignes
stériles pour la composition et pour l’effet , l’artiste
dut se borner à une sage exécution des parties
de la modénature de chaque ordre. Quelques
uns de ces portails ont acquis de la céléb
r ité , comme offrant debonnes proportions, de
la pureté dans les détails , de la sagesse , et le caractère
classique affecté à chaque mode de colonnes.
De ce nombre fut, et par-dessus tous, le porta
il de l’église de Saint-Gervais par Jacques De-
brosse.
Cependant la froideur de ces frontispices d’églises
, là monotonie de leur composition, le peu
d’effet des pilastres , des colonnes engagées ou
adossées , qu’on est tenu d’y employer , finirent
par en amener le discrédit.
Vers le milieu du dernier siècle, les deux anciennes
basiliques de Saint-Jean de Latran et de
Sainle-Marie-Majeure, à Rome, ayant été restaurées
, la première par Clément XII et la seconde
par Benoît XIV, les architectes Alessandro
Galilei et Ferdinando Fuga • composèrent leurs
frontispices dans un tout autre système. Le besoin •
de ménager à cés portails une loge pour la bénédiction
pontificale , leur suggérèrent des masses
nouvelles , qui se composèrent de deux portiques
ù arcades l’un au-dessus de l'autre , et ils y déployèrent
plus de richesse d’architecture. Quel
que soit le genre du portail de Saint-Jean de Latran
, et bien qu’on puisse le regarder comme tenant
d’un goût plus théâtral que religieux , on ne
sauroit nier que ce soit une masse des plus imposantes
et des plus riches, et supérieure encore
dans son ensemble à celle de Sainte-Marie-Majeure.
On seroit tenté de croire que ces exemples ont
pu influer sur l’idée e t la. coin position du portail de
la grande église de Sainl-Sulpice à Paris , également
formé de deux étages de portiques l’un au-
dessus de l’autre 5 mais celui-ci a l ’avantage d*’une
ordonnance plus sage et d’ un meilleur goût dans
son portique inférieur.
Plus le goût et le style de l’antiquité reprirent
d’autorité dans le dernier siècle, plus on v it , en
France surtout, les architectes viser à se rapprocher
des orneraens des temples antiques , dans les
péristyles à colonnes de leurs frontispices.
Ce n’est pas qu'il manque, antérieurement à cette
époque, d’exemples de péristyles en colonnes isolées
au-devant de quelques' églises. Ainsi à Rome,
l ’église de Sainte-Marie des Miracles (architecture
de Rainaldi) et celle qui lui fait pendant,
sur la place du Peuple , offren t chacune un portique
de quatre colonnes' corinthiennes. A Paris ,
l’église de la Sorbonne, dans l’intérieur de la cour,
et celle de l’Assomption ont aussi un péristyle
formé de colonnes isolées; mais ces sortes depo/«-
tails s’adossent non à des nefs, mais à des cou pu.
les , imitations plus ou moins heureuses du Panthéon
de Rome. A la mêmeéppque, plus d’une
\ église fut bâtie à Londres avec des péristyles sail-
lans en colonnes isolées, et d’une heureuse proportion.
Toutefois on doit dire que ces frontispices
d’un fort bon s tyle, ne présentèrent aucune
difficulté pour se raccorder à leurs églises , presque
toutes d’une assez petite dimension , d’un
plan fort simple et d’une modique élévation.
C’est vers le milieu du dix-huitième siècle qu’oa
vit en France l'architecture , après avoir renoncé
aux placages des portails d’église à plusieurs ordres
, s’efforcer de se rapprocher des types et des
élévations des temples de l ’antiquité. L ’église de
Saint-Philippe du Roule à Paris, en est un des
premiers exemples. L’architecte ( C h a g r in ) visa
à réunir la disposition des basiliques dans.l’intérieur
, à l’ordonnance des péristyles au dehors. A
cette époque plusieurs autres églises, dont les évé-
nemens arrêtèrent l’exécution, avoient été projetées
dans le même système et avec le même goûl.
Mais alors deux monumens des plus remarquables
dans la même ville , l’église de Sainte-Geneviève
et celle de la Madeleine, sembloient avoir rivalisé
à qui résolveroit le mieux le problème d’u-
nité entre une grande nef fort élevée et un péristyle
à l’antique en colonnes isolées. L’église de la
Madeleine, après avoir subi trois changemens successifs,
n’est pas encore terminée ; mais celle de
Sainte-Geneviève, achevée depuis long-temps,
permet d’y considérer les difficultés attachées à
celte sorte de solution.
Son péristyle en colennes corinthiennes, le plus
élevé qu’on connoisse, fait déjà voir par l’adjonction
des colonnes latérales placées comme contre-
fort à la poussée de cette construction , la difficulté
que les matériaux daus certains pays peuvent
apporter à l’imitation des pratiques les plus
usuelles chez les Anciens. On cünnoit ensuite l'artifice
employé dans la. construction des plates?-
bandes, ou des architraves formées de claveaux
enchaînés par des armatures de fer, ressource
difficultueuse déjà pratiquée et avec moins de danger
dans la colonnade du Louvre, et dont la pratique
n’a point encore été légitimée par la durée
d’un espace de temps assez long pour en rendre
l’emploi usuel. Enfin, les voûtés en pierre de cette
église sont loin d’olirn^dans leur construction celle
simplicité toujours compagne de la solidité, et il
est encore notoire qu’elles sonl arc-boutées par des
contre-forts, que cachent les murs extérieurs.
De tout c e c i, il semble que l'on peut conclure
que le syslèmedes péristyles (comme frontispices
des temples) antiques n’a pu encore être adapté de
la même manière , avec la même solidité , avec le
même degré de simplicité, aux façades des églises
chrétiennes , de celles surtout dont la vaste é ! eudue
intérieure exige dans ses nefs une. hauteur
proportionnée.
Ce qu’on d it, au reste, des grandes églises,
objet de la difficulté qu’on vient de faire remarquer,
ne s’applique point aux églises d'une plus
petite dimension. Si quelques exemples modernes
ont déjà reproduit une imitation assez satisfaisante
des formes de 1-antiquité dans les frcm-
tispices de ses temples, il y a lieu de croire que
les nouveaux édifices qui se projettent clans de
modiques dimensions , enhardiront les architectes
à se rapprocher encore plus du système d’unité,
qui peut seul mettre l’élévation extérieure d’une
église, d’accord avec l’ensemble de sa construction
intérieure» •
PORTE, s. f. Ce mot, en architecture et dans
l’emploi que le langage en fait, exprime deux
idées, deux objets qui toutefois se rapportent le
plus souvent au même usage , celui d’entrée dans
un lieu quelconque.
Sous un de ces rapports , la porte , de quelque
forme qu’elle soit, est une ouverture pratiquée,
n’importe dans quelle sorte de construction , pour
servir d’entrée quelque part et aussi pour en
sortir.
Sous l’autre rapport, la porte est un ouvrage
mobile diversement établi, formé de toutes sortes
de matières, èt qui sert à fermer plus ou moins
l’ouverture dont on vient de parler , soit par raison
de sûreté, soit pour tout autre motif.
Considérée suivant la première acception , la
porte appartient, selon le -degré de son importance
, ou à la simple bâtisse, ou à l’art de l ’architecture.
Considérée selon la seconde acception , la porte
est, en raison de la matière dont elle est formée,
du travail qu’on y applique , des détails qu’elle
reçoit, un ouvrage qui appartient à divers procédés
mécaniques, et aussi au goût de l’ornement
et de la décoration.
DE LA PORTE CONSIDÉRÉE COMME OUVRAGE
d ’a r c h it e c t u r e .
La porte y comme simple objet de nécessité ,
soit au dehors , soit dans l’intérieur des constructions,
ne sauroit comporter ni beaucoup de variétés,
ni d’autres formes que celles dont la nature
des choses donne l’indication. Naturellement la
configuration et la stature de l'homme durent être
les éiémens primitifs, qui décidèrent de ce qui regarde
la forme et les proportions des ouvertures
pratiquées dans les habitations» Ainsi la forme
carrée en hauteur, fut généralement celle que l’on
adopta partout» Si quelques dessins des maisons
chinoises nous présentent desportes dont les ouvertures
consistent en un cercle parfait, nous ne
regarderons cîela que comme une de ces exceptons
qui , loin de rien prouver contre la règ le ,
prouvent seulement qn’erî architecture il n y a
rien de fondé sur le principe du bon ions , qui ne
puisse être contredit quelquefois par des faits contraires
à la raison des convenances.
La forme quadrangulaire en hauteur fut encore
un résultat naturel de l’emploi des matériaux dans
les premières constructions , soit .en bois , soit en
pierre! L ’emploi d’une pièce de bois posée horizontalement
sur ce qu’on appelle les jambages
d’une porte, fut le procédé le plus naturel de tous,
et l’on voit.encore dans de fort antiques constructions
de murs en pierre, un bloc unique former,
eu manière de poutre, le linteau des portes.
Cependant, dès que la pratique des voûtes eut
lieu , il fut également très-naturel de faire les
portes cintrées dans le haut , et c’est entre les
portes à linteau et les portes en cintre qu’a dû se
partager l’usage ou la pratique de l'architecture ,
selon ia nature des édifices et des matériaux.
Les premières portes où l’art de bâtir dut être
employé avec le luxe de la solidité, furent sana
doute les portes de ville. Nous n’en trouvons guère
de vestiges remarquables que dans lTlalie, et dans
les restes de l ’architecture romaine ; et nous
voyons qu’elles faisoient partie des murailles et
participoient au genre de leur fortification.
Sans doute, une des plus anciennes de ces portés
est celle de Voltera , ville d’Etrurie. On la trouve
figurée sur un bas-relief étrusque dont elle fait
le fond. Le bas-relief représente un combat, et
.un guerrier est vu précipité et tombant du haut
de cette p o r t e qu’on reconnoit aux trois tetes ,
quiexistent encore en relieFconsèrvées sur la porte
elle-même. Une de ces têtes fait la cle f de la
voûte , les deux autres ornent les deux jambage«.
La construction est en très-belle pierre de taille ,
et son cintre est formé de claveaux parfaitement
joints. Le bas-relief nous apprend qu’elle éloit
couronnée par une plate-forme avec des créneaux.
La profondeur actuelle de la porte peut donner la
mesure de l’épaisseur du mur dans lequel elle se
trou voit enclavée.
Les enceintes de quelques villes romaines ont
conservé des portes du même genre , mais plus riches
d’architecture. Ge que nous avons peut-
être à citer de mieux, comme exemple de ces com-
I positions, est la porte qu’on appelle d'Arroux, à
' Autun. ( Voyez A utün, Augustodunum.') Elle
se-compose de deux grandes arcades que deux
plus petites accompagnoient. Au-dessus de ces
arcades règne encore une galerie formée par huit
ou dix'petites arcades dont les piédroits ont de
petits pilastres corinthiens. Nous avons déjà remarqué
que cette porte ressemble beaucoup à celle
de Vérone , et que la preuve qu’elle n’étoit point
un arc de triomphe, résulte des rainures on
coulisses (pratiquées du haut en bas , dans lesquelles
se h&ussoient et se baissoient les ventaux
• de la porte.
} Çe qui-distingue, en-général , dans les restes de