
C’est donc dans des espaces limités , sur un
terrain donné , et avec des dispositions combinées
pour l’usage auquel on la destine , que doit se faire
reconnoître une promenade.
Il résulte de là , que l’idée ainsi déGnie de promenade
seïie h ce\\e de jardin, considéré en grand.
Effectivement, nous voyons que les plus célèbres
promenades devenues publiques, ont du leur origine
aux jardins des plus grands palais ; aussi les
dési°ne-t-on sous le nom de promenade , et sous
celui de jardin public.
Ces lieux de réunion qu’on appelle ainsi, sont
devenus, dans les temps modernes, et surtout
chez les habitans des zones tempérées , une espèce
de besoin. Il seroit aujourd’hui assez difficile de
citer une* ville de quelqu’importance, qui n’eut
pas dans son enceinte , ou dans son voisinage, une
place destinée aux promenades du public, ne ful-
ee que, ou de simples avenues ordinairement plantées
d’arbres, ou d’anciens remparts devenus inu-
tiles.
Plus les villes se sont étendues et peuplees, plus
le besoin de respirer un air pur, et de jouir de la
vue du ciel ou de la verdure, s’est lait sentir. L’esprit
de société, le goût des divertisse mens qui
peuvent avoir lieu en plein air, ont suggère de
pratiquer de grandes enceintes où la multitude
pût se rassembler.
Naturellement les grands jardins qui accompa-
gnoient les anciens châteaux, devinrent des promenades
publiques. Le goût selon lequel ces jardins
avoient été disposés et plantés, se trouva si conforme
à ce nouvel objet, que c ’est encore sur leur
modèle, qu’on peut le. mieux tracer les règles à
suivre dans la disposition d’ un & promenadem publique.
. . .
Sans doute, si l’on pouvoit tqujours disposer à
son gré de l ’emplacement qu’on destine à devenir
une promenade p u b liq u e ou choisiroit un-site
entouré de lointains rians, et offrant des aspects
variés; mais on ne peut faire de cet agrément extérieur
qu’un conseil , et non un précepte.
Ce qu’exige sa disposition, c’est un emplacement
étendu, qui réunisse pour les saisons différentes
, pour les diverses températures ,. des posio
n s où les promeneurs puissent se mettre à l ’abri
des influencés nuisibles. Il est essentiel encore
qu’un lieu qui rassemblera en grand nombre^ toutes
les sortes d’âges, de professions, de goûts et
d’inclinations , présente dans la variété de ses localités,
tantôt de vastes parties découvertes ,. de
grandes allées où la multitude circulera sans embarras
, tantôt des endroits plus retirés „ des ombrages
solitaires propices à l’élude ou à la méditation.
La bonne distribution d’une promenade publique
demande un grand plan, composé lui-même
de grandes parties. Ce plan doit être régulièrement
' planté d’arbres dont le feuillage produise un ombrage
que le soleil ne perce point. On y pratique
des allées droites, larges, commodes et assez
multipliées pour que l’on ait la liberté de choisir
celles où l’on aime à se retrouver, et celles où l’on
peut s’éviter. Les allées en ligne droite sont le
caractère essentiel d’une promenade publique.
On conçoit combien , indépendamment des. autres
raisons, il importe au bon ordre qui doit régner,
en de pareils lieux , que des sentiers tortueux
des massifs sinueux ne viennent point prêter leurs
détours à des rendez-vous ou à des rencontres
dont la décence doit éloigner la possibilité.
La distribution d’unepromenade publique, bien
qu’elle demande de grandes ouvertures, des partis
largement tracés, des plantations symétriques,
n’exclut point une multitude d’idées ingénieuses
dans tous les accessoires qu’admet un pareil ensemble.
Les gazons et les tapis verts, les parterres
et les plates-bandes de fleurs peuvent interrompre
l’uniformité des lignes droites, et se mêler agréablement
aux massifs des plantations. Des bassins,
des fontaines et des pièces d’eau en font une sorte
d’ornement nécessaire. Il n’y a point d’objet de
décoration qui ne puisse trouver place dans une.
telle promenade. On y admettra des statues,
pourvu qu’on ne les y multiplie pas trop , et
qu’on les dispose dans un ordre qui indique un
projet arrêté et combiné avec les moeurs générales.
Une promenade publique, ainsi qu’on le voit,
demande un terrain uni. Les inégalités d’un sol
monlueux et pittoresque s’accorderoient mal avec
des allées droites et symétriques. Cependant on y
peut pratiquer des élévations artificielles, telles que
des terrasses-, où l’on monte par des pentes ménagées
avec art, on par des rampes construites, et
ces terrasses, plantées d’arbres et décorées de vases
de fleurs ou de statues , forment un coup d ’oeil qui
paroît agrandir J’espace en multipliant ses plans.
Il est facile de voir qu’en parcourant quelques-
unes des règles à suivre pour la formation d’une
promenade publique à l’usage d’une grande ville,
cet essai de théorie n’a rien de nouveau ni d’imaginaire
;; et sans doute on s’est aperçu, que le précepte
ic i, n’iroit pas loin pour trouver l’exemple
qui l’autoriserait. La. ville, de Paris , qui réunit
plus qu’aucune autre-ville de célébrés promenades
publiques , les. doit aux grands jardins qui accompagnent
les plus grands de ses palais.. Ces,jardins
ne fuüent pas , dans l’origine ,.destinés à la réunion
du public ; mais ils se sont trouvés tellement propres
à cet usage, qu’on les doit citer comme les
vrais modèles de ce genre.
Ce «’est pas i-qu’une promenade publique demande
absolument le luxe des statues, des orne-
mens , et de tous les. embellisse mens que présentent
les.jardins devenus publics , dont on vient de
. faire me ni i.o ru Ce fut sans doute comme faisant
partie de maisons royales, qu’ils furent autrefois
ornés avec-cette somptuosité. Sans aucun doute,
une promenade publique peut remplir son objet ,
et peut plaire à moins de frais. Le plus grand
nombre de ceux qu’elle rassemble , ou est indifférent
à ce luxe, ou peut-être mêineÿ desireroit
un aspect, sinon tout-à-fait champêtre, du moins
propre à faire oublier les idées ou les impressions
de la ville.-
La ville de Paris offre encore, sous ce rapport,
un aulregenre de promenade, publique, celle qu’on
nomme des Champs-Elysées, où, sur déplus vastes
espaces, la multitude trouve des ombrages frais ,
des allées spacieuses , de grandes places découvertes
pour toutes les sortes de jeux et d’exercices,
des routes où les chevaux et les voitures
circulent, et toutes sortes de lieux de retraite ou
de divertissement..
Aqcune v ille ,. plus que Paris, ne nous semble
avoir multiplié les promenades publiques, ou les
lieux qui invitent à se distraire du bruit et de
l’embarras des affaires. On pourroit en effet joindre
aux promenades déjà citées, ces avenues et
ces allées d’arbres continus qui conduisent aux
deux bois de Boulogne d’un côté et de Vincennes
de l’autre. Mais ce qui est dans Paris, une promenade
encore plus publique et toujours fréquentée,
c’est ce qu’on appelle les Boulevards, qui ja-
'dis, terminant l’enceinte de la ville par une ligne
de plantatiQns continues , sont devenus pour la
plus grande partie , et par l’extension de plusieurs
quartiers au-delà de cette ligne, des promenades
intérieures, en meme temps qu’ils sont des rues
très-fréquentées.
Beaucoup de villes ont des promenades publiques,
formées de plantations faites à dessein d’y
réunir lés différentes sortes d’agrément qu’on peut
, y chercher. Le détail en seroit trop nombreux ,
et leur description n’ajouterpit rien ni aux notions
de cet article , ni aux exemples qu’on a produits.
PROMENOIR, s. m. Lieu où l’on se promène.
,• #
Le mot promenoir auroil dû être le mot propre,
pour signifier, ce que nous avons vu qu’on
exprime en français par le mot promenade, au
moyeu du double emploi qu’on lui donne. L’usage,
ce tyrau des langues , ayant affecté au lieu où l’on
-se promène, le mot qui exprime l ’action de se pro-
r mener, le mot promenoir seroit entièrement déplacé
aujourd’hui, et tout-à-fait impropre pour
caractériser les endroits publics, surtout, qui sont
destinés à la promenade du grand nombre. On
l’emploieroit encore fort improprement à désigner
un jardin.
11 nous semble dès-lors que promenoir sera
resté dans, la langue , comme un synonyme., qui
exprime une espèce de lieu propre à se promener,
mais différent dans sa situation , et par son emploi
beaucoup plus restreint, de ceux dont il a été
question dans l'article précédent.
Le goût et l’exercice de la promenade ne sauroient
être les mêmes, sous tous les climats. Les
moeurs et les usages des peuples doivent encore
apporter beaucoup de différences, en ce genre.
Par exemple, le plaisir que les hommes ont à se
réunir, à se rassembler en grand nombre, doit
être plus ou moins v if , selon, par exemple, q.ue le
sexe fait ou ne fait pas partie de ces rassemble-
mens. Mais chez les peuples anciens, et^ entends
ne parler que des Grecs et des Romains , une autre
cause encore rendit moins nécessaires les promenades
publiques ,• considérées sous le rapport de
réunions. C’est que les réunions de citoyens , soit
pour affaires , soit par désoeuvrement, avoient lieii
tous les jours dans le Jorum ou la place publique,
et l’on sait assez que, soit pour une raison , soit
pour une autre, l ’usage étoit d’y passer la plus
grande partie de la journée.
Cependant la promenade , comme exercice
utile à la santé, n’y étoit ni méconnue, ni négligée.
Mais des institutions particulières, telles que
celles des gymnases, des xistes, des portiques ,
des thermes, offroient des promenoirs couverts à
ceux qui n’avoient pas de maisons assez spacieuses
pour s’y procurer de pareils locaux.
Le mot péripatéticiens , qui , en grec , signifie
promeneurs, nous prouve qu’il y avoit dans les
gymnases de ces espaces fort étendus, disposés
pour la promenade , soit en plein air ( voyez V 1-
truve , liv. 5 , ch. 9 ) , soit sous des galeries. C’é-
toit en se promenant avec ses disciples, que Zé-
non leur donnoil ses leçons.
L’usage des galeries couvertes , tantôt en portiques,
tantôt en colonnes,étoit générai dans tous
les édifices, et dans toutes les constructions publiques
et particulières des villes et des maisons
de campagne.
La description que Pline-le-Jeune nous a faite
de ses maisons de campagne., voyez C a m p a g n e
(maison de) , contient celle de plusieurs galeries
destinées à servir de promenoirs. Il est à remarquer
qu’en latin le mot ambulatio signifie tout à
la fois , comÉne en français , l ’action de se promener
et Je lieu où l’on se promène; mais, le mot
ambulacrum nous paroît tout-à-fait répondre au.
mot promenoir, et il indiquoit de préférence un
lieu couvert.
S’il est donc reconnu qu’il seroit contraire à
l’usage d’appeler promenoir un de ces grands espaces
ou jardins publics, destinés à la promenade
de tout le monde , il faut convenir qu il seroit
impropre d’appeler promenade les galeries qui
forment les dehors d’un bâtiment, les intérieurs
d’une cour, ou le cloître d’un couvent, parce
qu’elles servent aussi à s’y promener à couvert.
Les grands portiques de la cour des Invalides,
à Paris , servent de promenoir aux soldats , que
leurs infirmités empêchent d’aller chercher de
l ’exercice, dans les promenades plantées en avant
de ce grand édifice.
La nouvelle Bourse, qui est en train de se ter-
E e 2