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Tourmenter quelqu’un au moral, c est s’étudier
à lui procurer de la peine, de la douleur, de
l’embarras. On se tourmente aussi soi-meme,
lorsque, par une certaine maladie , ou par l’excès
de quelque passion, comme l envie, la haine,
l’ambition, on perd le repos du corps et de l’esprit.
Tels sont, transportés dans un autre ordre de
choses, les effets que nous font éprouver les ouvrages
qu’on appelle tourmentés. Dans la vérité, .
ils produisent sur nous une impression semblable
à celle qu’a dû subir l’auteur, q u i, au lieu de procéder
, pour exprimer ses pensées, par la voie j
la plus droite, s’est torturé l’esprit pour les faire j
arriver par quelque roule pénible et détournée,
pour leur faire prendre certaines formes inusitées
et contraintes, dont l’étrangeté met aussi notre
intelligence en peine et nous cause de l’embarras.
Tout auteur qui,se tourmente de là sorte, tourmente
de la même façon son auditeur ou son s p e c tateur
: car il y a réciprocité nécessaire entr’eux.
Comme on remarque dans le commerce ordinaire
de la vie , qu’un homme qui se gêne , gene les
autres , qu’un homme q u i, dans ses manières
et ses discours , a de l’aisance , l’inspire et la
communique à autrui , de même tout ouvrage
portant l’empreinte nécessaire des habitudes, des
qualités, des défauts, de l’artislfe, en opérera , si i
l ’on peut dire, la contre-preuve chez ceux auxquels
il s’adressera. j
Le propre de tout ouvrage tourmenté, est de
faire connoître et sentir l’effort de quelque nature
qu’il soit, car il en est de bien des genres. Nous
n’appellerons pas seulement de ce nom , la peine
et la contraction qui naissent d’on travail difficile.
Il y a un genre d’effort qui paroi t moins sensible,
parce qu’il annonce la facilité de 1 abondance
, mais qui ne produit pas moins le même
effet sur nous ; car la redondance nous fatigue,
quoique d’une autre manière, autant que 1 excès
de concision. L’une et l’autre nous rendent diffic
i le , surtout dans les compositions, la perception
des objets. On devient obscur par le trop
dire , comme par le trop peu.^
Chaque genre d’ouvrage d à r t, au reste, a^une
manière d’être tourmenté, dans les élémens memes
de sa conception, comme dans les-procèdes de son
exécution. On dit des poses des figures d’un tableau,
qu’elles sont tourmentées , quand l artiste
ambitieux de nouveauté , leur donne des, attitudes
forcées et trop contournées. On dit que la.
couleur en est tourmentée , quand le peintre, incertain
de son effet, ou ne parvenant point à se
contenter, retouche sans cesse, et par un maniement
excessif de pinceau, altère la fraîcheur
des teintes.
Nous ne serions pas en peine de dire ce que
c’est qu’une architecture , ou une composition
architecturale tourmentée. Il n’y a point d’architecte
qui ne convienne que ce défaut doit résulter
T R A
d’un plan qui, au lieu de lignes droites, de rapports
simples, de combinaisons claires, sera un
jeu péniblement controuvé de parties mixlilignés,
de contours rompus, de formes incohérentes,
Tout le monde sera d’accord qu’une élévation
tourmentée sera celle qui se composera, soit de
masses décousues et contradictoires, soit de détails
bizarrement assemblés, sans aucune raison |
qui en motive ou en expliquera réunion, soit
d’une multiplicité confuse d’objets qui ne sont
que des hors-d’oeuvre. Mais ce sera surtout dans la
complication des ornemens, dans la prétention à
innover par des mélanges indiscrets, ou par la
I profusion des motifs décoratifs, que 1 architecte
j qui aura tourmenté son cerveau, a cette laborieuse
recherche , fatiguera nos yeux et tourmentera
notre esprit. Le dix-septième siècle a produit
dans les oeuvres de Boromini, et de son école, les
exemples les plus clairs et les plus propres à faire
comprendre, ne fût-ce que par les yeux , ce que
peut être une architecture tourmentée.
TOURNER, v. act. C’est faire un ouvrageI
quelconque, à l’aide de l’instrument qu’on appelle 1
tour. Voyez ce mot.
T ourner. Se d it, mais dans le langage plutôtl
familier, surtout s’ï l s’agit d’architecture et de I
bâtiment, comme synonyme d exposer9 de dispo- 1
ser 9 de situer. ' ' . , • I
Ainsi l’on dira d’une maison quelle est bien!
tournée j lorsque son exposition est agréable; que
son intérieur est bien tourné9 lorsque toutes les!
pièces offrent des dégage mens commodes, et que
tontes les parties ont entr’elles de justes propor-l
tions. ' ' ...
On dit aussi d’une église, que son portail, ctou
être tourné vers l’occident, que son autel doit i e-1
tre vers l’orient,
TOURNIQUET, s. m. Espèce de moulinet 1
quatre bras, qui tourne verticalement, à hauteur!
d’appui, dans une ruelle , ou à côté d une bar-l
j rière, pour empêcher les chevaux- d y passer. 11
! en fait en bois, en fer et en bronze. Il y en a de!
I ces deux métaux dans plus d’un endroit des cours!
J et des.jardins de Versailles.
TRACER , v. act. C’est tirer les première«
lignes d’un dessin , d’un plan , sur le papier, sui a!
toile , sur le terrain. Il y a.plus d’une manierede
tracer, dans lès procédés du bâtiment, et on les
exprime par lés locutions suivantes :
T racer au simbleau..C’est tracer, d’après pb
sieurs centres , les ellipses, les arcs surbaissésj
rampans , corrompus , e tc ., avec le simbleau, quj
est un cordeau de chanvre', ou mieux encü,J
de tille, parce qu’elle ne se relâche point. n^
sert ordinairement du simbleau pour traG^r |
T R t |
flo-ares, dont la grandeur excède la portée du
compas.
Tracer en cherche. C’est décrire , par plusieurs
.points ’déterminés',, 'une section conique,
o/esL-à-dire une ellipse , une parabole ou une hyperbole,
et d’après cettecherche levée sur l’épure,
tracer sur la pierre, ce qui se fait aussi à la main ,
et au gré de l’oeil, pour donner une certaine
orâce aux arcs rampans de diverses espèces.
Tracer en grand. C’est, en maçonnerie, tracer'sur
un mur , ou sur une aire, une épure , pour
quelque pièce de trait, ou quelque dis tri bu lion
d’orne mens; En eharpenferie , tracer } c’est marquer,
sur un étalon, une en rayure, une ferme, etc..,
el le tout aussi grand que l’ouvragé. '
Tracer par équarrissement on dérobement.
C’est", dans la construction des pièces de trait, ou
coupe de pierre , une manière de tracer les pierres
par des figures »prises sur l ’épure, et cotées pour
trouver lès raccordémens des panfieaux de tête',
de douelle, de joint , etc.
Tracer sur le terrain. C’est-, dans l’art de
bâtir, faire de petits sillons , suivant des lignes
ou cordehux , pour l’ouverture de la tranchée des :
fondations.
C’est, en jardinage , sur un terrain bien dressé
et labouré, marquer avec le traçoir ( qui est un
long bâton pointu ), les cbmpartimens , enroule-
mens ,.' rouleaux ou fêiiillageS dé parterres, pdur y
plant èV du b u i s o u 'toute autre sorte de ; planté
propre à fairedes bordures. ‘
On dit aussi tracer à la- iliàin: C’est faire à, vue
d’oeil, s’ans le secours d’aucun instrument , ou
procédé géométrique , le contour d’une .courbe
par plusieurs points donnés;, ou bien corriger ce
contour dans les endroits qui ne satisfont pas la
vueV :? '
TRAÇOIR,.s. m. C’est, selon les différens ouvrages
à tracer, l’instrument dont on use pour
celle'opération.
TRAINER, V. act. Se dit particulièrement dù
moyen qu’on emploie pour faire, dans les bâti-
meosles corniches en plâtre.
Pour faire ainsi une corniche ou un cadré, on
fait, an préalable , un calibre, sur le dessin tracé
de la grandeur que doit avoir l’ouvrage. Ce'calibre
répète ainsi en creux ce que la cornichedoit
avoir en saillie , et donne en saillie ce qui doit
devenir creux. On l’adapte à un bâtis quelconque
qui sert à le manoeuvrer. On place ensuite en
avant du massif, ou noyau de la corniche, deux
règles bien arrêtées, sur lesquelles le calibre sera
promené. On garnit de plâtre clair le massif de la
corniche, et on passe, en le traînant, lé calibre sur
Diction, d’Archit. Tome III.
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ce plâtre encore ductile et mou. On répète l ’opération
jusqu’à ce que tontes les moulures et les
plus petits profils aient acquis le complément de
leurs formes.
TR A IT , s. m. .Dans la langue des arts du dessin
, d’où les autres arts semblent en avoir emprunté
l ’emploi , le mot trait s’applique à la ligne
qui termine une figure quelconque.
Ce que nous nommons ainsi, le latin l’appelle
line a 9 ligne, synonyme de trait. Aussi doit-on
traduire avec ce mot, dans les descriptions d ouvrages
d’a r t, qu’on rencontre chez les écrivains
latins , le mot line a 9 que l’on a eu souvent le tort
de rendre en français par le mot ligne 9 lequel habituellement
appliqué à l ’écriture, a produit une
confusion ridicule. C’est ainsi que lorsque Pline
nous dit., qu’Apelles ne passoit pas un jour quin
lineainduceret, on s’est imaginé que cet exercice
du peinlré grec se bornoit à faire une simple ligne.
De même lorsqu’il raconte l’espèce de défi qui eut
lieu entre Apelles et Protogènes, à qui feroit le
trait le plus délié, on a cru encore, à cause du
mot lineà du texte, qu’il ne s’étoit agi ènfr’eux,
que de'se disputer l’honneur de tracer la ligne là
plus menue. Linea répondant à ce que nous appelons,
un trait, en .dessin , il est visible , qu’entre
deux peintres, il ne put être question que d’un dessin
au trait s ou de ce que nous appelons aussi,
par abréviation, un trait} en supprimant le mot
de dessin.
L’architecture se composant plus sensiblement
encore, qu’aucun autre, a r t , de lignes ou de
traits qui renferment les formes de l ’édifice, la clé-
liénation est un des principaux moyens qu’emploie
l’architecte pour tracer ses projets. Il commence
donc p.ar les mettre, ce que l’on appelle au trait9
soit à l’aide du crayon , soit avec la plume, et c’est
lorsque ce traites t arrêté'; qu’il donne aux formes
leur rondeur et leur effet, par les ombres que procure
le lavis.
Mais les matériaux que l’architecte met en
oeuvre , pour l’exécution d’un édifice , exigent, en
pierre surtout, que leur emploi soit déterminé,
et que leur, configuration soit fixée , en grand et
en détail, par des traits qui empêchent les appareille
urs de se tromper. C’est pour cet effet qu’on
trace sur une aire , ou sur l’enduit d’un mur, les
traits et les lignes, de tout ce qui est nécessaire
au développement des parties de l’ouvrage. Voyez
le mot Epure.
La construction en pierre, comme on l’a dit,
est particulièrement celle qui exige avèc le plus
de détails une semblable opération. Plus surtout
le travail de cette construction s’est multiplié et
compliqué, par le manque des grandes masses de
pierres , par Je besoin de faire produire à plusieurs
la forme et l’étendue qu’une seule ne pourroit pas
donner, mais davantage encore par la hardiesse des
entreprises, ou par la diversité des plans, et disons-
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