
des espèces de monumens politiques, et sevvir,
comme les statues honorifiques, de motifs, pour
rendre durable le souvenir des hommes qui avoîent
bien mérité de leurs contemporains. Il fut en
effet naturel de faire servir à perpétuer leurs
noms , les lieux mêmes où reposoient leurs corps.
C’étoit un moyen d’assurer aux uns et aux autres
une garantie réciproque. De cet usage naquit celui
d’élever aux hommes célèbres, dont plus d’un
pays réclamoitl’honneur, des tombeaux vides ou
simulés, qu’on appela cénotaphes. Les tombeaux
furent aussi, et seront encore partout, les témoignages
d’un assez grand nombre d’aifections particulières,
où les sentimens naturels de l’amour, de
lareconnoïssance, cherchent des consolations, allègent
la douleur en la nourrissant.
Telles furent, à ce qu’il nous semble, les principales
causes qui ont fait ériger chez tous les
peuples anciens et modernes , cette multitude de
monumens, qui dans des formes si variées, et
sous tant de noms divers, sont une des plus grandes
et des plus curieuses parties de l’histoire des arts.
Du moins nous croyons, que la revue rapide que
nous allons en faire, en partant des peuples les
plus anciens, jusqu’aux temps actuels, pourra
mettre le lecteur à même d’appliquer chacune des
causes qu’on a indiquées, à chacune des pratiques
et des inventions qui leur correspondent.
En commençant par l’Egypte, point de départ
ordinaire de toutes les notions qui entrent dans
l’histoire des arts, nous voyons que nulle part les
moyens propres à empêcher les - effets d’insalubrité,
causés parla dissolution des corps, ne furent
pratiqués avec autant de soin. L’embaumement
paroît avoir été prescrit, avant tout, par le principe
de police sanitaire. Si d’autres vues conseillèrent
encore les pratiques de la conservation des
corps, il faut convenir qu’aucun peuple n y a
réussi à l’égal des Egyptiens. On retrouve, après
quelques milliers d’années, dans un parfait état d’intégrité,
les corps qui avoient reçu les préparations
usitées. On les enfermoit dans certaines caisses ou
gaines {voyez Gaîne) faites le plus souvent en bois
et précieusement peintes. D’autres étoient taillées
en pierres dures^ét en marbres de toute espèce.
Cest en cet état que les corps, selon le rang ou la
richesse des personnes, ou trouvoient un asyle
particulier dans les sépulcres qu’on leur bâtissoit,
ou alloient se ranger dans les hypogées {voyez ce
terme), et ce que nous appellerions les cimetières
publics, vastes souterrains creusés en divers lieux,
d’où l’on ne cesse d’extraire, depuis des siècles,
ce qu’on appelle des momies, c’est-à-dire les
corps des anciens Egyptiens , conservés par les
procédés de l’embaumement.
Le peuple égyptien, borné de tous côtés dans
son territoire par la nature, dut être avare de
son terrain 5 et c’est peut-être là, une explication
à donner, entre plusieurs autres, des innombrables
excavations que l’on trouve en Egypte. Il
y eut, en quelque sorte , une Egypte souterraine
habitée par les morts. Ainsi les montagnes de la
Thébaïde renfermèrent dans leur sein , des sépulcres
creusés à plusieurs étages, et qu’on présume !
avoir été les secrets dépositaires des corps mêmes
des toi s. Ces tombeaux souterrains étoient ornés
avec le même art, distribués avec le même goût
et brillans des mêmes peintures que les édifices
construits , ainsi que nous l’a fait voir celui dont
M. Belzoni a transporté en Europe l’image fidèle
et complète.
Les monumens creusés en Nubie, et entr’autres
celui d’Ibsamboul, qui fut, à ce qu’on croit, le
tombeau d’un roi, quelques-uns disent de Sésos-
tris, offrent de très-prodigieux exemples des sépultures
souterraines; il est à remarquer que toute
cette partie supérieure de l’Egypte ne préseule
aucune indication de pyramide.
C’est à la basse Egypte, et ce fut, à ce qu’il
paroît, à la nécropole de Memphis , qu’appartinrent
les masses plus ou moins énormes des sépulcres
construits en pyramides, constructions
qui paroissent avoir exercé l’ambition de plusieurs
règnes successifs. {V o y e z P yramide. ) Ce genre
de monument peut avoir trouvé son origine et ses
modèles , également dans les montagnes creusées
dout on vient de parler, et dans les montagnes ar-
I tificielles qu’on dut élever d’abord, sur les terrains
en plaine , pour y déposer les tombes des morts,
et pour leur servir de monument extérieur. On
ne doute point que le plus grand nombre des pyramides
de Memphis ne soient, dans ce qui en est
le fond, ou si l’on veut le noyau, des monticules
naturels ou artificiels, où l’on creusa des
conduits en pierre, et qui furent revêtus d’une
maçonnerie en blocage, qu’on façonna pour figurer
les quatre faces, recouvertes enfin d’assises de
pierres, ou d’autres matériaux plus précieux.
Voyez l’ ariicle P yramide.
Les voyageurs qui ont parcouru les col es adjacentes
de l’Egypte et de l’Afrique, et les bords
de la Méditerranée, rapportent qu’elles sont couvertes
de monticules, qu’ils soupçonnent être des
tumulus. Or, tels paroissent avoir été les tom*
beaux primitifs de la Grèce, et de beaucoup
d’autres pays , qui eurent d’anciennes communications
avec elle. Ces tombeaux de la Troade
qu’on appelle d’Achille et d’Ajax, étoient des
tumulus dont les fouilles ont fait reparoître les
objets qu’on y avoit enterrés. Rien de plus commun
dans les descriptions des écrivains, que ces
tombeaux qu’ils appellent y,o)p.<i y y s, amas de
terre. Le magnifique tombeau d’Alyates, roi de
Lydie, consistoit principalement dans une énorme
levée de terre. {Voyez T umulus.) L’usage le plus
ordinaire étoit d’environner le tumulus d’un mur
par en bas, et de placer à sa cime, un cippe ou
une colonne.
Généralement, en Grèce proprement dite, Ie
■ luxe des tombeaux fat resserré dans des limite!
assez étroites, ce qu’on explique par la nature
des gouvernemens populaires, par certaines lois
somptuaires, et surtout par le peu de richesses
des petits Etals dont ce pays se composoit. Aussi
découvre-t-on dans les restes de ses villes, fort peu
d’édifices funéraires. Le tombeau qu’on appelle
d’Atrée, est ce qu’on peut citer de plus grand en ce
irenre, et c’est encore une fort modique construction.
Pausanias, dans sa description de la Grèce,
ne nous a effectivement donné la notion d’aucun
grand monument sépulcral, exécuté en cette contrée.
Lorsqu’il parle du tombeau d’Æpytus, dont
Homère avoit fait mention, et qui n’étoit autre
chose qu’un tertre de terre peu considérable ,
entouré d’un soubassement de pierre, il remarque
avec raison que si le poète l’avoit admiré, c’est
qu’il n’avoit rien vu de plus beau. Et il ajoute
que pour lui, il connoissoit plusieurs tombeaux
dignes d’admiration; mais qu’il se contentera de
citer ceux de Mausole à Halicarnasse, et d’Hé-
lene à Jérusalem. Lorsqu’on voit Pausanias aller
chercher hors de la Grèce, proprement dite, les
exemples de tombeaux magnifiques, et quand on
observe- que sa description n’en a fait admirer aucun
dans ce pays , on peut, en rapprochant cette
double particularité, du si petit nombre de tombeaux
ruinés, qu’on rencontre en Grèce, conclure
que, très-probablement, les grands ouvrages
de ce genre durent y être autrefois fort rares.
Quoique rien ne nous ait fait connoître, jusqu’à
présent, de quelle nature étoient , dans ce pays ,
les lieux destinés aux sépultures publiques , on ne
laisse pas d’y découvrir une assez grande quantité
de petits monumens , en forme de cippes
funéraires ornés de bas-reliefs, où sont repré-
: sentes probablement les personnages morts. Mais
| où étoient-ils autrefois situés t Etoit-ce sur le lieu
même des sépultures, en plein air, ou dans des
intérieurs de tombeaux? C’est ce que nous ignorons.
Voyez C ip pe.
L’ouvrage le plus célèbre et le plus renommé
de l’antiquité grecque, en fait de tombeau, fut
effectivement le monument funéraire , a Hali-
carnasse, du roi Mausole, dont le nom désigna
depuis les plus grands travaux de ce genre. A
l’article Mausolée (voyez ce mot), nous croyons
avoir indiqué, avec assez de vraisemblance, l’origine
et les modèles des édifices semblables à celui
de Mausole, dans ces immenses constructions de
bûchers, dont l’histoire nous a conservé plus d’une
mention, et que la description du bûcher dHé-
phastion , par Diodore de Sicile, nous représente
comme des prodiges de dépense et de luxe architectural.
Nous verrons bientôt reparoître chez
les Romains , et les traditions de ce genre de
monumens funéraires, et les imitations qu’on en
fit, dans les tombeaux des empereurs.
La partie méridionale de l’Italie , qui porta
jadis le nom de grande Grèce , offre depuis un
demi-siècle , aux recherches , du genre de celles
qui nous occupent, la matière la plus abondante
et la plus curieuse. Près d’un grand nombre de
villes, dont il restoit à peine des vestiges, on a
retrouvé des lieux de sépulture souterraine, qui
répondent, en quelque sorte, à ce que nous entendons
aujourd’hui par cimetière. Non qu’on prétende
qu’ils fussent ce que nous dirions des cimetières
publics. Les tombeaux ou sarcophages
qu’on y découvre, rangés quelquefois à plusieuis
étages., les uns sur les autres, dans des espaces
i creusés exprès, au sein ou sur la pente des monta-
I gnes , furent encore des objets de dépense fort au-
dessus des moyens de la multitude. Nous ienverrons
le lecteur, pour plus de détails sur cette
matière, au mot S e pu l c r e tum . Mais nous devons
ajouter que c’est dans ces sortes de tombeaux,
qu’on découvre journellement de ces vases^ de
terre cuite ornés de peintures, et de compositions
dessinées au simple trait, ouvrages de 1 art gvec
souvent le plus élégant et le plus parfait, que de
fausses notions firent autrefois attribuer aux
Etrusques.
Quelques vases de même nature trouvés en
Etrurie, quoique d’un art fort inférieur, et le
manque dé critique sur le goût et les ouvrages
de celte antique contrée, purent occasionner
l’équivoque de celte dénomination, donnée au
plus grand nombre de ces vases. Toutefois il
résulte de là une conformité d’usage entre les Etrusques
et les Grecs, si cependant celte pratique de
placer des vases dans les tombeaux des morts,
pratique dont on rend plus d’une sorte de raison ,
ne fut pas plus générale qu’on ne peut Ie due.
L’Etrurie , au reste, du moins si l’on entend
parler de ce pays, avant la domination des Romains
, paroît avoir porté très-loin le luxe des
tombeaux> à en juger par la description que Pline
a donnée , d’après Yarron , du célèbre tombeau
de Porsenna , composé de plusieurs rangs de corps
pyramidaux, s’élevant en retraite les uns au-dessus
des autres, et sous la masse desquels avoit été
creusé un vaste labyrinthe. Toutes ces choses
donnent à cr-oire qu’il y eut fort anciennement des
imitations de goût, ou simplement des rencontres
naturelles d’idées, entre les Egyptiens et d’autres
nations contemporaines. Au nombre des tombeaux
et autres monumens funéraires que l’on
trouve encore aujourd’hui en Etrurie, il faut
compter d’assez grands hypogées, tels que ceux
de Corneto , qui avoient été ornés de peintures,
plus des urnes cinéraires ou des sarcophages , que
leur styleet leurs inscriptions en caractères étrusques
, ne permet pas de confondre avec les ouvrages
des Romains , mais auxquels on ne sauioit
assigner-une date certaine, la langue et 1 écriture
étrusques, s’étant maintenues, long-temps après la
conquête de ce pays par les Romains.
S’il est naturel que le luxe et la magnificence
des tombeaux, soient une conséquence de la richesse
de ceux qui les commandent, ou pour
R r r a