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puissent satisfaire par-là l’imagina lion et la
Raison.
C’es t, à la vérité, dans cet ordre de règles,
que se rencontrent le plus de contradictions. 11
n y a aucun doute que la partie décorative de
l’ architecture, est soumise à un assez grand nombre
de conventions, qui .ouvrent un ti’op vaste
champ à l’arbitraire. Cependant onneskuroitniec
que, lorsqu’on remonte à l ’origine de tous lés;
ornemens , on n’en trouve le plus grand nombre
fondé sur des raisons d’utilité ,'OU susceptibles de
se subordonner à un système raisonné. C’est donc
à ceux-ci de faire la loi aux autres, et le bon
sens veut, s’il doit y avoir des exceptions à la!
règle, que ce ne soit point à la règle de céder aux
exceptions.
Nous venons de parcourir, dans une théorie
fort générale, les deux classes de règles'ÿ qu’il
faut reconnoître en architecture, comme reposant
sur des faits évidens , sur des autorités physiques
ou morales, dont les sens et l ’esprit ne peuvent
nier l’existence.
11 n’en sera pas tout-à-fait ainsi des deux au- j
très classés de règles dont il nous reste à parler:
Il est , avons-noüs dit-* une troisième catégorie
de tègles, qui ne reconnoissent guère d’autre
principe que l’usage et les exemples, et ; ces
règles ne sont pas celles qui, dans l'architecture,!
ont le moins d’observateurs. Lorsque les précé--
dentes sont écrites dans ce grand livre de la nature
, où très-peu sont en état de lire, celles-ci
forment l ’objet et la matière.de-presque tous les
traités didactiques. Ces traités , en e ffe t, ne
nous offrent que l’analyse des parties de l ’architecture
, décomposée selon les ordres de colonnes,
leurs bases, leurs chapiteaux, les profils
et les membres des entablemens des piédestaux ,
des piédroits, des arcades ou des portes. Le résultat
de ces règles est d’enseigner les mesures relatives
de chacune de ces parties, d’après une
certaine concordance d’exemples puisés dans
les ouvrages ,* soit de l’antiquité, soit des Modernes.
Comme l’architecture cesserçit d’être un
a r t , si l’on pouvoit fixer d’une manière géométrique
les mesures d’où dépend sa beauté , il ne
faut regarder ce qu’en prescrivent ces traités, \
que comme une sorte de moyen terme entre le
plus et le moins , ou simplement comme ces j
grammaires qui vous disent beaucoup mieux ce
qu’il faut faire, pour éviter les erreurs grossières,
qu’elles ne peuvent vous apprendre ce qui produit
les beautés.
Il est visible que ces sortes de règles, qùi s’occupent
des détails , sont fort loin d’embrasser
l ’ensemble de l’art. Aussi sont-ellès celles qüé,
d’une p a r t, 'observent le plus scrupuleusement
ceux qui ne font de l ’architecture qu’un métier,
et que de l’autre, se permettent le plus de combattre,.
les esprits systématiques , impâtiens de
toute espèce de joug-, et qui se refusent à re-
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connoitre toutes les règles de théorie , parce que
celles de^ la pratiqué , ne peuvent recevoir
fixité positive ét mathématique'.
C’est peut-être là que conduit le respect aveir-
gle de quelques’ artistes , pour celte dernière classé
de règles, que nous avons appelées règles de routine
ou dé préjugé. S i, en effet, on a vu l’architecture
livrée , par le mépris dé tous les genres
de règles', à la folie des innovations’ les plus ridicules^’,’
n’ê tiré plus qu’un jeu désordonné;de for.
mes sans cause, de lignes; sans suite, de contours
sans objet, d’ornemeus!sans motifs , on peut
attribuer cette manie, jusqu’à un certain point
à l’insipide monotonie où quelques esprits serviles
réduisent cet art ,-en se traînant san.s idée et sans
vue-, sur les traces d’ouvra'ges, froides repétiliotis
eux-inêmes de tout ce qui les a précédés. Ce troupeau
des copistes provoque à la fin une indépen-
dance^ présomptueuse , qùi attribue aux îègles ce
qui n est dû qu’à la fausse manière de les interpréter
, de les concevoir et de lés exécuter.
C’est alors qu’on entendra dire que le's règles
n’ont été faites que d’après les chefs-d’oeuvre’;
que cèux-ci, pai* conséquent , ayant précédé les
règles, elles sont inutiles.
Mais ce raisonnement, qu’on répète si Souv
en t, n’est souvent quun manque déraison. Il y
a effectivement méprise dans l’emploi qu’on fait
du mot règle. Entend-on pai- ce mot \ règle écrite
è’t rédigée en système? D’accord. Mais est-Ce
que la règlen’existoit pas avant d’avoir été mise
par écrit ? Est-ce qüé ceux qui ont produit les
c'hefs-d’oeuvre né les ayoient pas connues ? Est-
cè que toutes les lois de là morale et de la justice
n’e^istoient pas dans le coeur de l’homme,
avant d’être devenues les ! articles d’un code ?
Est-ce que lés préceptes dè.la sagessé n’ont pas
produit des sages , dirigeant d’après elle leurs
moeurs et leur conduite, avant d’avoir été recueillis
dans les traités de quelques philosophes?
Est-ce que les rapports de beauté , de justesse et
de vé r ité , qui sont le résultat des recherches de
l'intelligence, et du génie imitateur des oeuvres de
la nature!, nétoient pas devenus" des règles de
proportion , d’harmonie et de' régularité1, avant
d avoir trouvé placé; dans lès méthodes et les ana-‘
lysés?’
Ce n’est donc point aux"règles quon s’en
prend , mais seulement aux tèglesécrites. Maintenant
, pourquoi'ce qui étoit., oü déôoüverte individuelle
, ou tradition orale, perdroit-il de sa
vertu, pour être contenu dans un livre ? Les règles,
lés véritables'réglés dés arts et de l’architecture,
rédigées par é crit, ne sont autre.'chose
que la collection et le développement de certaioès
vérités morales , que nous âvôns vu être aussi incontestables
, dans leur g enre,'qu e lés vérités
physiques. Ces vérités avoient été. aperçues et
connues par les auteurs des’ ouvrages qui ont précédé
les écrivains. Mais est-il vrai que les rédac-
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teurs des'règles écrites., ne les aiènl Connues que
ar les ouvrages , où ils en ont trouvé les exemples?
Les ouvrages q u i, comme on l’a dit, prou-
P t’ préexistence des, règles, ont pu servir à
^ieux fixer la théorie. On en convient. Toutefois
, s auteurs des théories ont pu en puiser aussi les
iiolions ,.àux. spurcés mêmes d’où les artistes les
voient tirées. On ne sauroit donc comprendre
comment les raisons qui expliquent les causes des
•passions du beau et du vrai sur notre ame, et
les moyens par lesquels nous recevons ces im-
ressions, en s’autorisant pour cela de l ’exemple
Ses chefs^d’çeuvre , peuvent.être inutiles, selon
[les uns, et selon d’autres , obstacle à la prodüc-
Luction des chefs-d’oeuvre,
î Disous-lé, c’est.que l’on confond , sous le nom
[commun de règles, les développe mens des grands
nvincipes régulateurs du génie ., et les sèches
[ analyses grammaticales, qui ne louchent pas plus-à
. la vraie science d e 'l’architecture , que les; rudi-
[ mens de collège à l’art de l’éloquence ou de; la
[poésie. Non, comme on l’a d i t , que ces règles
[scholastiques soient méprisables, mais leur autorité
variable ;comme les détails auxquels, elle
[s’attache, ne constitue point la théorie de l’art.
[Elles ne deviendroient nuisibles qu’aulant qu’on
[leurdonneroit pius;de pouvoir^quelles n’en com-
[porient , et qu’on resserreroit dans leur cercle
[étroit toutes les-notions propres à guider l’artiste,
f Mais, dit-on, les règles, quelles quelles soient,
[ne donnent pas le génie. Sans doute : si elles le
1-doDnoient, le génie ne seroit plus que l’affaire
Ides réglés. Et dès-lors, il n’y auroit plusde génie;
lil n’y au voit-qu’un procédé mécanique, et l ’on
tferoit des chefs-d’oeuvre comme l’on tire des
[lignes droites.
i Non, les règles écrites ne donnent pas le génie ;
[mais pourquoi nieroit-on qu’elles peuvent abré-
Iger l’étude de l ’observation des lois de la nature,
[ des propriétés, des qualités qui constituent le
[beau et le vrai ? Les règles ne donnent pas le gé-
nie, parce que la nature seule le donne; mais'ce-
llui qui l’a reçu , n’en peut-il pas recevoir des lumières.
qui ]e;guident plus sûrement ?
Non, les règles ne donnent pas le génie, mais
lil-ne se donne pas de génie sans ces règles., puis-
[que c’est dans les oeuvres des hommes'de génie,
|qu on en trouve les exemples.
Non?, les règles toutes seules ne créent pas les
[chefs-d’oeuvre, mais elles épargnent au -talent
beaucoup d’épreuves et de tâtonnemens ; elles
[préviennent bien des erreurs, et préservent des
défauts où l’imagination fait tomber. -
Les règles, celles même qui n’émanant point
ides grands principes d’une théorie élevée, résir
[dent dans la sphère inférieure d’une pratique subalterne
, doivent se considérer comme des in-
[dicatéurs qui-guident la vue de l’artiste dans les
figions de i’inventioü, sans .l'empêcher de mar-
■c" er à son gré, et de se tracer à lui-même d’au-
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très routesr, pourvu qu’elles arrivent au but par
une direction plus-sûre et plus courte.
Règle , s. f. Dans le sens simple, on donne ce
nom à un morceau de bois ou de métal long *
mince et étro it, dont on se sert pour tracer des
lignes droites.
Les ouvriers en métal se servent de règles. en
fer ou en cuivre.
Les architectes et ingénieurs emploient des règles
en bois de différentes longueurs, d’un pouce
et demi à cinq pouces de largeur , et de. quatre ,
cinq ou six lignes d’épaisseur,, dont un côté, taillé
en biseau , sert pour tirer la figue à l’encre , et
l’autre côté carré pour tracer les lignes au crayon.
On distingue'plus d’une sorte de règle.
La- règle d’appàreilleur est celle qui a ordinairement
quatre pieds , et qui est divisée én pieds
et en pouces.
La règle de charpentier est une règle piélée ,
de six. pieds de long , c’est-à-dire qui est divisée
en autant de pieds.
La règle de poseur est une règle qui a douze ou
quinze pieds de.long, qui sert sous le niveau pour
régler un cours d’assises, .et pour égaler les piédroits
et les, premières retombées.
La règle à-plomb est une règle qui, dans toute
sa ion gueur , a la même largeur, et au milieu ds
laquelle est tracée une ligne droite, qui reçoit le
fil' d’un plomb attaché à son extrémité supérieure,
et dont l’extrémité inférieure est taillée en portion
» de cercle pour laisser le plomb en liberté :
elle sert à mettre d’à-plomb les ouvrages .de ma-
çonnerie ou de menuiserie , en appliquant un de
ses côtés sur le parement de fouvrage.
La règle de vitrier est une règle de bois très-
mince, de différentes longueurs , au milieu de
laquelle sont attachés deux petits taquets qui servent
à la manier et à l’assujettir en place, lorsqu’on
veut couper le verre avec le diamant.
Les Anciens: nous parlent d’une sorte de règle
qu’ils appeloient, règle lesbienne. Elle étoit de
plomb , par conséquent- flexible , et elle formoit
autant d’angles que l ’on vouloit. On se servoit
de cette règle pour un genre de construction dqnfc
il substiste un nombre considérable de restes de
murs antiques. Selon cette méthode d’appareil,
on employoit les -pierres-sans les équarrir , et en
leur laissant la forme irrégulière qu’elles se trou-
voient avoir, en sorte qu’elles déc.rivoient des polygones
de toute figure. De semblables pierres une
fois mises en pose , pour leur en joindre d’autres,
et les ajuster aux contours ou aux lignes de leurs
angles, on relevoit tous ces angles avec la règle
de plomb qu’Aristote appelle lesbienne, et l’on
reportoit cette règle .sur la pierre qui devoit se
concerter avec tous ces joints. On sait que cette
construction ne formoit ni assises ni lits horizontaux
-r. elle avoil quelques avantages, et surtout
celui d’employer toufos fortnes de, pierres sans