
fois les unes au-dessus des autres, où toute la
perfection de la coupe des pierres, dans l’art de
voûter, atteste une habileté et une puissance de
moyens de construction , qui n’ont point été surpassées.
D’après les observations faites plus haut, sur la
réserve qu’on doit mettre à décider, qu’une pratique
fut inconnue des Anciens , par cela qu’il ne
s’en trouve point d’exemple, dans les restes de
leurs monumens, nous nous garderons bien de
dire que les Romains ne firent pas de voûtes
sphériques en pierre , parce qu’on auroit quelque
peine à en citer quelqu’exemple important. S’il en
étoit ainsi, ce qu’on ne sauroit affirmer , nous en
trouverions peut-être la raison, dans la préférence
qu’ils auroient très-justement donnée à la
construction en blocage. C’est de cette sorte, que
sont construites les grandes voûtés sphériques,
ou coupoles, qui, pour le plus grand nombre,
auront dû à ce procédé de b âtir , leur plus où
moins grande intégrité. Les constructeurs y réu-
nissoient la légèreté des matériaux , et la plus
grande ténacité d’un mortier qui par la force
d’adhésio'n, parvenoit à faire tin corps indissoluble,
d’un assemblage de parties nombreuses.
C ’est ce que démontre aujourd’hui un assez grand
nombre de voûtes , ou arcades en blocage et
briques, dont une moitié a été détruite, lorsque
l’autre moitié, réduite en porte à faux depuis très-
long-temps, ne cesse pas d’être inébranlable.
Du.grand emploi que les Romains firent, et durent
faire delà construction de blocage en voûtes,
on doit tirer la conséquence, qu’avec un moyen
de voûter, si commode, si sûr, si facile à accommoder
aux formes et aux espaces de tont genre ,
leurs constructeurs eurent fort peu besoin de la
science géométrique , dont les modernes ont appliqué
les théories à la coupe des pierres , pour
former une multitude de voûtes savantes, dont
nous donnerons les noms à la fin de cet article.
C’est la nécessité de voûter en pierres, de suspendre
des masses solides et pesantes, et de
trouver dans le trait de leur coupe, selon les
diversités de courbure , et leur soutien et leur
liaison, qui a fait de cet art une science.
Si l’on ne peut se permettre de nier que quelques
grands temples quadrilatères aient eu leur
intérieur couronné par une voûte, on doit regarder
comme certain, que de beaucoup , le plus
grand nombre, ainsi que leur construction extérieure
le prouve, ne put supporter que des plafonds
de charpente ou des couvertures cintrées
en bois ; et il ne paroit pas que dans le genre de
temples dont on parle, Rouie en ait eu d’aussi
considérables que ceux- de certaines villes de la
Grèce ou de l’Asie -Mi a é u i:e. Aussi ne croit-on
pas que les grandes voûtes , qu’on a long-temps
désignées comme ayant été celles du temple de
la Paix , aient réellement appartenu à un édifice
sacré? Ce qu’on conooit de plus grand , en fait de
voûtes romaines, bâties en blocages, comme
celle du Panthéon, ou couvrit des monumens
circulaires , ou fit partie des thermes ; ce fu t,
ainsi qu’on peut s’en convaincre , dans les immenses
édifices de ce nom , que l’art des voûtes
eut l’occasion et le besoin de se développer en
grand. Il n’y a point eu , et il n’y a pas de plus
vastes intérieurs que ceux des salles des thermes.
Or, nous apprenons, par la grande salle des
thermes de Dioclétien, convertie en église, que
les Romains employoient aux couvertures de ces
grands espaces , les voûtes d’arête, dont la propriété
, comme celle des voûtes gothiques , est de
diminuer la pesanteur et de diviser la poussée.
Ce fut selon ce dernier système, qui se per-r
pétua dans les pratiques de la construction , après
l’entier oubli de l’architecture gréco-romaine ,
que le moyen âge vit élever, avec beaucoup de
légèreté et d’économie, ces voûtes dont les églises
gothiques soDt couvertes, et qui surprennent
beaucoup plus qu’elles ne méritent l’admiration
dont elles jouissent.
En effet, la voûte d’arête n’est point, comme,
on l ’a d it, une pratique, ou si l’on veut une
invention, qui appartient aux constructeurs de
ces siècles. Ce qu’il y a même de particulier dans
l’opinion généralement répandue à- cet égard,
e’est qu’on s’imagine que les bâtisseurs de ces
églises ne connoissoient pas les voûtes en plein
cintre. Cependant cette ôpinion n’est due qu’à
l’illusion que font aux yeux les angles résultant
du croisement des deux nervures en pierre ,
qui forment, d&ns la réalité , deux arcs en cercla
plus ou moins surhaussé ou surbaissé. Point de
doute que les prétendus gothiques ont employé
les arcs aigus au-dessus de leurs piliers , et nous
verrons que celle forme tient à l’enfance de l’art
des voûtes. Mais que l’on considère les couvertures
en voûte de l’intérieur de leurs nefs , et des
bas-côtés de ces nefs, il n’y a plus rien d’aigu que
les compariimens formés par les grands arcs eu
plein cintre, dont on a déjà parlé , et qui composent
comme la charpente de ces-coavertures,
La voûte d’arête gothique (comme l’a fait voir
M. Rondelet dans son Traité de l'Art de bâtir,
tome II, pages i 65et a5o) ne se compose que d’une
combinaison d’arcs droits à cintre , ou circulaires,
moindres de 90 degrés, qui se réunissent pour
former dilierons eornpartimens. Les intervalles de
ces arcs sont remplis par de très-petites pierres
maçonnées en mortier ou en plâtre. La mesure
de ces petites pierres est telle, qu’elles peuvent
se prêter, sans avoir aucun besoin d’une taille
expresse , à la courbure légère de ces compartiment
On a même remarqué dans quelques églises,
Gomme à celle de Noire-Dame à Paris , que «P
remplissage en petites pierres sans coupes , appelées
penda ns , n’éloit quelquefois qu’en plâtre
pigeonné.
Le savei-r des prétendue gothiques, en fait de
voûtes, ne comporte donc rien de üôuvfeau. îl n’y
a que lahauteur et la procérité de ces couvertures
qui frappe , comme tout ce qui est élevé et
grand. Je ne dis pas hardi, car laliardiesse n’est
un mérite, en architecture, que quand elle s’unit
à la solidité. Or, les voûtes des églises gothiques
pêchent contre la solidité d’une manière trop
évidente, pour qu’on puisse la mettre eu doute,
puisqu’il est clair à tous les y e u x , que sans les
arcs-boutans qui leurs servent d’élaies, elles ne
pourroient point subsister.
Quoi qu’il en puisse être de cette critique , on
voit que l’art des arcs et des voûtes en plein
cintre, continua d’être pratiqué dans tous les
siècles du moyen âge.
A la renaissance des arts , vers le quinzième
siècle, le christianisme donna une impulsion nouvelle
à l’architecture. Déjà la nature toute différente
du culte, avoitporté toutes les églises à une
grandeur de dimension , que le paganisme n’avoit
pu connoître, parce qu’il n’en avoit jamais en
besoin. Le style gothique, peu répandu en Italie,
ou singulièrement modifié par l’elïet des traditions
toujours vivantes du style gréco-romain, ne
put opposer que de légers obstacles au renouvellement
du bon goût. L’érection de nouvelles
églises, dans un-grand nombre de villes, donna
lieu de revenir au système des voûtes, qui s’étoit
conservé dans les ruines de Rome , et surtout
dans les restes de ses thermes.
Mais une forme caractéristique , celle de croix
donnée aux plans des églises chrétiennes , forme
inspirée dès l’origine (comme on a pu le voir à
l’article B a s i l i q u e ) par la nature même des
grands édifices qui furent mis à la disposition
des chrétiens , devint bientôt l’occasion de propager
et de porter au plus haut point la hardiesse
de la voûte sphérique. Le dernier exemple antique
avoit été la coupole de Sainte-Sophie, à
Constantinople. Le point de réunion des quatre
nefs de la basilique chrétienne , devenoit d’un
ajustement difficile , sans l’accord d’une partie de
construction circulaire. SainteMarie-des-Fleurs i
donna à Florence , sous la direction du génie de
Bruneleschi , le premier exemple en grand d’une
voûte sphérique, dont le diamètre est de i3o
pieds, au centre de quatre nefs. La construction
de ce monument est une des époques mémorables
dans l’histoire de l’art des voûtes. Jusque l à ,
même chez les Anciens , aucune voûte n’avoit été
ainsi élevée en l’air, avec des matériaux solides,'
et à une aussi prodigieuse hauteur (255 pieds.)
Cependant l’architecte de celte voûte sphérique
elliptique, l’avoit élevée sur les massifs
construits avant lu i, par Arnolpho d iL ap o , de
manière qu’elle portoit véritablement ce qu’on
appelle dejbnd. Il paroît toutefois , par l’histoire ;
de ce monument (voyez B r u n e l e s c h i ) , qu’il ré-
gnoit alors une assez grande ignorance, non sur
la pratiqué générale de voûter (les cintres, quoiqu’un
peu aigus , des arcades de l’église le prouvent),
mais sur les moyens de porter à une grande
-hauteur une voûte sphérique, sans des ressources
de support extraordinaires. La solation de ce problème
occupa alors tous les esprits, et fit la
gloire de Bruneleschi.
Le siècle suivant devoit réaliser, dans la coupole
de Saint-Pierre, une plus grande entreprise
encore , et avec plus de hardiesse et de difficulté.
Il fut question de faire porter une masse plus
considérable, non pas de fo n d ,'e t reposant sur
des soutiens verticaux , mais, si l’on peut dire, en
l’a ir , c’est-à-dire ayant ses points d’appui sur les
voûtes en berceau des quatre nefs de l’église.
Bramante en avoit eu l’idée, Michel-Ange la
réalisa. Voilà le point le plus élevé où soit arrivé
l’art des voûtes, et il n’est guère probable qu’il
soit donné, non-seulement de le surpasser, mais
même d’y atteindre.
Ce n’est certainement pas le manque de science
qui l’a empêché ; mais de semblables entreprises
dépendent de circonstances et de causes , qui sont
de nature à ne pouvoir, peut-être jamais, se renouveler.
Cependant la coupole de Saint-Pierre est devenue,
pendant l’espace de deux siècles , le point
d’imitation de toutes les églises construites en
Europe , et il n’y a aucune grande ville qui ne
puisse en montrer, dans quelque dimension que
ce soit, une redite plus ou moins frappante.
N’ayant point ic i pour objet de faire l’histoire des
coupoles, mais seulement de faire parcourir rapidement
au lecteur celle de l’art des voûtes,
dans la succession de ses vicissitudes , de ses variations
et de ses progrès , nous nous bornerons à
due que cet a r t , sous le rapport de théorie et de
pratique , a dû obtenir , dans ces derniers temps,
son plus grand développement, par le perfectionnement
que la coupe des pierres a reçu des études
mathématiques, et des applications de la géométrie.
De là cette facilité de diversifier toutes les
formes de voûtes , de les faire on quelque sorte
se ployer à toutes les situations voulues par des
emplacemens irréguliers. Nous donnerons à la fin
de cet article.la nomenclature dé toutes ces espèces
de voûtesi
NOTIONS CONJECTURALES SUR LO R IG IN E DE l ’ a RT
DES VOUTES.
Lorsqu’on cherche à déterminer quel a pu être
le principe originaire de l’art des voûtes, chez
le plus grand nombre des nations, une première
question que le critique doit se faire, est celle de
savoir s i , en cherchant son origine, dans les premiers
procédés d’une industrie naissante, et dans
les exemples connns des premiers temps, l’art
devoûter résulta nécessairement d’un seul procédé,
ou sila diversité de matériaux employés à former