
f
par des statues, à l’à-plomb des colonnes. Les
fenêtres du premier étage sont à chambranles ,
ornés de frontons alternativement angulaires et
circulaires. La cour est environnée d’une galerie
formée par de belles colonnes à chapiteau composite
, et coupées par la balustrade de la galerie
supérieure, qtu répond aux fenêtres du premier
étage.
Palladio ne s’est presque jamais répété dans
une seule de ses nombreuses compositions. Il dispose
de tous les moyens de l’architecture avec
pleine liberté. Ici il établit deux ordres de colonnes
adossées 5 là il use de pilastres, dont la hauteur
embrassei’étage d’en bas et l’étage supérieur ;
tantôt il place les colonnes de ses devantures sur
de très-hauts piédestaux , qui sont exhaussés eux-
mêmes sur des socles; tantôt il accouple les ordres
, et donne aux colonnes une base commune;
tantôt il fait le contraire. I c i , comme au palais
Valmanara, un soubassement d’arcades toutes
lisses supporte un péristyle de colonnes doriques,
dont les entre-colonnemens sont inégaux, et partout
on sent Faction d’un génie rempli de toutes
les richesses de l ’a r t , toujours conduit par les
principes du beau, mais jamais esclave d’aucune
méthode exclusive. Tout ce qu’une sévérité de
principes absolue pourroit regarder comme abus
ou comme licence, reçoit de l’harmonie de sa
composition et de l’élégance de ses formes, un
tel charme , qu’on est toujours porté à croire que
le mieux y auroit été l’ennemi du bien.
l l y a en architecture , comme en tout genre ,
des esprits portés à n’admettre que des règles inflexibles
, et qui semblent croire que c’est aux
hommes, aux temps , aux besoins, à se faire aux
règles, comme si la règle du convenable n’étoil
pas l’effet de toutes les causes préexistantes. P a lladio
semble avoir eu pour objet de montrer que
tout ce qu’il y a de beau et de bon dans l’architecture
des Anciens, peut convenir à tous les
temps, à tous les pays, avec les modifications
que les Anciens ont admises eux-mêmes dans leurs
ouvrages. D’après sa manière d’iiniler les Anciens,
il paroitroit n’avoir eu d’autre système que de
faire , comme feroient les mêmes Anciens,. s’ils
revenoient exercer leur art chez les Modernes.
De-ià cette applicatiou libre , facile et spirituelle,
des masses , des lignes, des plans , des orne-
mens de l’antique, a toute construction.
On ne sauroil parcourir la suite nombreuse des
charmantes maisons de campagne, dont il a embelli
le Vicentin et les Etats de Venise, sans se
croire transporté dans l'ancienne Grèce , ou sur
le territoire , si riche en ce genre, de Rome et
de ses environs.
C’est là que Palladio a donné l'essor à son
imagination : disposant à volonté de terrains
bien moins circonscrits que ne le sont ceux des
villes , il s’est plu à embrasser dans l’ensemble de
ses plans, toutes les sortes d’accompagnemens,
qui servent, si l’on peut dire, de cadre au corps
principal du bâtiment.
Faute de pouvoir nous livrer, dans cet article,
à la description détaillée de toutes ces inventions ,
c’est au Traité d3Architecture de Palladio que
I nous renvoyons le lecteur. Il y verra avec plaisir
Fauteur lui-même énumérer et décrire , soit par le
discours , soit par le dessin, cette multitude de
maisons bâties par lu i, et dont.chacune semble
un de ces projets composés de fantaisie, dont l ’imagination
de l’architecte aime à fixer sur le papier
l’exécution peu dispendieuse. I c i, il verra la
maison de campagne s’élever au fond d’une spacieuse
avaut-cour fermée de portiques circulaires ;
là , elle se trouve flanquée de bâlimens , dont les
ordonnances vieunent se. réunir au corps principal.
Ailleurs, le bâtiment d’habitation se compose
de quatre corps chacun, avec son péristyle,
et réunis dans le milieu par une coupole. 'D e
grands, portiques conduisent ordinairement à la
maison, et l’architecte s’est étudié à varier les
plans de tous ces accessoires , autant que les façades
et les élévations de son édifice. La plus
grande symétrie règne dans les plans , et toujours
on trouve dans l’aspect du bâtiment, un motif ingénieux
qui naturellement y produit un effet pittoresque.
Ajoutons qu’à toutes ces inventions président
un goût sage, une exécution pure , un choix
de formes et de matériaux heureusement combinés,
sans que jamais la bizarrerie s’y montre.
On n’y voit ni frontons rompus, ni ressauts inutiles,
ni formes contournées , ni détails découpés
; toujours la ligne droite ou la courbe régulière;
lieu de mixtiligne dans les plans; point
d’ondulation dans l’élévation, point d’entabiemens
brisés ou chantournés.
Disons-le enfin , telle fut l’abondance des inventions
de Palladio9 en ce genre, et telle la
multitude des entreprises offertes à son génie, ou
auxquelles son génie donna lieu, qu’on peut affir-
mer qu’il est peu de bâlimens exécutés depuis lui
en divers pays, qui ne lui aient payé un tribut d’i-
mitalion. Une opinion généralement répandue le
confirme. C’est du Palladio } dit-on , quand on
veut louer , en fait de maison de ville ou de campagne,
l’ouvrage d’un architecte moderne.
Le nom de Palladio 3 déjà connu dans toute
l’Italie, avoit aussi, depuis quelque temps, retenti
à Venise. 11 venoit de construire près de
celle capitale , sur les rives de la Brenta, le beau
palais Foscafi, si remarquable par la simplicité de
sa masse , la belle proportion et la noblesse de son
péristyle en colonnes ioniques. Sansovino, âgé
de quatre-vingts ans, touchoit au terme de sa
longue vie : il fut des premiers à proclamer P a lladio
pour son successeur, et il lui céda le sceptre
de Fart.
Le premier ouvrage de c e lui-c i, à Venise, fut
le monastère des chanoines de Saiut-Jeau-de-
Lalran de lu Charité. Nourri de toutes Les idées
fle l’antiquité, Palladio forma le projet de réaliser
dans la conception de son édifice , le plan
donné par Vitrrwe de la Maison des Romains. Sur
ce programme , il Gontruisit, à l’entrée,, un bel
atrium corinthien , conduisant à une cour environnée
de portiques, q u i, par toutes ses dépendances,
se rattachoit aux bâlimens d’habitation ,
à l’église et aux sallés de services nécessaires.
Déjà beaucoup de ces constructions étoienl achevées
, lorsqu’un incendie vint en détruire la plus
grande par lie. De tout cet ensemble ,,il n’est resté
qu’un côté de la grande cour , une des salles et
l’escalier en limaçon.
Dans le même temps on con s truis it, sur ses
dessins, le.beau réfectoire de Sainl-George-Ma- '
jeur. Les religieuxj enchantés du style pur et gracieux
dè Palladio3 résolurent d’abattre leur ancienne
église, en le chargeant d’en construire une
nouvelle. C’ëst un des principaux ouvrages de
notre architecte , et il y fit preuve d’autant de'
goût que de jugement, dans la manière d’adapter
les maximes , les formes et les proportions deTar-
chitecturé antique, aux données, aux besoins et
aux habitudes des Modernes, dans les églises chrétiennes,
si différentes en tout clés temples payens.
C’est ici que se montre bien à découvert cet
esprit dans lequel nous avons déjà dit que Palladio
sut imiter les Anciens , non pas en se plaçant
dans leur siècle, mars en supposant ce qu’ils fe-
roient eux-mêmes s i , revenant au monde, ils se
f louvoient dans le sien. Le système des Anciens
dans la composition de leurs nionumens, e t , pour
mieux dire, dans le développement qu’ils donnèrent
à leur architecture, fut d’asseoir la forme extérieure
de chaque genre d’édifice sur une raison
élémentaire, puisée dans la nature des choses ,
c’est-à-dire, la nature des usages consacrés par
le besoin. Ce fut ainsi qu’à partir des premiers types
qui servirent de rudimens aux parties constituantes
de leurs ordonnance^ , ils se réglèrent progressivement
dans le caractère de chaque monument,
sur la forme primitive que la nécessité
et les convenances' qui en procèdent, lui avoient
imprimée 1
Palladio fit de même. II ne trouva plus de rapport
naturel entre lu forme du temple payen et
celle de l’église chrétienne. Au lieu de faire violence
aux usages, aux dimensions, aux constructions
aux opinions reçues , il partit du type des
basiliques chrétiennes, comme d’une donnée à laquelle
Fart de la disposition et de la décoration se
ciêvoit conformer.- L’usage étant d’élever très-
haut la nef principale de l’église en lui subordonnant
les nefs collatérales des bas côtés, il conserva
cette division dans le frontispice de Sainl-
se trouve coupé par le grand ordre , et dont 1 architecture
Geé rge-Majeur. Son portail se compose donc
d’un grand ordre , exhaussé sur des. piédestaux,
et portant un fronton qui arrive au sommet du
tou de la grande nef. 11 suppose ensuite que les
bas côtésauroient reçu un fronton commun, qui
a conservé seulement les parties rampantes
avec l ’entablement, que soutient un ordre
de pilastres , de la moitié moins hauts que les colonnes
du milieu. Ainsi se trouve accusée et laissée
à découvert la disposition du corps de la construction
de l’église ; ef ce parti, qui n’est pas sans objection
sv l’on veut y appliquer la mesure d’une
critique absolue , paroîlra toujours plus raisonnable
, que ces devantures de portail cnn , ne tenant
en aucune manière au système de la bâtisse , ne
. semblent être que des placages et des liors-d oeuvre
postiches. .
L’intérieur de l’église de Saint-George-Majeur
1 forme une croix latine, dont les quatre nefs sont
réunies par une coupole. On y trouve, partout un
caractère sage , une exécution précieuse, et un
style de détails simples, nobles et bien ordonnés.
Le choeur, qui semble avoir été une addition au
plan primitif, offre une imitation si exacte de
l’antique dans l’ordonnance des fenêtres , qu’on
croît y reconnoître la disposition des niches du
temple vulgairement appelé temple de Diane , à
Nîmes , que Palladio avoit vu , dessiné et mesuré
avec les autres antiquités de cette ville.
Il suivit de même système de façade dans le
frontispice qu’il fut chargé de faire à 1 eglise oe
San-Fiancesco délia V'igna, ouvrage de Sansovino,
qui lui avoit destiné un autre pprlail. Mais le
projet de Palladio eut la préférence. C’est encore
un grand ordre corinthien, placé eh avant et jusqu’à
la hauteur de la grande nef, et coupant Feu-
tablement d’un petit ordre adapté aux bas côtés ,
qui sont indiqués par une portion de la pente de
leur toit.
Le Sénat chargea Palladio de la construction
de l’église du Rédempteur, monument élevé en
actions de grâce de la cessation de la peste, qui
fit les plus grands ravages en 15^6. Ou admire la
simplicité du plan intérieur, la noblesse de son
ordonnance corinthienne, et 1 heureuse disposition
des chapelles latérales qui occupent la place
des bas côléset en tiennent lieu , jusqu’à un certain
point, par l’effet d’un passage .qui conduit d’une
chapelle à l’autre. Palladio fut encore fidèle au
parti de décoration qu’il avoit adopté dans les
frontispices d’église. Toujours portions rampantes
de fronton pour les bas côtés; toujours un
grand ordre, avec fronton, pour la nef : ici toutefois
le fronton s’élève moins haut. 11 y a au-dessus
un ai tique qui va chercher la croupe du toit
de l ’église'. ‘ .
On attribue encore à Palladio d’autres églises
d’une moindre dimension , mais q u i, quand même
elles seroient son ouvrage, ajouteroient peu de
chose à la gloire de leur auteur.
Ces grands travaux n’empêchoient pas le célèbre
artiste vicentiu de travailler pour sa ville,
ou l’on se fai soit un devoir de le charger de tous
les ouvrages importuns. Ainsi, en iobi , on lui