
quoi ils ne seroient pas principes. Les règles sont
nécessairement plus composées ; premièrement,
en tant qu’elles sont dérivées; secondement, en
tant qu’elles se rapportent à plus de variétés.
En tant que simples , les principes qui reposent
sur l'imité ou sur l’universalité, sont immuables,
ils ne peuvent ni se modifier ni s’accommoder à aucune
considération. C’est à eux que tout doit tendre
à se coordonner. Les règles, en tant que
d’une nature composée, sônt souvent variables
dans leurs détails. Les besoins et les convenances
exigent , selon les temps, les lieux, les circonstances,
beaucoup de ces modifications que l’on appelle
ou licences, ou exceptions.
Enfin, les principes sont en petit nombre, et
l ’on n’en sauroit découvrir de nouveaux. Les règles,
au contraire, sont nombreuses ; et comme il
se trouve des principes extrêmement féconds en
applications, et comme il en est qui sont l’ex-
prçssion spuvent très-conçise d’une multitude
d’aperçus et de rapports très-déliés , et qu’en ce
genre, comme dans tout ce qui est de l’esprit et
de l’inrelligencè , il n’y a point d’espace qui ne
soit illimité j il se peut toujours qtt’un aperçu
nouveau, contenu dans une vérité fondamentale,
donné lieu à quelque règle nouvelle.
Il résulte de c e c i, qu’il doit y avoir diverses
classes de règles, lesquelles seront plus ou moins
impérieuses ^ selon qu’elles émaneront d’un principe
plus ou moins important, ou qu’elles en seront
les conséquences plus ou moins directes; car
il arrive souvent qu’on prendipour règle obligatoire,
celle qui n’est que la dérivation d’une autre
règle : et l ’on a vu encore que la confusion des
idées en ce genre , a transformé en règle , ce qui
n’étoit que l ’exception à la règle. De-ià les abus
( voyez Abus). Enfin, des abus même on a fait
■ dériver de nouvelles règles.
En appliquant les élémens de cette théorie à
Tar'chïtecture, il nous semble qu’on peut classer
en quatre catégories , ce qu’on appelle les règles
de cet àrt.
Il y a des règles qui reposent sur les principes
de la raison et d e là nature même des choses. .
Il y a des règles qui reposent sur les principes
de hos-sensalions et de la nature de notre ame.
Il y a des règles qui n’ont pour base que le
< principe de l ’usage et l ’autorité des exemples.
Il y a des règles qui ne dérivent que de la
routine et des préjugés.
A la première classe correspondent ces sortes
de règles, qu’on : trouve établies partout. Telles
sont celles, par exemple, de la solidité , de l ’unité
, de la simplicité , et qui ont pour base le
besoin et l’utilité. La raison seule et la nature des
choses empêchent de méconnoître ces règles. Ce,
sont elles qui forment le code pratique de la
construction, qui apprennent à proportionner
les masses d’un édifice, et la pesanteur de ces
masses à leurs points d’appui; qui apprennent à
mettre en proportion les pleins et les vides mq
enseignent, dans l’emploi des matériaux, la manière
de les conformer au dessin général., quj[
enseignent les rapports de distance >, de hauteur
et d’étendue des objets entr’eux ; qui fixent, par
des calculs certains,le point jusqu’où la hardiesse
peut aller, sans offenser la solidité; qui déterminent
les proportions dépendantes de l’équilibre
et de la pondération , de la résistance des corps t
des forces et des poussées. Toutes ces règles sont
des résultats, tantôt de l’expérience, qui supplée
au calcul, tantôt du calcul fondé sur les lois de
la physique et de la mécanique, et qui dispensent
des leçons de l ’expérience.
Tel « s t, en effet, l ’avantage de ces règles,
qu’elles vous font jouir des fruits accumulés de la,
science dés siècles, quelles abrègent le travail de
l’artiste, et le mettent à même d’opérer à coup
sûr par des procédés infaillibles. Aussi ces sortes
de règles trouvent peu de contradicteurs en elles-
mêmes, personne n’en conteste l’utilité. Comme
elles peuvent toujours se ramener à des démonstrations
mathématiques , il n’y a , à leur égard , de
controverse, que sur le plus on lè moins , parce
que les objets auxquels on les applique , n étant
pas toujours les mêmes, peuvent empêçhçr les
applications d’être d’une rigoureuse uniformité.
Il est dans la natûre de la secondé classé de
règles , d’éprouver beaucoup plus de contradictions.
Ce sont cê.lles , avons-nous d it, qui reposent
sur les principes de nos sensations et de la
nature de notre ame.
O r , ce sont les règles de sentiment et de goût.
-, On voit tout de suite comment et pourquoi ces
; règles sont exposées à plus dé controversé. Ce
n’est pas qu’elles reposent sur une base moins
certaine; mais c ’est que cette certitude est morale
, e t, comme telle, n’â point le genre d’évidence
matérielle qui frappe les sens.
Cependant les vérités morales ne sont pas
j moins vraies que les vérités physiques. Elles-veu-
! lent seulement être jugées par les organes auxquels
elles sont forcées de s’adresser. S’il y a ,
dans les rapports matériels des règles de solidité,
une vérité qui frappe les sens de tous les hommes,
parce qu’elles reposenlsur la nécessité dès causes
sensibles , il y a., dans les rapports intellectuels
des règles de sentiment, une sorte de vérité,
dont tous les hommes sont également frappés,
puisque les hommes sont forcés par une organisation
morale commune à tous , d’éprouver les
mêmes sensations et de recevoir les mêmes impressions
, des qualités dont l ’esprit est juge.
Aussi voyons-nous les ouvrages qui sont doues
de ces qualités, en possession de produire en
| tout temps et en tout pays, les mêmes impressions-
Et dans le fait, les lois morales de l’intelligence
sont aussi immuables que. les lois physiques de
l’équilibre; les facultés, de notre ame pour apprécier
le beau et le vrai moral, n’ont, rien
moins fixe que les propriétés des organes pliysi-
aes pour juger des* mesures et des nombres.
ïÆaisVil arrive que , par une erreur du jugp-
ïnent, çn porte au discernement des règles de
sentiment et d é g o û t, le genre et la | mesure de
critique purement rationnelle, qui ne reconnoît
pour constant que ce qu’on a pesé , .mesuré ou
calculé, il résultera de cette méprise, ce que
nous voyons en résulter souvent, savoir , que l’on
niera l'existence de toute vérité qui ne sera point
une vérité physique; ^ ,
Toutefois cela n’empêchera pas cette vérité
d’exister. L’aveugle qui nie la lumière, prouve
seulement qu’il n’a pas d’yeux, llyâ de même des
hommes qui n’ont point la propriété de reçonnoî-
tre les vérités morales. Mais il y a toujours eu un
commun consentement des hommes, qui se sont
accordés à reconnoître pour vrai et pour beau, ce
que quelques aveugles méconnoisseut.
Il y a donc toujours eu , il y aura toujours des
règles certaines et invariables de sentiment et de
goût, fondées sur la nature de notre ame. Ce sont
celles qui enseignent à observer c’esjustçs rapports
de symétrie et d’eurythmie, dont l’effet est de produire
un tout harmonieux à l’oeil, comme les règles
désaccords en musique,'produisent,un ensemble
de sons agréables à l’oreille. Çé sont pelles qui enseignent
à faire d’un édifice , un ouvrage ; dont
toutes les parties, à ,1’instar des membres d’un
corps organisé, correspondent au tout, dans uu
tel ordre , et avec une telle mesure , que le tout
puisse, indiquer la dimension de sa partie , et la
plus petite partie la dimension de son ensemble. -
Ces règles qu’on appelle règles de proportion,
ayant leur base dans l’imitation même des oeuvres
de la nature, ne peuvent pas être contes fées,
puisquô celui qui-les contesteroit, roécoimoî-
troit le principe meme du plaisir que nous recé-
vons des harmonies de la nature.
On en doit dire autant de toutes les règles de
l’architecture, qui, puisées a la source des impressions
que nous recevons des'productions naturelles,
ne sont autre chose qu’une transposition
des mêmes effets-, appliquée aux productions de
l’art. Telles sont les règles de l’unité, que la nature
a observées constamment dans ses oeuvres.
La nature a constitué uotre esprit, ou du moins
les facultés qu’elle nous a données de percevoir,
de sentir et de juge r , d’une telle manière , que
nous avons besoin , pour recevoir d’un objet des
impressions agréables, que cet objet se présente
à nous sous des rapports simples, qui en rendent
la perception facile. Il est clair dès-lors que
toute règle qui tendra au principe de l’unité,
Cest-à,-dire, à faire qu’un lien commun unisse
toutes les parties , et lés ramène à uu centre, sera
une règle aussi certaine dans son genre , que
celles dont le sens physique est juge. Il n’y a-
personne qui ne soit forcé d’avouer que'la mul-
lipllcité qui produit la confusion , est un obsr
tacle au plaisir que les rapports des objets
peuvent nous causer. Ainsi , les règles d’unité
dans la composition d’un plan, les règles d’unité
dans l’ordonnance de son élévation, les règles
d’unité dans les détails de sa décoration , n’ont
rien d’arbitraire. La nature ayant tracé ces règles
dans tout l’ensemble , et dans chacune des
parties de ses ouvrages, ce n’est point l’homme
qui les a faites , ce n’est point l’artiste qui les a
imaginées ; il les a reconnues , et les a transportées
dans les productions de son génie.
Il en est de même des règles de caractère. Qui
ne sait que la nature a imprimé à chaque sorte
d’objet, à chaque espèce de production, une
manière d'être , une physionomie constamment
la même, qui les fait reconnoître sans incertitude:,
et qui est elle-même une indication évi-
dénte de ses qualités ou de ses propriétés? L’homme
ne peut guère s’empêcher d’obéir à celte sorte
de, loi. instinctive , dans la conformation d’une
multitude d’ouvrages q u i, commandés par un besoin
, eh reçoivent aussi l’obligation, de faire con-
noîtrelè genre de besoin auquel ils sont destinés.
Inutile de rappeler ici l’observance de cette lo i ,
daîis tous les ustensiles, dans tous les meubles
formés pour les besoins de la vie , à moins qu’un
caprice ne vienne détourner leur configuration
du typé qui ést leur règle.
Nécessairement donc il y a une règle de sentiment
et de goût, dictée par la nature', qui prescrit
à chaque genre d’édifice le caractère qu’il
doit porter, pour répondre au besoin qui fait sa
destination. En s’imposant celte règle , l’art n’a
fait qu’imiter la nature dans ses oeuvres, et imiter
aussi les autres ouvrages, que l’industrie jour-
nalière façonne d’après les-inspirations de l'instinct.
O r , cet instinct universel est une loi de
la nature. On ne sauroit donc regarder comme
arbitraires des règles, qui ont leur base dans l’insr»
tinct , c ’est-à-dire, dans la nature même de
l’homme; et c ’est ne rien objecter contre elles,
que d y opposer l’autorité des infractions qu’elles
peuvent recevoir; car il n y auroit aucune loi de
morale, de justice ou de sagesse qu’on ne pût
ainsi détruire, sous prétexte qu’il y a des hommes
ou des actes immoraux , injustes ou insensés."
Il y a une autre loi de la nature, que l ’architecture
s’est appropriée, et dont elle a fait une
règle , c ’est celle qui veut que dans ses oeuvres,
comme dans celles du grand modèle dont elle
imite Tes piùt, l’agréable procède toujours de
Tulile. Si Ta nature , dans sa sagesse , a joint un
plaisir à la satisfaction de chaque besoin, l ’architecture
s’est fait également la loi, de faire servir
les détails de la construction qu des parties
nécessaires, à devenir tout à la fois des objets
d’agrément. Ainsi elle veut que tous les orne-
mens, procédant plus ou moins directement d’un
principe d’ntililé , indiquent leur origine ,
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