
et qui fut en état de faire les frais de sa restau-
T a l io n .
Vasari hqus dit encore qu’ un charmant ouvrage
attribué à Jules R omain. passoit auprès de
quelques-uns, pour erre de la composition de
Raphaël. Il s’agit du petit palais Aiberini ( in
Banchi) , dont on voit la façade, n° 40 de la collection
des palais de Rome. Rien de plus inutile à
discuter que le choix de l’un ou de l ’autre des
deux auteurs de ce palais; d’abord, parce que
tout renseignement historique manque à cet
égard , ensuite parce que Jules Romain et Raphaël
avant eu le même stylé, il y a encore bien
plus de difficultés à discerner des différences de
manière eii architecture qu’en peinture. Ce qu’il
faut dire, c’est qu’on peut donner en ce genre,
indistinctement à l ’un ou à l’autre, l’exécution de
ces charmantes maisons, qui, comme on l’a vu
à [ article de P e r u z z i , semblent être des ouvrages
échappés à la destruction de l’antique Rame.
T e l est le petit pafeis Cenci ( alla Dogana ),
n° 04 de la même collection, qui joint à l’habitation
de luxe dans son ordonnance supérieure,
l ’ulililé d’une maison de commerce, par les quatre
boutiques qui s’ouvrent dans le soubassement
rustique , et accompagnent, au nombre de deux
de chaqtie côté , la grande porte d’entréë, que couronne
un fronton-avec bossages. Les cinq croisées
dont se compose la façade, sont séparées par de
larges trumeaux ornés de pilastres doriques accouplés
, et les fenêtres ont des chambrafdes sur-*
montés de frontons alternativement angulaires et
circulaires. La même distribution règne dans l’é-^
tage supérieur, et de simples montaus sans base
et sans chapiteau, encadrent les fenêtres de cet
étage.
Avec plus de goût et d’élégance-encore , se
présente, dans le même genre d’ordonnance, le
palais Alberini, dont on a parlé plus haut. Ici
cinq arcades, dont celle du milieu forme la porte
d’entrée, composent le soubassement, où l’on
voit des compaiiinaens de refends et de bossages
dis? ribués et exécutés avec tout l’art qu’il est
possible d’y appliquer; les cintres dès quatre
autres arcades dessinent l’emplacement de quatre
boutiques, chacune avec l’espèce d’entresol qui
lui appartient. Au-dessus d’ uiip corniche ornée
s'élève l’étage principal avec cinq fenêtres, dont
les chambranles reçoivent un encadrement; un
ordre de pilastres isolés remplit les trumeaux.
L ’étage attique qui règne au-dessus, offre les mê<-
mes compartimens et encadremeas , et le tout est
couronné par un fort bel entablement.
On voit encore à la Lnngara et sur le Jàuicule
un joli casin bâti par Jules Romain , pour monseigneur
Balthazar Turini da Pescia^ qu’oa appela
depuis la Villa Jante} possédée par le marquis
de ce nom. On peut encore y voiries restes
de toutes les inventions que le génie de Jules
Romain y prodigua. 11 paraît que ces diverses
constructions l’occupèrent pendant les années qu’il
passa à Rome, après la mort de Raphaël, lorsque
, devenu l’héritier d’une partie de la fortune
de son maître, et de ses entreprises , il rachevoit
au Vatican la décoration de la grande salle de
Constantin, et la célèbre bataille dont Raphaël
n’avoit laissé que la.composition.
Jules Romainj placé au second rang du vivant
de son maître, devint, sans aucune contestation ,
après lu i, le premier de l’école, autant dans l’art
de la peinture, que par l’espèce d’universalité de
taleas et de ccnnoissances qu’il possédoit. Il avoit
hérité aussi de l’amitié de quelques-uns de ces
littérateurs célébrés, que Raphaël avoit eu pour
amis plus que pour protecteurs. De ce nombre
étoit Balthazar Castiglione, chargé alors auprès
du pape Clément V il , des affaires du duc de
Mantoue Frédéric Gonzaga, amateur éclairé des
arts, et qui cherchoit depuis long-temps à réaliser
les grands projets, d’enibellissemens par lesquels
il devoit illustrer son nom et sa ville. Castiglione
ne pouvoit mieux servir sa louable ambition
, qu’en lui procurant un géuie qui fût à
son niveau. Rappelé à.Mantoue pour aller de-là,
en qualité de nonce apostolique, en Espagne, il
eng aoea Jules Romain à le suivre: il le présenta
au marquis Gonzaga, qui, par des bienfaits, etpar
tout ce qui peut flatter un artiste célèbre , parvint
a.se l’attacher, et le détermina à se fixer près de
sa. personne.
Après lui avoir donné son entière confiance,
avec le titre de préfet des eaux et surintendant des
bâtimens, il le chargea de la direction de tous les
ouvrages d’art qui dévoient embellir sa ville. Ce
fut alors que Jules Romain , secondé par deux de
ses, élèves, qu’il avoit amenés de Rome, l’un desquels
étoit Benedetto Pagni da Pescia , rétablit
et changea presqu’entièremeul la ville de.Mantoue,
la défendit par des digues et par des dispositions
savantes, contre les fréquentes inondations du Pa
et du Mincio. I f assainit les quartiers bas , en desséchant
les marais et en donnant de l’écoulement
aux eaux stagnantes. Il rétablit et décora plusieurs
édifices anciens ; il en éleva de nouveaux,
et faisant preuve d’habileté dans tous les genres,
il sut, par des fêtés et des divertis$emens ingénieux
et de bon goût, mériter les éloges de
l’empereur Charles-Quint, lorsqu’en i 5ao ce
souverain vint à Mantoue , et que, pour recon-
noîtj-e les honneurs-signalés que lui rendit Gonzaga,
il érigea en duché le marquisat de Mautoue.
Il est probable qu’à l’époque de ce passage de
Charles-Quint dans cette v ille , Jules Romain
avoit déjà fort avancé le palais qu’on appelle du
T E , et qui fut l’ouvrage le plus mémorable de
cet artiste, en fait d’architecture,
Le nom de T E , que l’on a donné à ce palais,
ne vint pas, comme plusieurs l’ont dit et répété,
de la forme de son plan qni , selon; eux , seroit
celle de la lettre T. Le pian de l’édifice dément
^ ..v; ■ , 'déjà
déjà celle opinion. 11 -paroit, et c’est ropi'nioii
d’historiens dignes de confiance, que le mot TE
fut une abréviation , ou, si l’on veut, une mutilation
de tajetto ou tejetto, qui signifie coupure
ou passage fait pour l’écoulement des eaux, et
que cette dénomination locale , appliquée au terrain
sur lequel le palais fut bâti,, lui aura, dans
le langage vulgaire , communiqué son nom.
Il y avoir autrefois sur ce terrain, et au mil te u
d’une vaste prairie, un bâtiment assez rustique,
servant d’écurie pour les chevaux du prince. L’agrément
de la position lui avoit fait desirer d’y
avoir h ne habitation de peu d’importance, et Jules
Romain , en peu de mois , y éleva à peu de
frais et en briques, une construction agréable et.
légère. Cela donna naissance a u grand palais,
dont nous allons faire une description abrégée.
Le corps principal du palais forme en plan un
carré.parfait , dont chaque face a près de 180
pieds de longueur en dehors. L ’intérieur de la
cour est de même un grand quadrangle de 120
pieds environ. Il y a deux entrées : la principale
est une grande porte cintrée en bossages, qui
donne accès dans un vestibule orné dé colonnes.
L’autre entrée latérale se conjpose de trois arcades
également formées de bossages.
L’élévation de ce palais , tant au dehors qu’au
dedans de la cou r, consiste dans un ordre dorique
qui, élevé sur un stylobate, décore , avec
une fort grande régularité , les trumeaux d’un
rang de croisées à rez-de-chaussée et d’un rang
supérieur de fenêtres plus petites. Seulement aux
.angles , lès pilastres sont accouplés. Les bossages
ont été employés, dans cette construction, avec
beaucoup d’intelligence et de goût ; ils passent
derrière les pilastres et vont d’une croisée à l ’autre
formant leurs bandeaux. Ces croisées (du
moins celles de l’étage inférieur) sont surmontées
par des claveaux saiilans en bossagès. Cet étage
est séparé du supérieur par un bandeau orné de
postes. Toute la masse est, dans son étendue,
couronnée d’un bel entablement dorique , avec
tfigly phes et métopes , avec ornemens et mu iules.
Rien de plus sage et de plus régulier.
Du grand Cortile } dont l’ordonnance est la
meme, excepté qu’au lieu de pilastres , ce sont
des colonnes engagées , on passe dans un superbe
vestibule ( que les Italiens appellent loggia) qui
s ouvre sur le jardin. La façade de-cette loge,
de ce côté , offre un péristyle de douze colonnés,
dont huit, celles du milieu,, font deux groupes,
de ,cIuatre. Là aboutit un pont, qui sépare deux
pièces d’eau. Au-delà est le parterre, bordé d’un
cote et de l’autre par des bâtimens d’utilité, et
terminé par une grande partie circulaire en forme
de théâtre divisé par des espaces qui figurent
des niches. Le tout a 55o pieds de longueur.
L intérieur du palais du TE seroit l’objet d’une
immense description, dans tout ouvrage qui auroit
pour but, de faire connoître quel parti un grand
Diction, d’Arçhit, Tome III.
peintre peut tirer de son a r t , pour l’embellissement
des édifices. Celui-ci doit être cité comme
un modèle unique dans l’architecture moderne.
Aucun autre n’a reçu en aucun temps l’avantage
d’avoir été construit et peint par le même artiste,
en sorte qu’il eut ce mérite, que la construction
et la décoration étant l ’émanation d’un même génie,
on ne sauroit dire si ce fut l ’architecture
qui commanda à la peinture , ou la peinture à l’architecture
, tant il semble - que le tout est né simultanément.
• Nous ne ferons que parcourir rapidement celle
.suite d’inventions décoratives dont Jules Romain
fut l’auteur.
La grande loge dont on a parlé, fait admirer sa
voûte peinte à fresque par compartimens de cinq
lunettes, où est représentée l ’histoire de David.
On passe, à main droite, dans une salle dont
le principal ornement se compose d’une frise à
deux rangs l ’un sur l’autre , travaillée en stuc
sur les dessins de Jules Romainy par le Primat-
lice et par Jean-Baptiste Mantouan. C’est une
suite de figures qui présentent une imitation de
celles de la colonne Trajane. On seroit tenté de
croire qu’on ne s’y est proposé aucun sujet déteiv
miné, ni surtout applicable aux temps modernes,
quoique quelques-uns prétendent que l’intention
fut de représenter avec le style de l’antique , le
triomphe de l’empereur Sigismond. On y voit e f fectivement
le personnage qui paroît être l’empereur
, suivi d’un écuyer portant un bouclier suc
lequel est un aigle à deux (êtes couronnées. Ce
sont toutes scènes de batailles, de marches, de
campemens , avec toute la vérité des costumes ro?
mains. Rien toutefois n’oflfe de copie formelle
d’après l’antique. On voit que Jules Romain sa-r
voit son antiquité par coeur , et son crayon s’est
plu à improviser d’imagination et à redire à sa
manière ce que les monumens de Rome lui avoient
appris. Qui ne le sauroit, croiroit que cette
grande composition est un ouvrage de l’ancienne
Rome , tant y est grande la fidélité des costumes ,
tant l’art du sculpteur a su aussi se modèler sur
le goût d’exécution qui caractérise le bas-relief
antique. Les stucs cpn ornent la voûte de cette
salle participent de la même habileté et du même
goût. •
La pièce d’après est celle dont la voûte est ornée
d’un grand tableau peint par Primalice , sur
les dessins de Jules Romain, qui l’a décorée encore
dans six autres compartimens de figures
peintes par lui-même.
La dernière pièce de ce côté est la plus célèbre
de toutes, par l’invention extraordinaire de sa décoration.
De quelle forme est cette pièce , c ’est
ce que l’oeil ne sauroit apprendre , tant la peinture,
en s’emparant de toutes les superficies, a
réussi à faire disparoître les lignes qui en déter-
minoient la figure. Aussi quelques-uns ont-ils cru
quelle formoit un; cercle, quand elle n’est qu’un