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TERRAIN. Voyez T errein.
TERRASSE, s. f. On fait signifier à ce mot
deux choses, qui se rapprochent entr’elles par une
idée commune , ruais que séparent deux emplois
fort distincts.
Ainsi terrasse, comme l’indique le mot et sa
formation, est un ouvrage de terre, soit que la nature,
selon les diversités des sites, en ait fourni
elle- même à l'architecture ou au jardinage la formation
primitive, soit que l’art soit parvenu, par
des terres rapportées et accumulées, à en produire
la masse et l’élévation {voyez T erre-p le in ) , et
terrasse est le nom qu’on donne à toute couverture
- d’un bâtiment qui est en plate-forme.
T errasse ( comme ouvrage ois*élévation en
terre'). L’ouvrage qu’on appelle ainsi, se pratique
soit pour l’utilité, soit pour l’agrément. Comme
objet utile, c’est particulièrement aux fortifications
des places de guerre qu’on l’applique.
C’est à de pareils travaux que sont dus ces remparts
existans encore dans beaucoup de villes, et
qui, devenus inutiles, depuis que le système
d’attaque et de défense a changé, ont été convertis
en promenades plantées d’arbres. On tiroit ordinairement
les terres qui devqient produire, ces
élévations, des fossés que l’on creusoit en dehors
des murailles, et qui éloient ensuite remplis
d’eau. Mais ces sortes d’ouvrages ne sont point du
ressort de ce Dictionnaire. —
La terrasse y à quelqu’usage qu’pu l’emploie,
entre toutefois dans les attributions de l’art de bâtir,
lorsqu’il est nécessaire de soutenir par des
épaulemens de construction, les amas de terre
qu’on élève à quelque hauteur que ce soit.
Nous trouvons que dans l’antiquité on employa
ainsi les terrasses à former de très-vastes monument.
L’usage des tombeaux donna naissance à
ces grands ouvrages. On sait assez que dans beaucoup
de pays anciens, et surtout en Grèce, ce que
nous appelons tombeau , tumulus y ne fut, pendant
très-long-temps, qu’une butte naturelle ou
une élévation artificielle de terre, qu’on surtnon-
toit de colonnes ou de cippes, et dont on entouroit
la base par une construction. Pausanias (/. 2. ch.
ag) nous décrit comme formé de celte sorte, le
tombeau de Phoeas. Lorsque le tumulus a voit peu
d’élévation, on conçoit qu’il n’eut guère besoin
"d’aucune autre bâtisse , ni d’ouvrage proprement
dit en terrasse. Mais l’histoire ancienne, mais des
descriptions, et des restes encore existans, noos
apprennent qu’il y eut d’immenses tumuli, amas
considérables de terre , qui ne peuvent être expliquées
que par l’emploi de ce que nous appelons
des terrasses. Tel étoit d’abord (nous dit Hérodote)
en Lydie, l’antique monument sépulcral du roi
Alyates, père de Crésus. Son soubassement étoit
en grosses pierres; le reste, ajoute l ’historien, est
un amas de terre. Son circuit par en bas étoit de
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cinq cent quatre-vingt-dix-huit toises : les âbox
petits côtés dévoient avoir chacun quatre-vingt
quatorze toises. Aussi l ’écrivain grec dit-il (m>>
l’exception des monnaie ns de l’Egypte et de Babv.
lone, c’éloit un ouvrage de beaucoup supérieur à
tout ce qu’on admiroit ailleurs.
Cependant il reste à concevoir, comment Hé.
rodote auroit pu vanter à ce point un ouvrage qui
hors son soubassement, partie toujours accessoire
et insignifiante d’un monument, n’auroit été
qu’une montagne artificielle, si cette élévation
n’eût consisté qu’en levées de terre.
Un autre monument antique postérieur, décrit
avec plus de détail par Strabon, et dont il subsiste
des restes et des traditions, le mausolée
d’Auguste à Rome , étoit aussi une énorme levée
artificielle de terre, comme le site le démontre,et
ayant des plantations d’arbres verts; jusqu’à sou
sommet, qui se terminait par la statue .colossale
en bronze de l’empereur. Or, il n’est pas permis
de croire que la magnificence du mausolée d’Auguste,
qu’on plaça an nombre des merveilles du
Monde , se serait bornée à notre qu’un monticule
de terre rapportée, sur les pentes duquel il y
auroit eu des arbres. Aussi , d’après l’indication du
Strabon, et celle des vestiges encore existans,
n’a-t-on pas hésité de le restituer, il ÿ a déjà
long-temps, comme formé de terrasses circulaires
solidement construites, en retraite les unes au-
dessus des antres. Dans le soi de ces terrasseA
éloient plantées des rangées de cyprès, qui, d’étage
en étage, arrivoienl et conduisoient jusqu’auI
sommet.
Le tombeau d’Auguste peut donc servir de
commentaire à la notion d’Hérodote sur le monument
d’Alyates. Au lieu de n’être qu’une simple
butte naturelle de terre, ou faite de rapport, elle
aura présenté un composé de terrasses circulant
par étages solidement construits , et s’élevant *
une hauteur, que la dimension de son soubassement
permet de porter à quatre oü cinq ceuts
pieds- |
Tous les critiques qui ont cherché à donner nue
explication plausible, de ce que l’on appelle les
jardins suspendus de Babylooe, sont tombés d’accord,
que pour avoir été ainsi appelés , ces jardins
avoient été, et n’avoient pu être autre chose que
des terrasses ou amas de terre, maintenus par des
épaulemens en constructions, mais élevés sur des
portiques en arcades qui leur donnoient réellement
l’apparence d’être en l’air. Or , on a voit à
Babylone, pour faire de pareils travaux, l’avantage
du mortier de bitume, que l’humidité ne pou-1
voit pas altérer.
La nature , sans doute, a plus ou moins inspire I
l’usage des terrasses pour l’embellissementdes lia- I
bilaiions et des jardins, surtout dans les pap* I
montagneux. Aussi doit-on distinguer eu ce genre
d’ouvrages, ceux dontles inégalités du sol font les I
frais, c|c ceux qui sont les produits de l’art.
*arlout où l’on construit sur des terrains riiori-
iriix, la terrasse devient comme une èbri’e de
bondin0,1 obligée de la disposition eief architecte ,
l si les terrasses simples, ou à plusieurs rampes ,
■ «„lent à l’aspect du bâtiment, :on ne saur oit dire
ussi de quel agrément elles sent pour les belles
vues qu’elles procurent. La ternisse la plus célc^
lijre (juon puisse citer aux environs de Paris, est
relie de Saint-Germain-en-Laye, aussi remarqù.a-
1,1e par sa longueur et sa situation, que par là
I „rande étendue de pays qui de ce point s’ofire à
foeil du spectateur.
I U terrasse devient souvent un ornement pour
les jardins du genre régulier, car pour les autres .,
dont le système et le goût repdussent l’emploi des
lignés droites, il est sensible qu’une terrasse en
construction ne sauroit y trouver place. 11 n’est
pas à supposer cependant que la construction ou
[la maçonnerie soit toujours nécessaire à la formation
d’une terrasse. Quand la nature fournit elle-
nêine des levées d’une terre forte et 'compacte*
[on peut se contenter d’y pratiquer des terrasses en
[talus et en glacis. Souvent encore*on ne revêt de
| pierres, ou de maçonnerie, qu’un seul côté, et
[autre se taille en pente douce, qu’on peut ga-
zonner pour mieux obvier à l’éboùlement des
•terres;
Les tarasses ont lieu dans les jardins, soit suides
terrains plats, pour procurer des aspects plus
variés, soit pour sauver des.inégalités. Dans tous
(les cas on les orne de plants divers d arbres ou
(d’arbustes, de vases, décaissés, de pots de'fleurs
posés sur des dés de pierre. On y élève des statues
qui, alignées et symétriquement rangées,. forment
un coup d’oeil riche et théâtral. Il y a peu de jardins
qui offrent dans leurs terrasses , dans leur disposition
et leur correspondance, un emploi des statues
plus noble et mieux approprié au local, que le
jardin des Tuileries à Paris.
Terrasse {comme couverture en plate-forme ) .
Ce mot (comme on l ’a vu) signifie dans son acception
naturelle et primordiale, une masse de terre
exhaussée, dressée et plane, ordinairement epaulee
par des murs , et d’où la vue domine sur les objets
environnuns. Seroit-ce de quelques-unes de ces propriétés
moins d’agrémens on d’inconvénîens, selon aussi
une multitude de besoins qui dépendent des causes
naturelles, et enfin selon les matériaux et les
moyens que rencontre et met en oeuvre l’art de
baTrr.
Ainsi voyons-nous que de nos jours encore,
certains pays, comme ils le firent dès la plus
haute antiquité, n’emploient d’autre forme de
couverture que celle de la terrasse3 au sommet de
leurs habitations. La Bible est pleine de citations
qui déposent de cet usage chez les Hébreux. Dans
le Deutéronome , ch. 22, v. 8, un article recommande
qu’on auroit transporté ce mot en italien,
comme en français , à cette espèce de couverture
des édifices, qui, au lieu de toiture, présenté
à leur sommet une superficie plane, dressée et sup-
j portée par les murs?
Telle est, au reste, la définition des couvertures
en terrasse, ou plate-forme , qui surmontent
universellement les édifices dans certains pays, et
*ont encore plus ou moins usitées dans quelques
autres.
. Nul doute que les diverses températures et les
| influences variées des climats n’aient décidé dans
j chaque pays, du mode de couverture à donner
aux bâiimeris, et à préférer, selon le plus ou le
expressément d’établir sur la couverture
de sa maison, et tout à l’entour , un parapet, de
peur de se rendre coupable de la mort de celui
qui viendroit à se précipiter en bas, faute de
celle précaution. Selon les relations des voyageurs
modernes, et d’après les dessins qu’ils nous ont
fait voir des maisons actuelles de la Judée, tous les
édifices se terminent aujourd’hui par des terrasses.
Tel doit avoir été, si l’on en croit les pratiques
encore usitées, l’usage universel de tout 1 Orient.
Ce qu’on sait, du climat de l’Egypte , où les
pluies sont extrêmement rares, et les neiges inconnues
ainsi que les glaces , suffi roit pour nous
faire penser qu’on ne dut y connoître que les couvertures
en terrasse y si le manque de bois qu’a
toujours éprouvé ce pays n’en étoit une preuve
nouvelle, et si les restes nombreux de ses édifices
ainsi que le caractère éminemment significatif a
cet égard, de son architecture, n étoit la démonstration
irrécusable de L’usage des plates-formes, an
lieu de toitures, dans tous les édifices. Au milieu
du nombre infini de restes de l’architecture égyptienne
dans tous les pays où elle s’est propagée,
on n’a pas encore découvert la forme d’un fronton,,
signe caractéristique de la toiture en charpente.
Nous avons rendu compte à l’article de
cette architecture {voyez'E gyptienne (architecture),
de là manière uniforme dont étoienl couverts
tous les édifices, les temples, leurs portiques,
les galeries, le.s intérieurs de tout genre, si
toutefois on peut donner le nom d’intérieur , à ce
qui ne pouvoit être couvert que par des dalles de
pierre, posant d’un mur à un mur, ou d’une cn-
! Ion.ne à une colonne. N’ayant connu ni l’emploi
‘ des longues poutres dans leurs constructions, ni la
pratique des voûtes, les Egyptiens furent obligés
de multiplier singulièrement les mêmes masses à
la suite les unes des autres , et surtout les colonnes ,
dans leurs grandes salles polystyles, parce qu ils
n’avoient, pour lès couvrir en plafond, que des
pierres d’une mesure donnée. Voilà pourquoi
tout est en terrasse dans leurs monumens. Or,
ce que nous remarquons, comme un effet nécessaire
de leur système et de leurs moyens de bâtir,
Hérodote l’a.voit remarqué, et il nous la dépeint
avec beaucoup de justesse , dans sa descriptiou du
Labyrinthe , lorsque, se plaçant sur une hauteur ,
d’où l’on apercevoit à vol d’oiseau cet ensemble