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lorsque Vitrave lui-même nous raconte expressé-
ruent, quand et par qui cet art de la perspective
linéaire fut inventé ? Selon cet architecte, nécessairement
instruit en cette partie, la pratique de
l i perspective remontoit au siècle d’Eschyle, et
dès cette époque Agatarchus en avoit fait admirer
les effets sur le théâtre d’Athènes. Vinrent ensuite
Anaxagoras et Démocriie , ses deux éièves , qui
rédigèrent ses exemples en préceptes et en publièrent
la théorie. Ainsi il arriva à cet art ce
qu’on à vu arrivera tous les autres : la pratique y
devança la théorie. Le peintre, observateur attent
if de la nature, imita d’abord les objets tels que;
leur position les pésentôit à son oeil. La géométrie
vint ensuite démontrer la nécessité de ces effets
, et la méthode à suivre pour les rendre sans!
avoir besoin du modèle.
La pratique et la science raisonnée de la pers- ■
pective y ont donc une date antérieure à l’époque!
de Périclès, et elles étoient dès ce temps réduites
eu règles. Ce passage de Vitruve mérite d’être
cité en entier.
Namque primàm Agatarchus Athenis, Eschylo
docente tragediam scenam f e c i t e t de eâ com-
mentarium reliquit. E x eo nioniti Dernocntus et
Anaxagoras de eâdem >e scripserunt} quemadmo-
dùm opporteat ad aciem oculorum radiorumque
extensionem y certo loco centro constituto , a d li-
jieas ratione naturali responderey uti de incerlâ rs
certce imagines oedificiorum y in scenarum pic-
turis redderent speciem 3 et quee in directis planis-
que frontibus smt figurata alia abscedentia, alia
pmminentia esse videantur. V i t r ., in Præfat.,
iib. 7.
« Agatarchus fut le premier q ui, lorsqu’Es-
» chyle enseignoit à Athènes l’art de la tragédie ,
» fit un scène , et en rédigea un Traité. D’après
» ses leçons, Dérnocrile et Anaxagoras écrivirent
» sur le même sujet, et ils démontrèrent de quelle
» manière on d o it, selon le point de vue et de
» distance, faire , à l’instar de la nature, corres-
»> pondre toutes les lignes à un point de centre
» terminé, en sorte que , d’après un modèle in-
» certain, on puisse tracer avec certitude sur les
» scènes les ressemblances exactes des édifices ,
» lesquels , quoique peints sur dès surfaces pla-
» nés et droites , présentent des parties qui pa-
» roissent s’éloigner, et d’autres qui semblent
» saillir en avant. >>
La pratique raisonnée de la perspective ne resta
point, chez les Grecs , confinée dans l’enceinte
des th é â tr e s e lle s’introduisit dans les écoles de
peinture , comme aussi nécessaire aux tableaux
qu’aux décorations. Le peintre Pamphile, qui ouvrit
à Sicyone la plus célèbre école de dessin,;
enseignoit publiquement la perspective. Il pré-
tendoit que sansda géométrie, la peinturé ne poü-^
voit rien faire dé parfait. Omnibus litteris erudi-
tus proecipuè àrithmeticoe et geometrioe y sine quitus
negabat artem përfici passé. "
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Ainsi avant Apelles qui fut élève de Pamphile,
avant Protogenes, avant les peintres les plus renommés
de la Grèce, la perspective étoit déjà
enseignée et pratiquée ; comme dans les temps
modernes , on la voit déjà connue et mise en oeuvre,
avant leseizième siècle, dans les compositions
du cimetière de P ise, dans les tableaux de Pe-
rugin , de Masaccio , de Jean Bellin et autres.
Les documens relatifs à l’étude de la perspective
ne sauroient trouver place daDS cet article :
ils dépendent de certaines démonstrations par
figures, qu’il faut aller chercher dans les ouvrages
qui traitent uniquement de cette méthode.
P e r s p e c t iv e f e in t e . On donne ce nom à des
peintures sur mur, qui représentent des décorations
d’architecture , de monumeus, de points
de vue et de paysages, , qu’on place quelquefois
sur des pignons de mur on de clôture , pour en
cacher lu difformité, pour y produire des aspects
lointains.
Ce qu’on nomme ainsi rentre , comme on le
v o it , dans le domaine de ce que l’on appelle architecture
feinte. Nous avons retracé sous celle
dénomination, à laquelle nous renvoyons le lec-.
teur, d’assez nombreux exemples de c e que la peinture
en ce genre peut opérer d’ouvrages recommandables
sous plus d’un rapport. C’est surtout à
Bologne que ce goût de peinture, encouragé pendant
un certain temps , et pratiqué par les hommes
les plus habiles , a produit des modèles d’une'
perfection remarquable , autant pour l’excellence
de la composition , que pour le charme de l’exécution
et de l ’illusion. On peut consulter, à cet
égard, Algarolti, qui , sur ce genre d’ouvrages, a
recueilli les notions les plus curieuses.
PERTUTS, s. m. (Terme dy architecture hydraulique.
) On appelle ainsi un passage étroit,
pratiqué dans une rivière , aux endroits ou elle
est basse, pour en augmenter l’eau de quelque»
pieds , afin de faciliter ainsi la navigation des
bateaux qui montent et qui descendent. Cela se
fait en laissant entre deux batardeaux une ouverture
qu’on ferme avec des ailes ou avec des planches
en travers, ou enfin avec des portes à vannes.
P e r t u is d e b a s s in . C’est un trou par lequel se
perd l’eau d’un bassin de fontaine ou d’un réser-
ivoir , lorsque le plomb , le ciment ou le corroi se
; trouve fendu en quelqu’endroit. Si l’on veut con-
noîlre la dépense d’un pertuis carré, circulaire,
'rectangulaire, vertical ou horizontal’ , il faut lire
les sections IX et X de l’Architecture hydraulique
de Bélidor , tome I , part. 1.
P e r t u is d e c l e f . ( Terme de serrurerie. ') C’est
1*.ouverture qui ëst' au pannèaû d’une clef. On ia
fait de différentes figures , eh rond, én coeur, etc*
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PERUZZI ( B a l t h a z a r ) , né en 1481 , mort
en 1536« ~
Trois villes d’Italie se sont disputé I honneur
d’ avoir produit ce célèbre architecte. Chacune
des trois a en effet quelque droit de le revendiquer
: Florence, pour avoir été la patrie de sa
famille, Volt erre , pour l’avoir vu naître, et
Sienne, pour l’avoir fait artiste.
Antoine P e ru z z i> noble florentin , voulant
fuir les troubles des guerres civiles dont Florence
étoit alors le foy er, s’étoit réfugié à Vollerre. Il
s’y maria et y eut une fille nommée Virginie, et
un fils qu’il nomma Balthazar. Il étoit venu
dans cette ville pour chercher la paix , mais la
guerre sembloit le poursuivie. Volterfe fut prise
et saccagée. Il y perdit tonte sa fortune, heureux
d’avoir pu sauver sa famille, qu’il transporta à
Sienne. Antoine y mourut peu de temps après,
laissant son fils encore en bas âge et sans aucune
ressource pour son éducation ; mais la nature et la
nécessité sont deux grands maîtres : Balthazar
Peruzzi sut profiter de leurs leçons.
La connoissance de quelques artistes avoit fait
naître de bonne heure en lui le goût du dessin ; le
dénuement dans lequel le laissoit la mort de son
père, ne lui permet toit plus de le cultiver comme
uu goût. Il en fit une étude sérieuse. Il vit les
peintures des meilleurs maîtres, les copia , fut
bientôt maître lui-même et assez habile, non-
seulement pour vivre du produit de ses tableaux ,
mais pour soutenir sa üïère et sa soeur, et pouvoir
encore se livrer à des études infructueuses.
Scs premiers ouvrages se trouvent à Sienne et à
Volterre. Là , il se lia d’amitié avec un peintre
de cette v ille , nommé Pierre, que le pape
Alexandre VI employoit à peindre dans le Vatican.
Ce peintre le conduisit à Rome dans l'intention
de lui faire partager ses travaux. La mort du
Pape rompit ce projet de société, et Balthazar sc
livra à divers ouvrages de fresque, tels que ceux
qu’on voit à Suint-Roch , et qui commencèrent sa
réputation dans Rome. Cet heureux début lui procura
des travaux plus considérables à Ostia, où il
peignit en clair-obscur une bataille dans ie style
antique. Le costume y fut observé avec soin ; les
armures, les insfrumens de guerre, les boucliers,
les cuirasses, tout y est une répétition fidèle des
bas-reliefs et des monumensde l’anuquité. Cesare’
da Sesto l ’aida dans cette entreprise , qui acheva
de le faire connoîlre pour ce qu'il valoir. .
De retour à Rome, Balthazar Peruzzi contracta
une étroite amitié avec le célèbre amateur
Augustin Chigi de Sienne, qui croyant trouver en
lui un compatriote à produire , vit aussi un grand
| talent à encourage?*. Cette liaison fut d’une grande
utilité' aux arts : on lui dut. le,s beaux ouvrages
que le goût de l'amateur commanda à l’artiste;
mais Peruzzi lui dut le loisir et les ressources qui
lui permirent de se livrer à l’étude de i’architec-
: lurë. Il en embrassa’ toute» lés par lies , et en devenant
grand architecte, il voulut encore faire
profiler l’art de bâtir, des rares connoissances qu’ il
avoit dans l'art de peindre. L ’architecture feinte,
qui exige un double talent, lui fut redevable en
quelque sorte de son origine, et peut-être de sa
perfection. |
Jusqu’alors la science de la perspective n’étoit
guère sortie des livres assez obscurs de quelques
savans. Les peintres du quinzième siècle la mel-
toient en pratique dans les fonds de leurs tableaux.
Mais les compositions du temps, pour la plupart,
étoient si simples, que leurs fonds n’exigeoienc
aussi que les procédés élémentaires de la perspective
linéaire. A l époque de P e ru z z i, les grands
ouvrages de Raphaël, en étendant la sphère de la
peinture , a voient à la vérité rendu indispensable
l’union de ta théorie et de la pratique en ce genre.
Toutefois pour que cette science produisît,
comme on l ’a vu depuis, un genre d’art particulier
, celui qu’on connoif sous ie nom architecture
fe inte , il falloir quelle reçût une nouvelle
sorte d’application à un genre de peintures plus
grandes encore, et qui en ont un plus grand besoin
, je veux parler des décorations scéniques.
Mais l’art dramatique étoit alors dans l’enfance ,
et restreint aux pieuses conceptions des solennités
religieuses; il n’exigeoit guère plus de savoir chez
les décorateurs que chez les auteurs. En se livrant,
comme il le f i t , à la théorie ainsi qu’à la pratique
de la perspective , Balthazar Peruzzi sembioit
pressentir qu’il étoit destiné à renouveler dans
tout son éclat l'art de la décoration de théâtre.
La perfection où il porta du premier coup les
ouvrages de cet art peut paroitre difficile à croire,
quand on sait combien de degrés l’esprit de
l'homme parcourt ordinairement pour atteindre le
but de l ’imitation. Mais il y a tel genre d'imitation
qui n’est autre chose qu’une combinaison
nouvelle des élémens et des moyens de genres
déjà formés et perfectionnés. Il ne faut alors qu’un
homme exercé dans leurs procédés , et capa-
j.ble de les réunir en les dirigeant vers un objet
nouveau. On voit alors paroitre , comme par eu-
-cbantement, un art dont on ne soupçonnoil pas
l’existence. -
Ces observations sont nécessaires pour s’expliquer
comment Balthazar P e ru z z i, le premier
des Modernes q u i, selon l’histoire, ait peint des
décorations de théâtre , a peut-être été le plus
habile peintre de ce genre. Il étoit peintre , architecte
, grand perspectiviste , dessinateur et
peintre d’architecture. Que falloit-il de plus pour
faire de lui un grand décorateur scénique '1 Une
occasion. Elle se présenta bientôt dans les fêtes
qui furent données à Julien de Médicis.
Vasari parle en deiix endroits des décorations
de P e ru z z iy d’abord à l’occasion des fêles -eu
question , et ensuite au sujet de la comédie du
cardinal Bibiena, appelée la Calandray et que
Léon X fit représenter devant lu i; ce qui tait