
Mais des monumens d’une plus longue duree
dévoient procurer à Seivandoni une gloire moins
fugitive, et lui assigner un rang plus honorable
dans les arts. Un vaste monument, l’église de
Sainl-Sulpice, à Paris, avoit été commencé en‘i 646’,
sur les dessins de Leveau, La première- pierre en
avoit été posée la même année par la reine Anne
d’Autriche, alors régente du royaume. Les travaux
interrompus en 1678 ne furent repris qu’en 1718,
sous la conduite d’Oppenord, directeur général
des bâtimens et jardins du duc d’Orléans, alors
régent du royaume. Cet architecte jouissoit en
sou temps , d’une grande réputation comme dessinateur
j mais si l’on consulte le recueil gravé de
ses oeuvres, on remarque en lui, un des héritiers
du goût licencieux, qui avoit perverti l’architecture
en Italie dans le siècle précédent, et un continuateur
de l’école des Boromini et des Guarini.
C’étoit surtout d$ns les portails d’églises, que la
bizarrerie de celle école s’éloit le plus hardiment
développée. La grande hauteur des nefs dans les
temples chrétiens, les diversités d’élévation.et de
plan , 11’avoient guère permis d’appliquer à la décoration
de leurs frontispices, l’unité et la simplicité
dès péristyles du temple antique, et nous
avons montré ailleurs [voyez Portail.)', les difficultés
qu’éprouvèrent les plus-grands architectes
modernes, à coordonner la hauteur des devantures
d’église, avec les dispositions régulières qu’exigent
les ordres de colonnes.
L’église de Saint-Sulpice, une des plus grandes
et des plus élévées qu’il y ait, alloit subir l’application
banale de ces ordonnances plaquées j et à
masses irrégulières, que le goût du temps et la routine
avoiént accréditées. Les fondemens du portail
éloïent déjà jetés , et cette grande composition
alloit être continuée sur les dessins d’Oppenord.
C’est dire assez, qu’elle auroit offert-ce faux système
de lignes contournées ou brisées , de formes
ondulées, dans lequel on s’étoit habitué à chercher
la richesse et la variété de l’art.
Servandoni parut. Il présenta un nouveau modèle,
qui' resta pendant un an exposé à la critique.
L’ascendant.de sa réputation, et peut-être aussi
l’attrait de la nouveauté, lui conquirent tous les.
suffrages.
C’ëtoir, en effet, une nouveauté alors, qu’une façade
d’église formée par des 1 ignés-droites , qu’une
ordonnance régulière de colonnes, qu’une architecture'ou
enfin les ordres rëparoissoient avec
leur véritable emploi, avec leurcaractèrë propre,
avec la pureté de leurs profils , avec la justesse de
leurs proportions. Ajoutons que Servandoni avoit
le' goût du grand, et que dans son portail il sut
réunir à des masses larges, imposantes ét variéés,
une disposition qui, avec un couronnement, s’il
eût été' digne d’elle, seroit peut-être la plus
heureuse qu’on ait jusqu’ici imaginée,“ pour s’adapter
à la grande 'élévation de nos églises. '■>
Lu montant Larcinlecture de sohpartifilsur'une
aussi grande échelle, en adoptant le■ parti de 1
deux ordonnances, sans ressaut, sans avant I
sans arrière-corps,-dans une longueur de 18 4 pieds I
il troùva le moyen de donner à l’ensemble une
grande majesté , et de procurer à l’église un n0r '
clie d’une très-vaste étendue. La partie la p|J
remarquable de cette masse, est sans contredis
celle de l’ordre inférieur, dont le caractère et |es
détails se rapprochent beaucoup plus qu’on ne
l’avoit fait jusqu’alors“, du caractère et de hj
forme de l’ancien dorique grec, dont, à cette époque
, on connoissoit fort peu les m o n um e n s .
vandoni, obligé de donner une grande solidité aul
support de l’étage supérieur, a pris le parti de!
doubler les colonnes de son rez-de-chaussée non!
comme l’avoit fait Perrault , à la colonnade dj
Louvre, dans le sens de la longueur, mais dans le!
sens dé la profondeur de la galerie formée par lejl
colonnes. De cette sorte, les colonnes, lorsqu’on,
les voit en avant, ont l’avantage de l’isolement,et
surtout celui de donner des entre-colonnemensl
égaux , et des espaces parfaitement réguliers pour
les triglypes et les métopes. On diroit , à la vue de,
son ordre dorique , que Seivandoni auroit en
quelqu’avant-goût de ce dorique grec, dont il esta
douter toutefois, qu’à cette époque, il ait pu avoir
une connoissance positive. Il y a dans le genre des
cannelures à, vive arête , dans la' manière large et
ferme à la fois de son chapiteau, de ses triglyphes,
de s'es mutules, quelque chose de grandiose., qu’on
ne trouve point dans presque tous les doriques de
l’école de son temps.
Le second étage de ce portail offre une galerie
en arcades, dont les piédroits sont revêtus d’uni
ordre adossé de colonnes ioniques. Il paroi l certain
que Servandoni à voit établi un fronton au-dessus,
de cette ordonnance. Ce fronton entre les deux !
tours qui flanquent ce frontispice, devoit-ïl faire uni
heureux effet ? Peut-être n’y a-t-il pas lieu de le
regretter. On prétend qu’ayant été frappé de la
foudre en 1770, il en étoit venu à menacer ruine.I
On le détruisit lout-à-fait, et au-dessus de l’enta-1
blement de l’ordre ionique, ou éleva des statues!
qui portoient sur des piédestaux qu’on voit encore.!
Il seroit à souhaiter qu’on lesyreplaçât. Si le fron-l
ton étoit de trop, entre les deux masses qui pou-1
voient démentir son emploi, une rangée de statuesI
corrigéroit peut-être le grand vide qui règne entre!
les deux tours.
Ces tours qui accompagnent le portail, sjl
trouvent fort habilement jointes, sans en rom*
pre l’unité. Plus d’un changement a déjà eu lien
dansdes masses qui en forment les deux étages su* I
périeurs. Un architecte nommé Maclaurin, blIt
fit subir une première modification qui ne fut pas
heureuse. Depuis, M. Chalgrin fit un projet beau- j
coup plus d’accord avec lé tout. Ce projet n’a reçu
encore son exécution que dans une des deux tours.
Il reste à terminer la seconde selon le meoee:
dfe’S5ThPi!f:!: ‘ : ,J ■ *' -’ci : ” ■
Une grande place en avant de l’église étoit entrée
dans le plan général de Servandoni. Une seule
maison qu’on voit encore , et qui est d’une très-
solide construction, indique le caractère d’habitations
simples et nobles à la fois, dont il auroit entouré
celte enceinte. Mais ce local resta longtemps
sans pouvoir être déblayé; depuis quelques
années, l’étendue qu’on lui a donnée ne permet
plus de faire revivre les projets de cet architecte.
On trouve cités dans la vie de Servandoni par
d’Ar^enville, un assez grand nombre de travaux
d’un genre inférieur, comme portes de maisons,
escaliers, chapelles, dont il seroit, je crois, assez
difficile aujourd’hui, soit de démontrer l’authenticité,
soit même de retrouver les vestiges. ~~
Dansle très-grand nombre d’inventions qui exercèrent
son génie, on s’est plu à faire-remarquer
un modèle et des dessins de temple pour les
[Grands-Augustins , à Paris, les projets d’un arc
de triomphe à la porte de la Conférence, d’un
[grand théâtre avec toutes ses dépendances, mais surtout
d’une place qui devoit être celle de Louis XV,
entre les Tuileries et les Champs-Elysées. Cette
place, destinée aussi aux fêies publiques, auroit
rassemblé dans ses galeries vingt-cinq mille pei*-
jonnes, sans compter la foule innombrable que
l’enceinte même auroit. pu contenir. Elle devoit
iêtre ornée de 36o colonnes et de i36 arcades,
liant intérieures qu’extérieures.
Lorsqu’on pense à la quantité d’ouvrages de
[tout genre dont Servandoni fut chargé, tant en
France qu’en d’autres pays, et qui ont assuré à son
nom une gloire aussi étendue que durable, on est
[porté à croire qu’il auroit dû laisser une immense
fortune. Il n’eu fut rien. C’est qu’il ne compritja-
Imais ce que ,signifie le mot économie. Ami de la
bonne chère et de la joie, c’étoit un besoin pour lui
d’associer à ses plaisirs de nombreux amis, car les
amis de cette sorte ne sont jamais rares. L’argent
tfuyoit de ses mains plus vite qu’il n’y venoit, et les
poursuites de,ses créanciers le forcèrent plus d’une
fois de chercher une retraite en d’autres pays;
L Après beaucoup de voyages, de travaux, de
[contre-temps, il vint de nouveau .se fixer à Paris,
[où il cessa d’être occupé, et mourut en 1766.
, SERVI ( Constantin de.), né à Florence en
[ 1-554, mort en 1622. 1 C et a r t i s t e d ’ u n e f a m i l l e S e s p l u s d i s t in g u é e s d e
F lo r e n c e , f u t t o u t à l a fo is p e in t r e , in g é n i e u r e t
a r ch ite c te . 1 H voyagea par toute L’Europeet son mérite
[personnel lui mérita'l’accueil de toutesies cours.
Le grand Sophi de Perse le demanda au grand-
duc Cosrne de Médicis; Constantin de Servi se
poudil en Perse , où 'il demeura, environ un an;
jUKiis on ignore à'quels travaux il fut employée -
| l^e retour à ’Florence, il eut la surintendance
lue tous les ouvrage» de la galerie,.et dès travaux
de la magnifique chapelle dei-Saint-Lanrent. On
Diction. d’Archit. Tome III.
sait que les ouvrages dont il s’agit ici, sont ces
mosaïques composées de pierres précieuses, que
les Italiens appellent Lavoro a commesso. De ce
genre sont ces belles tables qui ornent les plus riches
cabinets, et qui forment des espèces de tableaux,
ou compositions de toutes sortes d’objets,
propres à être exécutés avec des pierres précieuses,
dont les couleurs répondent à celles des objets
naturels eux-mêmes. Ce sont particulièrement des
plantes, des fleurs, des coquilles , des oiseaux, etc.
Constantin de Servi alla en Angleterre, où il
s’attacha au prince de Galles, qui le nomma sur-
intendant de ses palais, avec une pension de 800
ée'us romains.
D’Angleterre il passa en Hollande , où il fut employé
par les Etats-Généraux de ce pays. Il s’y
attira l’estime de tout le monde, et1 surtout celle
du comte Maurice de Nassau. Il y fit le dessin du
palais que ce prince vouloit faire construire pour
sa résidence à la Haye. De retour en Toscane, il-
devoit envoyer au prince le modèle en relief de
cet édifice. On ne sait ni si l’envoi eut lieu, ni
si le projet reçut sou exécution.
Après beaucoup d’autres excursions en divers
pays de l’Europe , Constantin de Servi se fixa définitivement
en Toscane, oùle grand-duc, dans le
dessin de se l’attacher, lui donna le commandement
de Lucignano. [Cet article est emprunté
à Miliz ia. )
SERVICE, s. rn. Ce mot est employé dans la
bâlisse, pour exprimer le transport des matériaux
soit du chantier au pied du b aliment, soit de cet
endroit sur le tas.
Plus un édifices est élévé, plus le service est
long et difficile1, lorsqu’on arrive au terme de son
achèvement.
On donne ce nom à plus d’un échafaudage que
l’on construit.dans les bâtimens, pour le service
de leur bâtisse. On dit un pont de s e rv ic eun es-
calier de service , etc.
SERVITUDE, s. f. Ce terme appartient à la
jurisprudence des bâtimens. On le définit un droit
sur la propriété d’autrui, pour un passage, pour un
jour, pour un évier, ou toute autre sujétion à laquelle
un voisin est légalement soumis.
La servitude s’appelle active1 ou passive. On
l’appelle active à l’égard de celui qui en profile,
et passive à l’égard de celui qui en souffre.
La servitude s’appelle réciproque, quand deux
■ voisins ont l’un sur l’autre un droit pareil.
Il y a des servitudes pour un temps; il y en a
d’autres à perpétuité. (On peut consulter sur cet
objet les Lois et Coutumes dès bâtimens > par Des-
godets.')
Nous distinguerons servitude de sujétion. Le premier
de ces mots, ainsi qu’on l’a dit, exprimé,
dans- tes bâtimens , certaines conventions stipulées
, entre voisins, -etgaranties par les lois. Le second ,
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