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reste à dire, que ce monuraeut est aujourd’hui
entretenu par la ville de Vérone , avec un soin
qui doit lui présager une longue durée. Heureusement
l’inutilité de la plupart des restes d antiquité,
inutilité qui a tant contribué à leur destruction,
ne s’est pas fait sentir également à
l’édifice dont on parle. Rien sans doute n’explique
mieux les immenses dégradations qu ont subies
ces monumens dans toutes les villes romaines,
que la désuétude des combats de gladiateurs,
pour lesquels on les avoit jadis conslruits : ce qui
dut arriver, dès que ces spectacles féroces eurent
été bannis par le christianisme , des usages et des
pratiques d’un monde nouveau. Partout ces monu-
mens délaissés , et qui ne pouvoient guère être
convertis en d’autres emplois , devinrent les carrières
de pierres toutes taillées, où les siècles
suivans trouvèrent les matériaux de leurs nouvelles
constructions. Le Hasard voulut, qu apres
avoir dépouillé l’ampHitheatre de Vérone de la
presque totalité de son enceinte extérieure, on
épargnât les degrés en pierre de son intérieur.
Le monument arriva dans cet état, jusqu au temps
où la renaissance des arts fit porter un oeil attentif,
sur tout ce que n’avoit pas dévoré le moyen
âge. Le paganisme étoit oublié, et tous ceux de
ses ouvrages qui lui avoient survécu, ne lurent
plus considérés que comme des modèles de goût,
où les arts renaissans cherchèrent des leçons.
De là le soin qu’on prit bientôt, non-seulement
de ne plus abattre, mais de conserver et même
de restaurer, autant qu’il fut possible , tous les
restes d ’antiquité. L’amphithéâtre de Vérone
contribua peut-être plus qu’on ne pense à répandre
dans les étals de Venise, ce goût pour
l’architecture antique, qui distingua très-anciennement
l’école vénitienne. Cela pourroit encore
expliquer le respect qu’on eut depuis le quinzième
siècle pour ce mémorable reste d antiquité. Il est
arrivé, en e ffe t, que quelques spectacles publics,
que des occasions de réjouissances , firent
imaginer de rassembler la multitude dans ce
vaste lo ca l, et il est devenu aujourd’hui pour
Vérone l’espèce de rendez-vous de tous les plaisirs
, de toutes les fêtes que lés circonstances
font naître.Ce monument devra, il faut l’espérer,
à cette nouvelle destination, sa conservation,
son entretien et sa durée.
VERRE , s. m. Rien de ce qui regarde la fabrication
, la nature, les emplois innombrables
du verrey et l ’ancienneté de son usage , nest du
ressort de ce Dictionnaire; nous renvoyons sur
tous ces points au Dictionnaire d*Antiquités.
Ce n’est pas que le verre y dans la variété de
ses modifications, ne puisse entrer, soit comme
ornement et objet de décoration dans les inlérieu s
des édifices , soit comme objet de nécessité dans
leur clôture, appliqué surtout aux fenêtres. Mais
sous le premier rapport, nous ne voyons guère
V E R
qu’on puisse imaginer d’autre emploi du verre}
que celui de ce qu’on appelle des glaces. Nous
en avons traité à ce mot. ( Voyez Glace. ) Sous
le second rapport, c’est au mot vitre que cette I
notion appartient. Voyez V itre.
Nous ne pouvons toutefoi nous empêcher de I
faire connoîlre ici un des emplois les plus extraordinaires
qu’on ait jamais fait du verre dans l’ar- I
ohitecture. Pline, qui en a fait mention , avoue I
lui-même , que depuis , ce genre de luxe n’avoit |
plus eu d’exemple : inaudito etiam postea généra I
luxurioe. On veut parler de ce théâtre construit I
par Scaurus pendant son édilité , théâtre tempo- I
raire dont la scène, composée de trois ordres de I
colonnes’, avoit reçu dans sa décoration trois
mille statues de bronze. Selon Pline , cette scène I
étoit à trois rangs de colonnes en hauteur, et il y
en avoit trois cent soixante scena e i triplex in
altitudinem C CG LX columnarum. La partie in- I
férieure , ajoute-t-il, étoit en marbre : ima pars
scence è mannoreJiiit. Celle du milieu en verre; I
media vitro. Celle d’en haut, en bois doré :
summa tabulis inauratis. 11 y a sur l’interprétation du texte de Pline une
difficulté. La scène , comme il le d i t , avoit trois
parties en hauteur, et on y comptoit trois cent
soixante colonnes, ce qui fait cent vingt à'chaque
étage. Maintenant qu’entend-il par ima pars
scence , par media, et par summa? Dirons-nous |
qu’il s’agit là des colonnes de chaque étage, ou
simplement de l’espace et de la superficie du fond
sur lequel étoient appliquées les colonnes ? C’est,
à ce qu’il me semble, ce qu’on ne sauroit trop
décider.
S’il s’agit de rapporter aux colonnes de chaque I
étage, la triple division de la scène , l’ordre in- I
férieur auroit eu ses colonnes en marbre , celui I
du milieu en verre , celui d’en haut en bois doré;
! dans ce cas, les colonnes du milieu auraient été
1 formées de tronçons de verre bombés. Si l’on
doit restreindre l’emploi d«.marbre en bas , du
verre dans le -milieu, et du bois doré dans le I
haut, aux simples paremens et revêtemens dci
fonds sur lesquels se détachoient les colonnes , le
verre auroit été alors employé en lames , ou morceaux
de compartimens , peut-être coloriés. On
ne sauroit trop dire alors quel bon effet auroit pu
produire cet emploi du verre, puisque par lui-*
même, en tant que matière transparente, et en
quelque sorte privée de couleur, il doit être don
médiocre agrément pour la vue. Peut-être ne I
fut-ce qu’une bizarrerie du luxe, q u i, de l’aveu
même de Pline , n’eut point d’imitateurs.
On emploie quelquefois le mot verre como>e
synonyme de vitre. Ainsi l’on dit :
V erre dormant. C’est un panneau de vitre»
scellé en plâtre , dans une vue de servitude, derriè
r e un treillis de cour. La coutume de Pans
prescrit sur les verres dormans les règles suivantes,
V E R
La grandeur des panneaux de vitre ne doit point
excéder la largeur ordinaire des croisées des bati-
rnens; les trefllis et barreaux de fer doivent être
attachés et scellés au milieu de l’épaisseur du
mur. {
Il y a aussi des verres dormans scellés en plâtre,
dans las croisillons des vitraux des églises gothiques.
Verre ( peinture sur.) Nous croyons ne pouvoir
mieux faire pour mettre nos lecteurs au courant
des notions relatives à un sujet où règne tant
d’ignorance et de prévention, que de mettre sous
leurs yeux le travail qu’a communiqué à l’Acadér
mie des beaux-Arts M. Brongniart, de l’Académie:
des Sciences, et qu’il nous a permis de publier
et d’insérer dans ce Dictionnaire.
Ce rapport f u t lu par lui à VAcadémie le 14
juinï 1828.
Il r è g n e u n p r é ju g é g é n é r a le m e n t r é p a n d u a
l’é g a r d d e la peinture sur verre , s a v o ir , q u e c e t
a rt e s t p e r d u , q u o iq u e d e p u is 1757 ju s q u ’à c e jo u r ,
o u a i t é c r i t e t p r o u v é , q u e n o n -s e u le m e n t c e p r é te
n d u s e c r e t n ’e n e s t .p o i n t , e t n ’e n s a u r o it ê t r e u n ,
d a n s l’é t a t a c t u e l d e n o s s c ie n c e s e t d e n o s a r t s ,
m ais q u e s e u le m e n t l e p r o c é d é d e c e t t e p e in tu r e
a c e ssé d ’ê tr e u s u e l, p a r le p e u d e b e s o in q u ’o n e n
a e u d a n s le s m o n u m e n s d e l’a r c h ite c tu r e . {Voyez,
au m o l V it r e s p e i n t e s , le s ra is o n s a* * i, a y a n t
c a u sé la d é s u é tu d e d e le u r e m p l o i , o n t f a it c r o ir e
à la p e r te d e l’a r t d e le s c o lo r e r . )
Les faits et les citations qui suivent vont prouver
que cet ancien préjugé, a été combattu à plusieurs
époques.
On trouve le passage fuivant, dans le Journal
économique de mars 1767, pag. io 5. « C’est une
» opinion commune que l’on a perdu l’art de
» peindre le verre , comme faisoient nos Anciens.
» Celte idée est si fort répandue, que dans une
». compagnie de gens de talent, quelqu’un ne
» craignit pas de l’avancer. Je soutins que nous
» possédons ce secret, qu’il ne paroissoil perdu,
» q u e p a r c e q u e n o u s n ’é tio n s p lu s d a n s le g o û t
j » d e n o u s s e r v ir d e verres c o lo ré s e t p e i n t s , e tc .
» Si cet art eût été réellement perdu vers le
», dix-septième siècle, il auroit au moins été
» retrouvé un grand nombre de fois depuis cette
» époque; car outre Le V ie l, qui l’a décrit en
» 1774» et dont la famille praliquoit cet art de-
» puis deux siècles, un certain D. Manuel Morevo
» Apariccio disoit dans la Gazette d1 Autrechl du
» 14 décembre 1773, qu’il venoit de retrouver ce
| » secret perdu. Enfin en 1802, M. Brongniart, dç
» l’Académie des Sciences, lut un mémoire sur les
» couleurs vitrifiables, où il prouva avec toute
» l’évidence possible, que l’art de la peinture sur
» verre n’étoit point perdu, qu’on avoit donné
» tous les moyens de l’exercer, et qu’on avoit fait
» eu ce genre, des pièces plus ou moins nom-
» breuses et variées.
Diction, d*Arçhit. Tome I IL
Y E R 57.7
>* Les circonstances ayant donné lien d exa-
» miner de nouveau cette question , et diflérens
» morceaux de peinture sur v e u e , par plusieurs
» artistes, ayant été adressés à l’Académie des
» beaux-arts, pour eu porter un jugement, le
». mêmeM. Brongniart, de l’Académie des Scien-
» ce s , a bien voulu nous communiquer 1 excel-
» lent mémoire dont nous allons extraire les prin-
» cipales notions. »
Des Différentes clajjes de peinture fu r verre.
« Pour établir l’état actuel de cet a r t , il est
indispensable de faire remarquer que cette sorte
peinture doit être divisée en plusieurs classes ,
qui se distinguent par des procédés et des résul-
1 tâts très-différens. C’est pour avoir confondu
1 ces classes et ces procédés, que beaucoup de
1 personnes croient, que le secret d elà peinture
1 sur verre e$t perdu, et que d’autres élèvent la pré-
» tention 4e l’avoir retrouvé, parce qu’elles com-
> parent presque toujours la peinture, qu’elles ont
» faite par un procédé , à celle qui a été faite par
» un autre. Elles n’ont pas de peine à prouver ainsi
» que ce qu’on leur montre est bien different de
» ce qu’elles font. .
» On peut diviser en trois, classes, leà dilfé-
» rentes sortes de peinture sur verre,
» La première est celle de la peinture etij verre 9
» an moyen de verres teints ou coloriés Hans la
a masse.
» La seconde classe est celle de la peinture sur
»' verre blanc, avec des couleurs vitrifiables ap-
» pliquées au pinceau, et cuites à la moufle.
» La troisième classe est la peinture sur glace*.
» Je ne puis avoir la prétention de décrire
» avec détail dans cette notice , les procédés
» qui appartiennent à chacune de ces classes; mais
» je dois, pour faire apprécier plus nettement
» leur différence, développer les procédés essen-
» tiels, qui les caractérisent et qui les distinguent.
» Je dois donc aussi dire, que les procédés étant
» souvent appelés au secours les uns des autres,
» on pourroit établir une quatrième classe renfer-
» mant la peinture sur verre et en verre3 qui résul-
» tent du mélange de ces procédés.
i re, classe. « Nous l’appelons plutôt peinture
» en verre que peinture sur verre, parce que ses
» plus grands effets résultent de l ’assemblage des
» pièces de verres de diverses couleurs, destinés à
» à faire le fond des teintes principales,
» On emploie donc dans cette première classe,
» principalement et presqu’uniquement, des verres
» colorés dans leur masse, ou, ce qui revient
» au même, des verres de couleur. Le nombre
» en est assez borné. Ce sont des bleus de n'uan-
» ces différentes, mai? en général d’autant plus
» beaux, qu’ils sont plus intenses. C’est la cou-
I » leur la plus facile à obtenir. Des verts rarement
» d’une couleur très-éclatanle, et obtenus par le
1 D d d d