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lui donne aujourd’hui de Ponte Sisto. Le pont j
Ælius ou Adrianus, ainsi appelé du notn de l’empereur
qui le lit construire, subsiste encore dans
son entier. C’é toit, en suivant le cours du fleuve ,
le second dans la ville $ il y réunissoit le mau- ;
solée superbe qui porte encore aujourd’hui le
nom de Mole Adrienne. Les papes Nicolas V et
Clément IX l’ont fait restaurer et l ’ont orné de
statues 1 c’est celui qu’on désigne par le nom de
ponte Sant Angelo. On appelle à préseut Ponte |
Mole celui que l’on appelait Pons Miluius. Il est
à un mille de Rome. Ce fut près de ce pont que
Constantiu défit le tyran Maxence , qui se noya
dans le Tibre. Nicolas V l ’a fait rétablir, mais il
ne conserve presque plus rien de son antique
structure. On peut joindre encore aux ponts antiques
de Rome, quelques petits ouvrages qui sont ;
sur VAnio ou le T e v c r o n e tout près de la ville 5 -;
le pont Salarias3 ponte Salaro 3 parce qu’il étoit
sur la V ia Salara y le pont Luc anus } ponte Lugano
3 construit probablement sous l’empereur ;
Claude ; le pont Mammoeus eu Mammolus, bâti
par Alexandre Sévère , et le pont Nomentanus
qui condnisoit sur la voie Nomentana , et qu’on
appelle aujourd’hui ponte délia Montana.
i l existe encore en Italie d’autres restes de
ponts bâtis par les anciens Romains , quelques- ,
uns restaurés et rétablis dans les temps modernes , i
comme celui de Capoue sur le Vulturnej comme
celui de Narni sur la Né ra, qui dut établir la
communication entre deux montagnes fort élevées
, ce qui obligea de donner une très-grande
hauteur aux arches. Une seule des quatre arches
subsiste encore {voyez la description de cet ouvrage
au mot N a r n i ) . À Rimini on admire encore
un très-beau pont qu’Auguste fit bâtir pour
joindre la voie Flaminienne à la voie Emilienne.
Il a deux cents pieds de longueur, ' et est porté
sur cinq arches.
L ’art de bâtir les ponts prit de l ’accroissement
avec l’Empire romain , et aussi à mes.ure que les
conquêtes dans les régions lointaines , et les opérations
militaires s’étendirent sur des pays traversés
par des fleuves considérables , tels que le
Rhône , le Rhin , le Danube. Ainsi les écrivains
nous ont conservé des notions sur le pont qu'c
Trajan avoit bâti sur le Danube pour faciliter les
irruptions dans la Dacie- Selon Dion Cassius , ce
pont avoit vingt piles en pierre de taille, q u i,
sans compter les fondations , avoient cent cinquante
pieds de haut, soixante de largeur, et qui
étoient jointes par des arches de cent soixante-dix
pieds d’ouverture. Hadrien le fit détruire depuis,
parce qu’après avoir servi les projets d’invasion
des Romains dans la Dacie il favorisa réciproquement
les excursions des Daces hors de leur
p ay s‘ . '
Trajan fut encore celui 3bus le règne duquel 1 Espagne vit s’élever le célèbre pont de la Norbq
Cesarea? appelé depuis par les Maures, et en-
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I core aujourd’hui, Alcantara. Nous en avons déjà
' parlé à ce mot ( voyez A l c a n t a r a ). Ce pont a
six cent soixante-dix pieds, de longueur : il 83
compose de six arches, dont chacune a quatre-
vingts pieds d’une pile à l ’autre 5 les piles sont
carrées, et ont de vingt-sept à vingt-huit pieds
de face de chaque côté. La hauteur du pont} depuis
la surface de l ’eau , est de deux cents pieds,
Voyez encore, au mot L a c e r , ce qu’on a dit de
^’architecte ainsi nommé , qui fut Fauteur .de cet
ouvrage..
C’est p a r erreur que la plupart des lexiques
mettent au nombre des grands travaux antiques
en fait de pont, ce qu’on appelle improprement
le pont du Gard. Le nom d?aqueduc est celui qui
lui convient. ( Voyez A q u e d u c . ) Il est bien vrai
que le rang inférieur d’arcades sur lequel s’élèvent
les deux autres rangs beaucoup plus nombreux
donne passage., dans une ou deux arcades , à la
petite rivière du Gardon y mais cela seul ne constitue
pas un p ont, ouvrage q u i, d’après sa définition
, doit offrir un chemin au-dessus de ses
arches : or, les arcades inférieures de l’aqueduc
antiq.ii.e- du Gard n’oflroi ent point de passage au
vo.yaSeur' C’est dans les temps modernes qu’on a
ajouté, et.si l ’on peut dire accolé, une nouvelle
construction en saillie au rang des arcades d’en
bas ; celte addition en a fait un pont dans tonie
I étendue du terme , mais ce supplément ne doit
pas se mettre sur le compte de l’antiquité.
Si 1 on faisoil une histoire générale des ponts
et de l’art dp les construire, il faudroit sans doute
rechercher ce qui doit ou peut avoir été exécuté
dans ce gënre, après la chute de l’Empire romain,
et chez lés peuples modernes au milieu .des siècles
d’ignorance 5 mais de telles recherches n’appartiennent
point et conviendroienl mal à cet essai.
II est fort à croire qu’ayant que les nations modernes
eussent acquis, par des gouvernemens réguliers
et le perfectionnement de la civilisation,
la puissance et les ressources nécessaires, à l ’exécution
des grands travaux de l’art de bâtir.,, les
parties isolées et in cohérentes, de ces étals furent
réduites à l’économie?des ponts de bois. Ainsi
voyons-npus,.et par i’his,tpii‘e ,et par des ouvrages
parvenus jusqu’à nos jours, que l’on en usa dans
les plus grandes villes ; et il n’y a pas longtemps
qû on a vu disparoitre, a Pans et dans ses environs
, les derniers ponts b&ùs en charpente , et à
Rouen, le pont de bateaux qui seryoit encore
naguère de communication aux^ha.bitans de eelte
grande villei
Nous passerons donc tout de suite, selon l’ordre
des temps , à un très - grand ouvrage qui
date du treizième siècle, et qui est encore de
nos jours un objet d’admiration 5 je parle du pont
du Saint-Esprit, qui a donné son nom à la ville
qu’on appelle ainsi. Çe p o n t construit sur le
Rhône, fut commencé en 1265 , et fut achevé
environ l’an i 3oq. Il a quatre cent vingt tpises de
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1 £ sur deux toises quatre pieds quatre pouces
I yarge j celte seule disproportion montre assez
unel étoit, à cette époque , l’état du commerce
i et des moyens de voiturage. Il n’y a pas aujour-
I d’hui si petit pont sur si petite route que ce so it,
qui n’offre une voie beaucoup plus large. Le pont
Saint-Esprit, an reste , a du beaucoup de sa eé-
| lébrité au temps reculé qui le vit construire , à la
largeur, à la profondeur et à la rapidité du fleuve
L a ’il traverse, et, il faut le dire aussi, à sa solidité.
II est soutenu par vingt-six a rch e s , dix-neuf g randes
et* sept p e t ite s , q ui sont aux extrémités et
[forment les rampes ; ces petites arches sont souvent
à sec , et ne servent au passage de l’eau que
dans les débordemens. Sans don Le il dut passer
[pour une merveille, dans un temps où l ’on ne
construisoit les ponts qu’en bois. I Ce fut également au commencement du seizième
[ siècle que fut bâti le pont en pierres qu’on ap-
I pelle à Londres le pont de Londres. Il remplaça
| le pont de bois qui avoit été construit sur la
[ Tamise, au même endroit, dans les premières
I années du onzième siècle. Le pont de Londres a
[ neuf cent quinze pieds de long et soixante-treize
I de large. Excepté l'arche du milieu , toutes les
I autres sont beaucoup trop étroites 5 mais eét ou-
I vrage devoit être prodigieusement surpassé dans
I la suite.
[ Paris, nous l’avons déjà d it , n’eut dans ses
I commenoemens que des ponts de bois. L histoire
I des temps anciens de cette ville nous apprend
I que deux ponts de bois , appelés l’un , P ont-aux- \
I Changeurs3 l ’autre , Pont-qux-Meûniers , cons-
I truits dans le voisinage de la tour de l’horloge du
I palais-, ayant été brûlés en 1621, le roi Louis XIII
I ordonna qu’à leur lieu et place- on établir oit un
K seul pont y sous le nom de Pont-au-Change , et 1 ce pont fut bâti en pierres. Il est composé de
cinq arches.
I Toutefois, plus d’un siècle auparavant, Louis XrI
I avoit appelé d’Italie à Paris Fra Giocondo ( voy.
■ ce nom) pour la construction ep pierres du pont
I Notre-Dame , qui fut commencé eu 15oo, et ter-
B miné en 15oy.
î Le seizième siècle vit élever aussi en Italie
I plus d’un ou vrage de construction remarquable en
I fait de ponts. Florence a conservé, sous le nom de
K Ponte Vechio y un ouvrage dont la date est 1^45 >
B mais, en i 55y, Ammanati bâtit, dans le système des
■ arcs surbaissés., le pont de la Trinité , dont" nous
B aurons occasion de reparler ( voyez A m m a n a t i ).
m Nous avons aussi, à l’article de P a l l a d io , cité
■ plusieurs de ses entreprises et de ses projets en
K ce genre.
L’état actuel des principaux Etats de l’Europe
I nous montre, comment et pourquoi la hardiesse ét
I l étendue des travaux que demande l’art des
I ponts y dut aller en croissant. L ’augmentation du
■ commerce dut contribuer à les mukiplier ; la
I grandeur, la largeur et la profondeur des rivières
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exigèrent la plus grande solidité. Les changemens
survenus dans les voilures s dans le transport des
marchandises et des personnes, firent chercher
encore les moyens de donner à la voie publique
des ponts beaucoup moins de pente, ce qui obligea
de surbaisser leurs ares lorsque les berges du
fleuve ont peu d’élévation.
Les entreprises modernes, en fait de pont} sont
donc devenues beaucoup plus considérables, et
bien autrement nombreuses que dans les temps
anciens.
Ainsi Pa’r is , en moins de deux siècles , a vu
s’élever sur la rivière qui le traverse, dix ponte
en pierre de taille. De plus grands ouvrages ont
encore été exécutés hors de la capitale j tels sont
les ponts de Neuifly, de Sainte-Maxence, de
Mantes, d’Orléans, de Bordeaux, elc.
La vaste étendue en largeur de la Tamise, dans
la ville de Londres , a donné lieu à des travaux
qui surpassent en grandeur et en magnificence de
construction ce qui avoit élé fait. On ne citera ici
que les noms d es portes de Wèstmmster, de Blaek-
Friars et de Waterloo 5 ce dernier bâti en granit.
Nous reviendrons sur ces travaux dans la seconde
partie de cet article , ainsi que sur les ponts de
fer , dont on trouve à Londres les plus prodigieux
modèles, et dont la ville de Paris a tiré l’imitation
de deux de ses ponts.
NOTIONS ABRÉGÉES SUR LES DIVERS SYSTEMES ET
PROCÉDÉS DE CONSTRUCTION DES PONTS.
L ’art de b â tir , comme tous les travaux de
l’homme , procéda toujours du simple au composé.
Des besoins plus variés et plus multipliés appellent
des moyens plus compliqués. Ce que le simple
instinct de la solidité fit d’abord imaginer, ne
suffit plus lorsque la science vient lé remplacer.
Alors naissent de nouvelles combinaisons appropriées
aux services qu’exigent tantôt les localités
différentes , tantôt la diversité des matériaux ,
tantôt les progrès du commerce et de la civilisation
c’est ce qui est arrivé à l’art de construire
"les ponts. Peu de constructions présentent un plus
grand nombre de variétés dans leurs élémens ,
dans leurs matériaux et dans le système de leur
emploi.
Après les constructions toutes en charpente ,
on a fait voir que bientôt on dut établir les bois
dont se composèrent les arches , sur des piles en
pierre : de là il n’y eut qu’un pas aux constructions
des voûtes ou des arches , soit en briques ,
soif en pierres.
Lorsqu’on voulut établir en matériaux solides
de semblables ponts y le premier et le plus naturel
de tous les systèmes de construction fut celui des
arcs en voûte plein-cintre , ou en demi-cercle
régulier. Nul système de construction n’a plus de
solidité et n’olfre plus de garantie de la durée
des édifices. Il existe encore des restes de monu