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qu’il eut de l’exarque Eutichius , jointes aux six
autres qu’il possédoit déjà.
On peut donc juger, par celles qui existent
encore, aux endroits que nous avons désignés
, que cet usage des colonnes torses est assez
ancien, que 'celles-ci ont servi de modèles aux
grandes colonnes torses en bronze du baldaquin
de Saint-Pierre, par Bernin, qui, s’il eut le tort
d’employer (ce que nous ne croyons pas ) des colonnes
torses dans ce monument, n’a pas eü celui1
de les inventer, comme le répètent mal-à-propos
beaucoup de critiques.
Du reste nous ignorons d’où auroient été tirées
originairement ces colonnes , et quelle avoit été,
dès le principe, leur destination. Quelque supposition
qu’on veuille faire à cet égard, nous ne
nous en permettrons qu’une seule négative. C’est
qu’elles n’auront jamais été employées dans des
monumens d’architecture réelle et sérieuse , à supporter
les masses des architraves, des enlablemens
et des frontons, et que leur seule configuration,
propre à se prêter aux caprices de la décoration ,
auroit blessé autant l’oeil que la raison, si on en eût
fait dès supports destinés à soutenir les charges
qu’on impose aux colonnes verticales. .
Ce que nous disons ( et nous le .croyons d’une
vérité trop sensible, pour avoir besoin de preuves)
de l’invraisemblance d’un tel emploi, il nous
paroît juste de n’en pas faire l’application
rigoureuse à la destination affectée par Bernin,
aux colonnes torses de son baldaquin. Nous avons
déjà fait observer {voyez Baldaquin), que ce
grand artiste mit autant de goût que de réserve,
dans cette composition, à laquelle il ne donna ni
la réalité ni l’apparence d’une construction régulière
ou architecturale. Au fond , un impérial
de lit, ses pentes et ramortissement qui le couronne
, ne sauroient passer pour de l’architecture.
Peut-être ce qu’un tel ajustement comporte
d’arbitraire et de légèreté dans ses détails, auroit
été peu d’accord avec la sévérité d’une ordonnance
grave et régulière.
Nous croyons enfin, qu’autant le goût peut se
prêter à l’emploi des colonnes torses dans des compositions
libres, purement décoratoires, qui n’ont
rien de eommun avec les réalités de la construction
et les convenances rigoureuses de l’arcbilec-
ture, autant la simple raison en doit interdire
l’application , dans toute ordonnance à laquelle la
raison doit avant, tout présider^
TORSER, v. a et. On trouve ce mot dans quelques
lexiques, Comme formé de tors, t o r s e et
qui doit être synonyme de tordre , pour dire contourner
le fut d’une colonne en, vis ou spirale,
pour en faire une colonne torse.
TORTILL1S , s. m. Espèce de vermoulure faite
à l’outil sur un bossage rustique, comme on en
T o s
voit à quelques chaînes de pierre du Louvre , et à
l’arc de la porte Saint-Martin à Paris.
TOSCAN (Ordre ). Nous ne saurions dire jusqu’à
quel point les Anciens avoient porté et développé,
ce que nous appelons la théorie systématique
de l’architecture. Le seul ouvrage qui nous
soit parvenu de l’antiquité sur cet art, est celui
dé Vitruve , qui le composa au temps d’Auguste.
Quant aux Grecs, nous n’avons d’autre connois-
sance de leurs écrits relatifs à l’architecture, que
par les mentions qu’en a faites le même Vitruve
dans la préface de son septième livre. Il nous y
apprend qu’il a puisé dans leurs écrits les principales
notions de son ouvrage , notions dont il a
tâché de faire un corps complet. La liste des
écrivains qu’il cite est assez nombreuse, et il la'di-
vise en deux classes, celle des plus renommés, et
celle des moins célèbres.
Le plus grand nombre des-ouvrages de la première
classe, avoit pour objet quelque nionu-
j ment célèbre. D’autres traitoient en général des
proportions. Quelquës-uns , en particulier, des
proportions de tel ou tel ordre , à l’occasion du
monument construit dans l’un ou l’autre de ces
ordres. Silenus avait fait un traité des proportions
doriques, De symetriis doricorum.Théodore avoit
écrit sur le temple dorique de Samos ; Ctésiphon
et Métagènes sur le temple ionique de Diane, à
Ephèse , et sur celui de Minerve ionique aussi, à
Fri en ne 5 Phileus , Iclinus et Carpion , sur le
temple dorique de la citadelle d’Athènes5 Théodore
sur la coupole de Delphes; Philon sur les
proportions des.temples, et sur l’arsenal'du Pirée;
Ermogène sur le temple ionique de Diane à Ma-
■ gnésie , et sur le temple monoptère de Baechus
àTeos; Argelius sur les proportions corinthiennes,
et sur le temple ionique d’Escülape à Tralles.
Les écrivains de la seconde .classe* en plus grand
nombre , firent des traités sur les proportions, et
traitèrent de la mécanique. J’omets laliste de leurs
noms.
Je n’ai extrait de Vitruve cette énumération
des écrivains de l’architecture en Grèce, que
pour faire voir la différence de leurs traités,
d’avec ceux des architectes célèbres de nos temps
modernes, et pour tirer de là quelques conséquences
probables, relativement à la théorie moderne,
des cinq ordres. Aucun de ces anciens ns
nous semble avoir traité dés ordres d’une manière
systématique. L’un écrivit sur les proportions corinthiennes
De symetriiscorinthiis. Plusieurs ayant
pris pour sujets des monuméns de l’ordre ionique,
i il est à croire qu’ils y auront aussi joint lesrègles des
proportions de cet ordre. On ne sauroit dire si les
traités relatifs aux proportions en général {proe-
cepia symetnarum)., embrassèrent en grand ce
sujet, ou s’ils se bornèrent simplement à fixer les
proportions des ordres. Enfin, l’extrait des passages
T O S
Vitruve nous montre que, dans tous les cas, les
Grecs ne reconnoissoient que trois ordres.
Vitruve, dans son Traité d’architecture , composé,
ainsi qu’il nous l’apprend lui-même ,. des
matériaux de ses prédécesseurs, en aura sans
doute aussi emprunté l’esprit et Ja méthode. Nous
ue voyons pas qu’il ait réellement entendu parler
de plus de trois ordres. Quoique les proportions
qu’il affecte à chacun , ne soient point le sujet
d'une théorie suivie, puisqu’il en traite en des chapitres,
et sous des titres distans et divers entr’eux,
cependant il a réuni s0113 un même titre ce qui regarde
l’invention et la diversité des genres de
colonnes, qu’il borne au dorique , à l’ionique et au
corinthien. C’est après avoir rapporté l’origine du
chapiteau de ce dernier ordre (/. 4 * c- 1 ), qu’il
dit, que sur la colonne de cet.ordre on place d’autres
genres de chapiteaux, auxquels on donne
différens noms, mais qu’on ne peut pas inférer de
ces variétés, qu’elles forment une nouvelle espèce
de colonnes.
On ne sauroit, ce semble, faire mieux entendre,
qu’une différence de composition dans l’ajustement
des ornemens du chapiteau corinthien,
àe forme point un ordre distinct. C’est cependant
d’après les restes de_quelqu.es chapiteaux corinthiens
, composés autrement que celui de Callima-
que , qu’on a imaginé, dans les temps modernes ,
de créer un cinquième ordre , sous le noui d'ordre
composé ou composite. Nous avons assez réfuté
cette erreur, à l’article de. ces deux mots (voyep.
C o m p o s é ) ; nous ne la rappelons ic i, que pour
tirer une semblable conséquence à l’égard du prétendu
ordre toscan.
Cependant Les Modernes se sont crus bien autorisés
encore sur ce point, puisqu’ils ont pu alléguer
l’autorité de Vitruve, et celle même des
monumens. C’est cette double autorité que nous
nous proposons de combattre.
A l’article A r h it e c tu r e é t ru sq u e {voy. Et rus-
que) , nous avons traité d’une manière fort étendue
de Source qu’on peut connoître de l’origine
et du système de l’art de bâtir chez les Toscans, et
nous croyons avoir, porté à un assez haut degré
d’évidence , d’après l’histoire, les faits et les mo-
nurnens, que tous les arts des Etrusques, ainsique
leur mythologie, leurs institutions, leur langue et
leur écriture, étoient dans une - correspondance
parfaite , chez les Grecs, avec les mêmes objets,
considérés surtout dans les temps primitifs; qu’il
étoit avéré que de très-anciennes communications
avoient existé entre les deux —’gions ; qu’on ne
pourvoit se refuser à reconnoire la plus grande similitude
entre le système de construction en
bois des Etrusques , et celui qui servit de modèle
à fart des Grecs; .que dès-lors il n’y auroit sur ce
point, d’autre question que celle-ci : les Grecs
ont-ils emprunté aux Etrusques ou les Etrusques
aux Grecs , le système de bâtir qui leur fui commuai*
Nous ne répéterons pas ici les raisons qui
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commandent de croire que la véritable origine de
ce système fut en Grèce.
A l’article Ordre ( voyez ce mot), nous avons
développé assez au long pour ne pas être obligés
d’y revenir ic i, la vraie théorie de l’prdre, et nous
avons prouvé par les élémens qui le constituent,
que l’on ne fait point un ordre nouveau, par l’addition,
le changement, ou la suppression d’une
des trois principales parties qui en composent
l’essence. Ne faisant ici que rappeler ces considérations
, nous nous bornerons à faire observer,
que , ce qu’on a voulu appeler ordre toscan, n’est
autre chose que.l’ordre dorique, dénué de trigly-
phes et augmenté d’une base d’après la description
que Vitruve nous a laissée de la colonne de son
temple toscan. Nous renvoyons sur cet objet le
lecteur au mot Etrusque (architecture), où nous
avons rapporté en entier le passage, dans lequel
Vitruve décrit avec beaucoup de détails ce temple
toscan y tel qu’il en existoit de son temps à Rome.
Il est bon , en effet;, de remarquer, que cette
pratique de l’emploi du bois dans la construction
des temples , pratique qui, comme on l’a dit tant
de fois , fut l’origine de l’architecture en pierre ,
et ne cessa peut-être jamais d’être plus ou moins
admise en Grèce ( voyez T emple), non-seulement
se perpétua en Etrurie , mais même à Rome,
jusqu’après le règne d’Auguste. Nous en avons un
exemple dans le temple de Jupiter Capitolin,
brûlé sous Vitellius.Tacite, en décrivant la cause
de son incendie ( Histor. lib. 3 . c, 71), rapporte
que le feu ayant été mis à des maisons, dont les
toits s’élevoient presqu’au niveau du sol de ce temple,
la chaleur gagna les vieux bois de ce qu’il
! appelle aquilas , soutenant le faîtage. O r , comme
I nous l’avons montré au mot Fastigium {voyez
cet article), de quelque manière qu’on traduise le
mot aquilas , soit par Jronton, ce qui corres-
pondroit au mot aetoi des Grecs , soit par aigles
sculptées aux têtes des solives , servant de support
au Jastigiumy il est certain que_le^ bois étoit entré
dans la composition , non pas seulement du toit,
mais des parties soit du fronton, soit de l’entablement.
Mais la description du temple toscan par Vi-
iruve , nous apprend que jusqu’à lui, on faisoit à
Rome des temples à la manière des Etrusques ,
c’est-à-dire mélangés de bois et de maçonnerie.
Or, c’est en décrivant ce temple, qu’il parle de
sa côlonue, de sa proportion et de ses détails.
Pline, dans un très-court article de son liv. 3 6 ,
ch. 20, a copié Vitruve, et a réuni les notions
fort éparses de cét architecte , à deux lignes, dans
. lesquelles il nous dit qu’ il y avoit quatre genres de I; colonnes', généra earum quatuor. Que les colonnes
doriques avoient six diamètres de hauteur,
les ioniques et les corinthiennes neuf, les toscanes
sept. Çuoe sextam partem altitudinis in crassitu-
dine imâ habent doricce vocantur, quæ nonam
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