
Cependant, il paroît qu’au temps de Sénèque,
l’ usage des carreaux de vitre devint usuel dans
les maisons. C’est à peu près vers son époque, et
même plus tard, que les villes d’Herculanum et
dePompeia furent ensevelies sous les différentes
éruptions du Vésuve. Or, on a trouvé dans les
ruines de cette dernière v ille , non-seulément des
carreaux de vitre , mais même des châssis de
métal avec leurs vitres.
Nous voyons, par une multitude de passages et
d’autorités historiques, les carreaux de vitre
employés dans le moyen âge , et devenir, par le
secours de la peintureJàur verre , les matériaux
Usuels de ees grands vitrages , dont les plus anciennes
de nos églises virent orner les grandes
verlures de leurs fenêtres*
V itrés ( peinture sur). A l ’article Peinture
sur verre [voyez V erre) , nous avons fait con-
noîlre, dans le travail que nous a communiqué
sur cet art M. Brongniart, membre de l ’Académie
des sciences , et le plus expérimenté de tous nos
savans en celte matière, quels sont les divers
procédés de ce genre de peinture , ce qu'on de-
voit penser des préjugés qui régnent à cet égard
sur la supériorité des Anciens, et à quel degré
de perfection les tentatives modernes ont porté
lés moyens de renouveler , si ou l’encourageoit,
cette sorte de peinture décorative.
L ’article présent n'aura pour objet que de rechercher
les causes qui donnèrent autrefois la
vogue à l ’emploi de la peinture sur les vitres des
fenêtres, les causes qui en ont amené la désuétude
, et ce qu’on peut eneore se promettre du
renouvellement de cet usage*
Et d’abord , nous croyons pouvoir avancer que
l’antiquité grecque ou romaine ne connut ou
n’employa point ce genre d’ornement dans les
édifices Non qu’on veuille nier que les Anciens
dont nous parlons, plus habiles qu’on ne le croit
d'ordinaire dans le travail du verre , aient méconnu
le secret de le colorer. ( Pour ne pas
alonger inutilement cet article de citations archéologiques,
nous renverrons le lecteur à Varticle
V erre du Dictionnaire d* Antiquités de l ’Encyclopédie
, ou de nombreuses autorités déposent
du savoir des Anciens en cette partie.) Il n’y a
d'ailleurs personne qui ne sache à quel point le
travail des mosaïques employa les émaux , c ’est-
à-dire des cubes de verre colorié dans la pâte.
Nous avons fait voir £ar quels moyens habituels
les Anciens suppléèrent, dans leurs specularia ,
aux carreaux de vitre [voyez Fenêtres, Spécu-
xaire ) , q u i, à ce qu’il paroît, si l’on eh croit un
passage de Sénèque (lettre 90), ne furent guère
en usage à Rome que de son temps. Faut-il restreindre
à Rome la notion de cet écrivain ? On
seroit tenté de le croire , on de penser au moins
qu’il entend parler, non de l ’invention des carreaux
de vitre , mais de leur application aux fehêtres
devenue plus générale, au lieu de la pierre
spéculaire, à laquelle les mots perlucente testa
ne semblent pas convenir. Des carreaux de vitre
montés sur un châssis métallique , et retrouvés
dans la petite.ville de Pompeia , ensevelie sous les
cendres du Vésuve, l’an 79 de notre ère, semblent
devoir prouver que l ’usage dont parle Sénèque
étoit répandu ailleurs qu’à Rome.
Quelqu’opinion qu’on se forme de l’usage des
vitres dans l’antiquité, et tout en reconnoissant
q u e , vu la grande pratique des Anciens dans le
travail du verre, aucune raison fondée sur la difficulté
d’obtenir de cette matière , des tables ou
des carreaux, ne put en rendre l’emploi ni rare
ni dispendieux , il sera toutefois permis de douter
quils aient essayé d’appliquer à leurs vitraux des
verres coloriés, encore moins des verres peints
ou ornés de peinture , selon le vrai sens de ce
mot.
En distinguant soigneusement, en ce genre,
les verres qu’il faut appeler teints, plutôt que
peints, c’est-à-dire les verres coloriés à la verrerie
, dans la p âle , d’avec les verrés peints, c?est-
à-rdire qui reçoivent des couleurs superposées et
que l’action de la chaleur y incorpore, il est
assez naturel de penser que vers les derniers
siècles, ou ceux du bas-empire, à Constantinople
surtout, la grande pratique de la mosaïque
en émaux, auroit pu propager le goût de certaines
marqueteries en petits morceaux de verre coloriés
dans la .pâte.
Ce goût s’est encore conservé dans ce pays
jusqu’à notre temps, et contribue aujourd’hui à
former les fenjolivemens des vitraux dans les intérieurs
des maisons. Mais quel qu’ait pu être
l’emploi de ce goût d’ornement, dans le bas-
empire , il est tout-à-fait invraisemblable que
l’art de peindre en grand sur des vitraux , art dif-
ficultueux et dispendieux , ait trouvé alors les
occasions de se propager, en supposant qu’on
l’eût connu.
Il paroît probable que ce sera la construction
des églises chrétiennes qui aura fait accueillir ce
genre d’ornement, La grandeur des fenêtres et
des vitraux que ces églises demandèrent, l’aura
d’autant plus naturellement favorisé, que dans
cette entière décadence du dessin et des arts d’imitation
, beaucoup de procédés techniques et
métallurgiques , ne laissoient pas de survivre par
les routines des ateliers. Les autorités positives
nous manquent pour constater quel put être,
jusqu’aux siècles qui virent élever dans le moyen
âge les églises gothiques, l’état des procédés
propres à faire des vitraux en verre de couleur.
Mais vers le douzième siècle , furent commencées
d’être construites, en pierre, dans toute
l’Europe chrétienne , ces nombreuses et vastes
églises , q u i, selon toutes les apparences, remplacèrent
d’anciennes constructions en bois. A
cette époque , toute idée d’art et de peintiq6
avoit
avoit disparu, excepté dans ces sortes de travaux
de manufacture, que les corporations ouvrières
de ce temps, pratiquoient et perpétuoient. La
peinture sur vitres fut de ce nombre. Elle continua
d’être appliquée , soit en ornemens, dans les
compartimens des grandes rosaces, et dans le,s
encadremens ; soit en compositions de figures ,
dans les panneaux des grandes fenêtres, qui furent
ainsi converties, si l’on peut dire , en tableaux.
Ces tableaux, dont quelques belles substances
colorantes faisoient le charme , et dont le soleil
ou la clarté du jour faisoient l’effet, étoient composés
d’une multitude de petites pièces de v erre,
les unes coloriées dans la verrerie; les autres revêtues
de couleurs superposées, et réunies comme
un travail de .marqueterie, par de petites bandes
de plomb, ou affermies par de petites tringles de
fer. Mais la hauteur où étoient ces vitraux , et
la distance d’où on les voyoit, rendoient peu sensibles
ces sortes de ligamens, q ui, en interrompant
la continuité dès parties, seroient un grave
inconvénient vus, de près, et surtout dans des
ouvrages soumis aux convenances d’une véritable
imitation. Il n’étoit d’ailleurs question , pour le
goût de ces temps, e t , en raison des connois-
sances d’art répandues alors, que de plaire aux
yeux , par un mélange brillant et varié de toutes
sortes de configurations coloriées.
Or., on ne sauroil nier que ce spectacle de vitraux
coloriés , n’ait été , dans les églises
gothiques , un de leurs principaux mérites.; et
n’ait contribué, par un effet mystérieux, à pro^-
duire des impressions conformes aux sentimens
religieux. Ce genre de décoration , né avec lé
système de la bâtisse gothique, devait, dans
chaque 'psys, subsister autant que le goût auquel
il avoir été approprié.
La renaissance des arts de l’antiquité , c’est-
à-dire du goût dë la véritable imitation , devoit,
en ramenant l’architecture et la peinture , aux
principes de l’ordre, et de la vérité naturelle ,
discréditer l’emploi d’un genre et d’un procédé
de peinture, plus soumis à la pratique routinière
des manufactures, qu’au talent et au génie de
l ’artiste. La peinture renaissante en Italie , i ’èm-
para de nouveau de 'la décoration des églises.
Aussi voyons-nous dès le quinzième, siècle , dis-?
pavoî tre la peinture sur vitres^ malgré les améliorations
qu’elle avoit elle-même éprouvées.
La France suivit, mais plus tard , et plus lentement,
le mouvement imprimé en Italie, a tous les
arts d’imitation. Lë goût gothique beaucoup plus
répandu par l’architecture, et surtout par celle des
églises, n’y fut réellement déraciné que dans le dix-
septième siècle. Déjà la peinture était arrivée à
un très-haut point, mais plus d’ une circonstance
l’avoit empêchée de prendre son essor, dans la
décoration des églises. Aussi voyons-noüs encore
dans ce siècle , des vitraux d’église et de cloître ,
perpétuer l’ancienne pratique, toutefois avec un
Diction, d*Aichit. Tome III.
meilleur goût de composition , de dessin et de
couleur. Il devoit cependant arriver , et il arriva,
qu’en France au dix-septième siècle, comme
en Italie au quinze et seizième, la véritable peinture
employée selon le génie qui lui convient , et
appliquée à ses plus nobles emplois, dut fane
tomber dans l’oubli la peinture sur vitres y et l’ on
voit que cette sorte d’art, liée au goût.de la construction
, gothique disparut avec elle.
Dans la vé r ité , le succès qu’elle avoit en en
l’absence de la véritable peinture, dut discontinuer
, lorsque celle-ci lui opposa, et la science
du dessin, et la grandeur des compositions, et
la vérité du coloris, et la facilité du transport,
et les variétés des tons, ses procédés et l’économie
de son exécution. Il est en effet dans la destinée
de la peinture sur vitres, de, ne pouvoir
être employée qu’en fenêtres, et de ne pouvoir
recevoir son effet que de la transparence de la
matière; ce qui fait qu’elle ne peut s’accommoder
( que d’une seule position , lorsque toute espèce de
local est propre à recevoir les autres sortes de
peinture. Son très-grave inconvénient est encore,
de ne pouvoir exister que sur la matière la plus
fragile , de ne pouvoir se pratiquer que sur des
assemblages de carreaux de v erre, plus ou moins
multipliés , ce qui oflre a la composition et a
l’ensemble des figures , plus d’un genre de difficultés
et de désagrémens.
D’ailleurs ce genre de magnificence , noble
mais triste, dont on déçoroit les églises, ofiroit
de plus grands inconvéniens dans les palais des
princes. Il produisoit à leur intérieur une sorte
d’obscurité , surtout quand le sujet qu’on pêïgnoit
étoit riche et composé. La difficulté d’ouvrir les
châssis des fenêtres, et la crainte d e_casser les
vitraux , empêchoient de renouveler Pair, et l’interception
des rayons de la lumière ajout oit à
Pinsalubrilè. Celle réunion d’inconvéniens fit dé-
cheoir la peinture sur vitres avec tant de rapidité,
que le célèbre Palissy fut obligé d’y renoncer.
Il tourna son talent du côté de la poterie, et se
réduisit, pour vivre , à peindre sur la faïence.
Voilà les vraies considérations qui tendent à
expliquer la désuétude de ce genre d’a r t, désuétude
qu’on ne sauroit attribuer, comme on a pu
le voir [voyez V erre (Peinture sur) à l’ignorance
des procédés, qui n’ont jamais manqué de
se reproduire de temps à autre, dans des essais
que le goût régnant et celui de l’architecture ont
nécessairement manqué d’encourager.
Ce besoin de nouveauté qui tourmente les sociétés
modernes, et qu’on ne trouve guère le
moyen de satisfaire qu’en ressuscitant de l’ancien
, a tenté depuis un certain nombre d’années,
en Angleterre surtout, de f^ire rétrograder le
goût de bâtir jusqu’au gothique, et on a vu des
églises nouvelles bâties à neuf dans ce système.
Faudroit-il attribuer à cette bizarrerie en construction,
l’idée de renouveler aussi le genre de GgSë