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cet intérieur. Son plan est un carré parfait, au
milieu duquel s’élève une coupole de modique
hauteur, reposant sur quatre colonnes adossées
chacune à un pilier, ce qui forme dans chaque
sens, trois nefs, dont la plus large est Celle du
milieu. Sa façade, ou son portail, n’offre rien de fort
remarquable, et il est un des premiers exemples
de ces frontispices à plusieurs ordres adossés', que
l’on a répétés dans le siècle suivant, avec beaucoup
de monotonie. Au reste, Sansovino eut
évidemment, dans cette composition, l’intèn-
tion de la faire concorder, pour la hauteur,
avec celle du bâtiment des Procuratie vechiej intention
qu’il avoit déjà eue dans son monument de
la Bibliothèque ; ainsi qu’on l’a vu, et que Sca-
mozzi paroît depuis s’être étudié à Contrarier,
aspirant peut-être à faire adapter sa nouvelle élévation,
au corps entier de la place Saint-Marc.
Sansovino est l’auteur de beaucoup d’ouvrages
moins importans , mais qui constatent, et la multiplicité
de ses connoissancés, et'la fécondité de
son génie. Il y a de lui à Venise plus d’un mausolée
où le talent de l’architecte le dispute à celui du
sculpteur, et où les deux arts n’en sont que mieux
unis. On cite, entr’autres , dans L’église de Saint-
Sébastien , celui de l’archevêque de Chypre , ensemble
aussi simple dans sa majesté , que riche et
varié. C’est une belle arcade ornée de colonnes ,
élevées sur un soubassement, et qui portent un
beau fronton. L/enlre-colonnement est occupé par
la tombe de l’archevêque, et sa statue est représentée
couchée.
Ce futàl’âge de quatre-vingts ans, qu’il exécuta
pour le doge Reniero le beau monument sépulcral
qu on admire à l’église de Saint-Sauveur; les deux
.statues qui ornent les niches latérales du monument
sont aussi de sa main , et rien n’y décèle l’époque
d’un âge aussi avancé.
On doit encore faire ici mention des belles
portes de bronze, dont il donna les dessins, et
qu’il exécuta pour la sacristie de Saint-Marc.
C’est là qu’il a consacré par les portraits de Titien
et d’Arelin qu’il y a introduits , avec le sien
propre, l’étroite amitié qui ne cessa de les unir
tant qu’ils vécurent. Liés'et par la conformité de
leurs vues, et par la réputation dont ils jouirent,
et par l’intérêt commun qu’ils prirent à leurs
succès réciproques, on a attribué à cette liaison
une partie de l’éclat que les arts répandirent alors
sur Venise.
Venise aussi se montra digne d’avoir de tels talens,
puisqu’elle sut les honorer par les plus flatteuses
distinctions. Dans un moment de détresse, où l’on
se trouva forcé d’avoir recours à une imposition
extraordinaire , qui devoit peser indistinctement
sur tous les citoyens, le Sénat n’en excepta que
Titien et Sansovino. .
Cet architecte mourut à l’âge de quatre-vingt-
onze ans, le 2 7 novembre 1570.
Sansovino doit être compté dans le petit nom-
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bre ; non-seulement de ceux qui ont formé eJ
illustré la grande école vénitienne , mais des p|„J
grands artistes du seizième siècle. Quelqu’écLa
qu’ait jeté après lui Palladio, dont le nom
dans l’opinion publique, semble avoir effacé ceud
de ses prédécesseurs , pour ne l’être plus par auJ
cun de ceux qui l’ont suivi, il est manifeste quj
pour ce qui est du mérite fondamental de l’art il
n’a rien ajouté aux ouvrages d0 Sansovino} et lui
a dû beaucoup sous le rapport de la composition fl
du goût, de l’ordonnance et de la manière d’emJ
ployer les ordres. Aucun architecte n’eut plus|
que Sansovino de grâce dans le style , de correc-i
lion dans les détails, de noblesse dans l’invention I
de fécondité dans les idées. On lui a reproché del
manquer souvent de solidité dans sa construction |
défaut qui tint peut-être à ce que l’occupation de
ses premières années, ne lui aura pas permis d’approfondir
ce genre d’études.
Quant aux dons personnels, il paroît que fil
nature a voit été fort libéralè envers lui. On vante]
lés agrémens de sa figure, ceux dé son caractère!
et la gaîté de son humeur, qualité précieuse, qui
contribue autant au bien-être de l’esprit, qu’à la
santé du corps, et à laquelle Sansovino fut peut-
être redevable d’avoir parcouru , sans infirmités,
une si longue carrière.
Bien que prévue depuis long-temps, et arrivée]
au dèrnier période de la vie humaine , la mort del
Sansovmo fut pour Venise qui l’avoit adopté, et1
pour Florence sa patrie, un sujet de. deuil et dej
vifs regrets. Sa mémoire fut honorée par plus d’unj
témoignage public de louange , dans plus d’une]
inscription. Mais il n’en subsiste plus aucune.
Nous rapporterons la plus simple et la plus courte,]
dont l’auteur fut Bernardo Baldovinetti.
I l Sansovin ch’ A dria superba irfuce-
D i bronqi e marmi di palagi e tempi
Che illustra l’A rno, e toise à primi tempi
D é lia scultura ilpregio , orqui s i g iace.
T A URO MIN TU M ou TAORMINE. Ville antique
de la Sicile, qui a conservé enjre quelque!
débris de ses anciennes constructions, les restes]
peut-être les plus intègres qu’il y ait, d’un théâtre
aussi remarquable par les détails de son architecture
, que par la singulière beauté de la position
qu’il occupe au sommet de la montagne ^ où la j
ville étoit bâtie. •
On diroit en effet que la nature elle-même an-
roi t donné le plan et comme l’idée première de ce
théâtre, et que l’art n’auroit fait que l’achever et le
façonner à l’usage, de l’ancien peuple qui s’étoit
chargé de le décorer. En e'ffet, l’anse et la forme
même de la montagne avoient donné la portion
du cercle, où l’on ne fit que tailler les gradin»
dans la roche, eu surmontant le tout d’une construction
en briques , avec une galerie extérieur®
servant de couronnement à l’édifice. Deux rocher*
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carpes formoient comme une avant-scène natu-
flle et entre ces rochers on construisit le pro-
lenium sur une sorte de terrasse donnée aussi par
u nature. La peinture, et à plus forte raison le
discours, ne sauroienl rendre la grandeur et la ma-
unificenee des aspects, que l’oeil embrasse de la
Galerie qui circule autour du théâtre. La vue s e-
îend de là sur une large baie , au bout de laquelle
coule le fleuve Alcantaro. Plus loin on aperçoit
les riches càmpagnes qui décorent la base immense
de l’Etna, les grands bois qui forment la
ceinture de sa moyenne région , les neiges perpétuelles
qui couvrent la plus haute de toutes, enfin
son sommet, qui, selon l’expression du poete,
semble être une colonne du ciel, et qui vomit des
Liens de fumée. En se retournant d’un autre
côté vers le midi de la Sicile, on découvre les
plaines riantes de Leontium, qui s’avancent dans
].i mer par différens caps, que l’on voit produire
autant de plans tous plus riches les uns que les aulnes
, celui de Catania, à'Augusta, enfin jusqu à
celui.où est bâtie Syracuse, que 1 on voit à peine
|se perdant dans la vapeur. Voilà quelle est la vue
dont on jouit, de la galerie du théâtre de Taor-
i mine et.ee qui servoit de perspective aux spectateurs
placés sur les gradins supérieurs,
j (1 n’a point encore paru de dessin qu’on puisse
j d.ir.e fidèle de. ce monument, et d’après lequel on
[puisse en donner des détails exacts. A ce défaut
nous extrairons quelques notions de la description
I qu’eu a faite Philippe Dorville , dans sa Sicula
ullusirdta. _ ; .
I Le théâtre d e Taor/nine (dit-il) est aujourd hui
presque dans son entier, ou au moins il couserve
les vestiges de son iinlique forme , car 1 amphithéâtre,
c’esl^à-dire le lieu où les spectateurs
éloient assis , les gradins ou degrés , ainsi que
les escaliers , étoient taillés dans le roc vif. Le
reste de l’édifice étoit construit en briques de la
' plus grande forme. Nous ne pouvons déterminer
quelle étoit la matière des colonnes , des po clives
, et des autres parties de l’édifice; mais il est
robable qu’elles étoient de marbre, car on trouve
ans les carrières les plus proches , un marbre diversement
nuancé de rouge. Or, telles sont plu-
ieurs des colonnes qui ornent les églises de Taor-■
'ùney et dans le pays, la tradition est qu elles ont
té enlevées au théâtre.
L’on montoit à la galerie d’en haut, qui circu-
oit tout à l’entour, par des escaliers et des degrés,
la observe qu’il n’y avoit point de ces paliers dans
a montée qu’on appeloit proecinctiones. 11 n y avoit
pas non plus de vomitoiYes, et il ne pou voit pas y
îo avoir , puisque les gradins étoient tailles daus
a masse même du rocher. IL paroît, autant qu on
bu peut juger par ce qui en subsiste encore, que
chaque gradin avoit en-largeur le double de sa
hauteur, et il y a lieu de penser qu’ils étoient recouverts
de planches.
Derrière le rang Le plus élevé, ou le plus eloi-
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gné de l’avant-scène, et autour de 1 amphithéâtre
occupé par le peuple, il y avoit trente-six niches
ornant l’intérieur de la galerie. Ces niches
étoient alternativement ornées de frontons angulaires
et circulaires. Il est naturel de penser qu elles
étoient remplies par des-statues, qu’on sait avoir
été très-multipliées dans tous les théâtres des Anciens.
I ]H H
De chaque côté de l’édifice, au lieu ou se tei-
minent les gradins de l’amphilliéâtre, c'est-à-dire
aux deux extrémités de l’avant-scène, on voit les
restes assez entiers, de deux corps de batiment,
dont la construction est antique. Ils étoient distribués
en plusieurs pièces , e t , autant qu on en
peut juger, il y en avoit deux étages. Ces deux
corps étoient réunis par la construction meme de
ce qui formoit la-scène proprement dite , laquelle
étoit décorée d’ordonnances d’architecture, et pet-
cée de trois portes ; celle du milieu etoit plus grande
que les deux autres. Derrière cette devanture ré-
gnoit une sorte de corridor qui étoit 1 e postsce-
nium. Ou peut voir dans leVoyage de Saint-Non,
tom. IV, une restititution en-élévation et en plan
de ce théâtre , d'après laquelle , bien quelle laisse
à desirer, nous avons rectifié quelques inexactitudes
de la description de Dorville , et avec d autant
plus d’assurance , que nous avons nous-meoee
visité les restes de Taonnine,.
Il existe encore dans cette ville quelques autres
débris d’antiquité, tels que des .constructions
d'anciens aqueducs masquées par des constructions
nouvelles. Plus haut, d’autres aqueducs appor-
toientsans doute des eaux abondantes, dans cinq
piscines très-vastes , dont la première , encore
parfaitement conservée, indique le plan et la
construction des quatre autres qui étoient adossées
à la montagne. Ces piscines, quoique moins
grandes que celle qu’on appelle à Baies ja pisema
mirabile, sont absolument dans le meme goût;
elles forment de grands carrés longs avec des arcs
portés-sur des piliers. On y voit encore l ouverture
par laquelle arrivoient les eaux, et une antre pour
écouler le trop plein des réservoirs. 11 y a un escalier
pour y descendre, et enfin une-écluse pour
les vider entièrement et en ôter le limon. C
L’eau de ces piscines se rendoit, dit-on, à une
nanmachie au milieu de la ville. C’est ainsi qu op
appelle un reste de construction antique decorée
en niches ou arcardes de onze pieds d’ouverture ,
séparées par des piliers carrés en forme de contrer
forts. Le tout est construit en briques. Quelques antres
vestiges du même genre de.constructiom engagés
dans des maisons voisines, donnent le cote parallèle
de cet édifice , et permettent de conclure
crue sa largeur étoit d’environ vingt-quatre toises.
Ce qui faisoit le bassin de cette prétendue nau-
machie, est rempli de terres eide plantations formant
aujourd’hui nn jardin. Il est peu vraisemblable,
malgré l’opinion vulgaire dans le pays, qn il
v ait jamais eu une naumachie dans cette partie de
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