
quelque sommet élevé, que le besoin d’adresser
des hommages au grand Etre, dut en rassembler
les adorateurs. C’éloit, comme la Bible nous l’apprend
, sur les lieux hauts, que la superstition chez
tous les peuples voisins du peuple juif, avoit
établi ses autels et ses sacrifices. Un grand nombre
de documens, de vestiges plus ou moius authentiques
; et d’usages postérieurs , traditions de pratiques
plus anciennes, nous permettent de conjecturer
qu’en Grèce, les sommets des montagnes
furent aussi les premiers lieux sacrés; la plupart
ayant reçu celte destination de quelques aventures
mythologiques , auxquelles l’imagination
avoit donné naissance , et que depuis une pieuse
Crédulité n’avoit pas manqué d’accréditer.
Le premier temple aura donc été un simple terrain
consacré par un autel , où se faisoient les
sacrifices, où se déposoient les offrandes. Ce
terrain ne s’appela point autrement que lieu sacré ,
hieroji en grec. T r è s-u a l u r e 11 e m eut on l’entoura
postérieurement d’une enceinte quelconque. On
croit retrouver encore aujourd’hui quelques-unes
de ces enceintes, dans des restes de murailles
construites en grosses pierres polygones.. Bien
qu il y ait un grand abus.de critique, à prétendre
que partout où l’on trouve de ces vestiges et de ces
matériaux , il y eut un hieron ou enceinte sacrée ,
comme si mille autres raisons n’avoient pu faire
employer le même genre de bâtisse à d’autres objets,
on peut se prêter à croire que la religion,
tout en changeant et de culte et de forme, aura
pu faire durer long-temps les vestes de ces lieux
consacrés par d’antiques souvenirs.
lShieron, entendu comme enceinte sacrée, a dû.
subsister dans les usages religieux, et ■ constituer
exclusivement le temple , tant qu’un simple autel
fut l’unique signe du culte, le seul point de centre
des cérémonies. O11 voit qu’il devoit suffire aux
besoins des premières sociétés, et sa position à
ciel découvert n’exigeoit rien de plus.
•le n’examinerai point ici (tant la recherche
seroit longue et inutile au but que je me propose),
si , dans fa suite même des temps, ce culte eu
plein air, sur le terrain sacré enclos de murs, dut
-subsister, et jusqu’à quel point il s’en conserva
des traces. Rien n’est durable comme les usages
religieux, et sans doute plus d’une superstition
l ’aura perpétué dans plus d’un endroit. Je ne
cherche ici qu’à rendre compte des causes probables,
qui influèrent à la fois sur les pratiques du
culte, et par suite sur la formation des temples.
Or, j’en crois voir une très-vraisemblable
dans l’idolâtrie proprement dite , ou le culte des
idoles. On ne sauroit affirmer que, surtout dans les
premiers âges de la Grèce , l’enceinte sacrée
n’admetioit aucune figure en présence de l’autel.
Mais ce qu’il est tort permis de croire, c’est que
üans un temps où la première pierre , le premier
tronc d’arbre plus ou moins façonné, pouvoit tenir
lieu de simulacre, on ne s’occupa guère de metire
à couvert d’aussi informes idoles. L’idée cVuJ
templey comme bâtiment construit, ne dut se
senter que lorsque le progrès dans l’art des lioules[
taillées , eut commencé à donner à la Divinité, ll(le |
personnification assez sensible, pour qu’on pût C( j
prendre, l’image pour une réalité, et porter quel- i
que soin à sa conservation, en lui procurant a J
demeure.
De cet usage aura dû dater , ce nous semble 1« |
besoin, et dès-lors l’usage du temple construit I
c’est-à-dire du terrain sacré, réduit, selon les!
lieux, à une moindre étendue. C’éloit toujoursI
Yhieron dans son sens naturel et primitif, mai$$a|
nouvelle destination lui fit donner .le nom de naoil
en Grèce. Plus l’art de la sculpture , par le déve-1
loppement progressif de l’imitation, parvint à|
perfectionner la forme des idoles, plus l’imagioaB
lion des peuples crut y voir le Dieu lui-même, e
plus il devint nécessaire de lui donner une habita
lion conforme à sou importance , à la grandeurI
et à la beauté de l’image. Le temple fut donc as-j
similé à une maison. De là la différence qu’on doit1
mettre dans l’interprétation des textes grecs, entre
les deux termes principaux hieron et naos. I
h’hieron , entendu comme enceinte sacrée, avoit I
existé d’abord , et put continuer encore d’exister, I
sans naos ou habitation divine. Le naos existai
souvent sans enceinte sacrée ; mais comme, consi-1
déré en tant que bâtiment, il renferme encore!
lui -même un terrain sacré dont il devient l’en-1
ceinte; etcomme le mot général hieron ne signifie
que lieu sacré, il a pu être donné à des 'temples I
construits sans enceinte à l’entour, ainsi qu’à des
enceintes sans bâtiment; et une multitude de I
passages prouvent ce double emploi. Or, c’est à
une critique exercée et sans système, qu’il appav-1
tient de discerner, dans quel sens ce mot doit être 1
souvent entendu.
Nous croyons donc voir dans. Jes progrès de I
l’art des idoles en Grèce, et dans l’accroissement I
de leur culte^! l'origine du besoin d’avoir des I
temples construits, pour devenir ^habitation du I
Dieu. La statue de la Divinité devint- alors le point I
de centre du culte , ce qui n’empêcha point l’autel I
placé en plein air, d’être le lieu des sacrifices, et I
les cérémonies religieuses d’être pratiquées en de- I
hors: Or, voilà ce qui expliquera , quelle fut, par I
la suite, la conformation des plus grands temples,. I
et, pourquoi le plus grand luxe de l’architecture
dut se porter à leur extérieur.
Pour le présent, il nous suffit de voir , comment
et pourquoi le Dieu devenu idole à figure humaine,
fut encore assimilé aux hommes , par le
besoin d’avoir une habitation. Or, dès qu’on fit
d’un temple une habitation, il fut tout naturel
qu’elle prît la forme des maisons. C’est ce que la
suite nous montrera.
Mais je ne peux m’empêcher de m’arrêter à ce
point, qui paroît d’autant plus certain , que le*
r lâ subséquens permettent de remonter à leurs
i •ucédens , pour faire observer, une des difïé-
p nces caractéristiques de l’architecture grecque,
iavec l’architecture de l’Egypte, d’où une cri-
iktae routinière prétend venir faire les modèles
déserts de la Grèce, quoique dans le fait il n’y
Lit entre les ouvrages des deux nations en ce J enre> d’autres ressemblances , que celles de cer-
Itains élcmens, qui ne peuvent point ne pas elre
(comniiins à trais les hommes, même lorsqu’ils n’but
■ aucune communication entr’eux. g
I La différence dont je veux parler, me paroît
■ être résultée, de la différence même du type primi- ^
(tif donné par les symboles du culte, ou par les 1
■ premiers objets, sous la foi me desquels l’idée de la I
I Divinité fut rendue sensible. Il paroît constant ^
(que le polythéisme sera né des rapports divers,.
Ijous lesquels on se figura les attributs des puissances,
et des propriétés de L’Etre suprême. Ou
Iconvient que les idées morales et métaphysiques
I furent fixées, en Egypte, dans son écriture hiéro-
Iglypliique, et exprimées par la- forme matérielle
(des corps et surtout des animaux , qui devinrent,
I dans Tiuii tation qu’on en li l, les images sensibles des
(diverses combinaisons de l’intelligence. Dès-lors on
(s’explique aisément comment une figure d’animal,
[connue pour exprimer telle vertu, telle qualité,
■ sera,devenue dans sou, application aux choses di-
[vines, une figure consacrée , où sans doute on
auroil dû voir, non la chose elle-même ,,mais celle . I qu’elle signifioit. De l’habitude d’honorer dans le
[signe imitatif d’un animal, un des attributs de la i
[Divinité, le peuple ignorant aura dû bientôt pas-
I ser jusqu’au respect pour le signe matériel ( ce qui
■ arrive presque ^partout ). Mais qui pouvoit alors
| s’opposer à ce que l’on transportât au modèle, le
1 respect qu’on avoit pour son image, et qu on ne
I le prît lui-même, en toute réalité, pour être un
i symbole vivant de la chose signifiée î De là sera
| provenu ce qu’on appelle le culte des animaux.
I Or, il paroît qu’on est d’accord , que dans cha-
Ique, genre de temple, en Egypte, il y avoit un
I animal sacré, qu’on èntretenoit en vie. Tels étoient
I entra u 1res l’épervier, l’ibis, le vautour, le croco-
I dile, le cynocéphale , le chien , le boeuf, etc. Les
I restes des temples de l’Egypte , encore en très-
I grand'.nombre ; ont conservé ce qui dut être 1 es-
[ pèce de sanctuaire propre à de pareilles divinités.
Les" Grecs le nommèrent secos. C’éloit un tres-
i petit local, privé le plus souvent de la lumière du
jour , et qui ne ressembloit pas mal, à ce que
nous nommerions, dans nos ménageries , une loge.
Ce local étoit, par le fait, sans rapport avec l’en-
I semble de tous les bâtimens beaucoup plus considérables,
qui, ajoutés les uns en avant des autres ,
et probablement dans des temps divers, seryoient
d’antécédens au petit secos occupé par l’animal.
Rien, comme on le voit, ne put, en ce genre, ni
servir de modèle aux Grecs, dans la disposition
de leurs temples, ni leur inspirer la moindre iraitalion.
Chaque temple naquit en chacun des
deux, pays, d’un principe divers, et se forma sur
un type qui lui fut originairement particulier.
Le temple grec fut donc , dans l’origine , une
maison préparée pour l’iiabilation d un dieu.> que
l’art avoit déjà façonné sur le modèle de languie
humaine*. - ,
C’est peut-être là, quoique je ne sache pas qu on
l’ait jusqu’ici remarqué , la raison la plus simple
et la plus naturelle, de là différence caractéristique
qu’on est forcé de reconnoître, entre la disposition
du temple égyptien et celle du temple grec ,. et
entre les principaux élémens de leur construction.
A l’article A r ch it e c tu r e , nous avons essayé
de ramener à quelques principes originaires, tels
que ceux des premières habitudes, des besoins locaux
et des ressources naturelles aux di verses contrées,
les formes les plus caractéristiques, sous
lesquelles, se distinguent certains modes d architecture.
Nous avons attribué, en parue à 1 usage
des excavations souterraines , en Egypte, la simplicité
, la massivité et le manque presqu absolu de
projections dans les masses, que nous présentent
les monumens construits de ce pays. De pareilles
théories ne doivent jamais être prises trop a ta
lettre, ni entendues dans le sens absolu d une démonstralion.
Npusavons d’ailleurs, pour expliquer
le genre de couronnement des édifices égyptiens,
mis en avant la rareté des bois|fqui dut faire
trouver dans la pierre seule , et dans son seul emploi,
une manière d'être, et une conformation
toute différente du système de bâtir en Grèce, ün
peut ajouter encore à ces causes originaires et
déterminantes de l’ait de bâtir, l’usage dicte pâlie
climat, de terminer les maisons en terrasse,
usao-e qui s’est perpétué, et qui se perpétuera,
tant qu’il sera favorisé par un ciel habituellement
sans nuage. Aussi a-t-on remarqué, que non-seulement
tous les temples e u Egypte, ou pour mieux
dire tous les corps de bâtiment qui composèrent
leur ensemble,.sont uniformément^couverts en
terrasse, mais qu’on n’a pas encore découvert dans
ce pays , la moindre indication de ce qu on appelle
un fronton.
Nous ne répéterons pas ici, que le fronton, image
du toit, est tout à la fois la représentation de la
charpente qui forme les couvertures en bois, et
la preuve de l’emploi immémorial du bois dans les
temples de la Grèce. Gomme on ne sauroit se refuser
à croire que les .habitations particulières , des les
premiers âges, furent en bois, il est tout aussi nécessaire
de croire, que les premières demeures préparées
aux premiers simulacres des dieux , furent
des'constructions du même genre. Les premiers
temples se composèrent donc de simples murs,
dont le bois formoit l’élévation, et^ que surmon-
toit un toit composé de solives H H venant
s’appuyer sur les pièces de bois horizontalement
posées , qui depuis donnèrent naissance a 1 architrave,
dont le nom qu’il porte apprend l origine.
T. I I 3.