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sonorité, et de servir à la répercussion de la
voix. . .
Nous n’entreprendrons pas de rendre ici raison
de cette pratique des Grecs, dans la disposition et
l’organisation de leurs théâtres. Cette matière exi-
g e ro it, pour être bien traitée, des connoissances
musicales qui sont étrangères à l’objet principal
de ce Dictionnaire. Toutefois, nous pensons que les
notions de plus en plus étendues , que les voyages
nous ont données sur la-conslruclion du très-grand
nombre de théâtres chez les Grecs , pourroient
mettre sur la voie de l’explication d’une semblable
méthode. Le chapitre de V itruve, que nous allons
rapporter dans son entier, nous semble constater
la raison que nous allons indiquer de cette pratique.
Or, il est aujourd’hui reconnu, par les restes extrêmement
multipliés de théâtres qui subsistent en
Sicile, en Grèce , dans l’Asie-Mineure et autres
contrées où fleurirent les arts de la G rece, que
l ’usage général fut de choisir, pour 1 élévation d un
théâtre, la pente d’une montagne , ou un site soit
préparé par la nature , soit excavé par l’art, dans
la masse souvent d’un rocher, où l’on tailloit les
gradins, lorsqu’on n’y rapportoit point les montées
par des pierres taillées sur le chantier. De l’une et
l’antre manière, il est certain que le fond , qui
formoit ce que nous appelons aujourd hui 1 amphithéâtre
, devoit être sourd de sa nature, et ne pou-
voit guère avoir la. faculté de répercuter le son.
lia différence que Vitruve établit sur ce point
d’acoustique entre les théâtres des Grecs , et les
constructions des théâtres romains de sou temps,
donnera peut-être quelque probabilité de plus à
l’hypothèse explicative que nous avons hasardée.
Voici le texte abrégé de Vitruve , sur les vases
de théâtre (liv . V , en. v. ) :
» On fait des vases d’airain selon la grandeur
du théâtre , et on leur donne une telle proportion
que, quand ou les frappe , ils sonnent k la quarte
ou à la quinte l’un de l ’autre, et font ainsi toutes
les autres consonnances jusqu’à la double octave.
» Ces vases doivent être placés par une proportion
musicale , entre les degrés du théâtre, en
sorte qu’ils soient isolés et ne touchent point aux
murs de l’endroit qu’ils occupent, et qu’ils soient
environnés d’un espace vide par en haut et tout à
l’entour. Ils doivent être inclinés, et élevés du
côté qui regarde la scène par des cales à la hauteur
d’un demi-pied. Les locaux qui les reçoivent
doivent avoir, au droit des degrés‘d’en bas, une
ouverture longue de deux pieds et large d’un demi-
pied. . ,
» Ces locaux, ou petites chambres , seront
disposés en cette sorte : si le théâtre n’est pas
fort grand, il faut tracer au milieu de toute sa
hauteur une région pour treize de ces locaux, qui
laisseront enlr’eux douze intervalles égaux.
........... » C’est dans ces treize petites chambres
que seront placés les vases , selon l’ordre qui leur
sera assigné parla diversité des sons musicaux-----
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» Cette disposition d e svases d’airain fera .qne
la voix , qui viendra de la scène comme d’un
centre , s’étendant en cercle , frappera dans les
cavités des vases, et eu sera rendue plus,forte,
selon la consonnance et le rapport que son tou
aura avec quelqu’un des vases. Mais si le théâtre
est grand et ample, il faudra partager sa hauteur
en quatre parties, afin d’y pouvoir faire trois rangs-
de petites chambres, dont l’un sera pour le genre
enharmonique, l’autre pour le chromatique, et
l’autre pour le diatonique...........
» Pour exécuter toutes ces choses avec justesse,
il faut opérer d’après la figure qu’Arisloxène a
faite selon les règles de la musique, et dans laquelle
il a divisé toutes les modulations en général
avec un travail et une industrie particulière. On
pourra encore rendre la structure des théâtres plus
parfaite, si on a égard à la nature de la voix
et à tout ce qui peut la rendre agréable.
» Mais, dira-t-on, en tant de théâtres qu’on
fait tous les ans à Rome, pourquoi n’observe-t-on
pas toutes ces choses? Je réponds que tous nos
théâtres publics sont de bois, avec des planches
qui résonnent naturellement.......... Au lieu que la
méthode dont nous venons de parler est nécessaire
aux théâtres qui sont faits de matières solides,
telles que la pierre et le marbré qui ne retentissent
point. Que si l’on demande quels sont les théâtres
où ces choses ont été pratiquées, dl est certain
que nous n’en avons point à Rome j mais on en.
voit en quelques autres villes d’îta lie , et en plusieurs
endroits de la Grèeé. Ce que L. Mummius
fit voir, lorsqu’il apporta à Rome les vases d’airain
d’un théâtre qu’il avait fait abattre à Corinthe, et
qu’il a dédiés, avec d’autres dépouilles , dans le
temple de la Lune. Aussi plusieurs bons architectes
qui ont bâti des théâtres dans de petites villes
qui n’avoient pas le moyen de faire de grandes
dépenses, se sont servis de vases de poterie, qu’ils
ont choisis propres à résonner comme il le faut,
et qui ont fort bien réussi, »
VEAU (LE).Il est arrivé à cet habile architecte,
comme à plusieurs autres de son époque, féconde
cependant en grands artistes, de ne laisser d’autres
témoignages de son existence que dans des
travaux, dont il n’eut pas seul la gloire, et, où
une pluralité de coopérateurs et de successeurs
empêche qu’un seul nom en recueille la renommée.
Disons encore que les biographes, les
collecteurs de mémoires, n’arrivent ordinairement,
qu’après ceux qui méritent de faire passer leurs
noms à la postérité, et toutes sortes de causes
ont souvent produit l’oubli des particularités de
leur vie.
Ainsi on ne sait rien du tout de personnel à Le
Veau, qui fut cependant un des meilleurs architectes
de son temps, sinon qu’il naquit en Ifcjgp®
qu’il fut premier architecte de Louis XJV, | l f
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l’an 1653 jusqu’en 1670, et qu’il mourut cette |
même année âgé de cinquantediuit ans.
Une de ses premières entreprises , et de ses plus
importantes , fut le château de V eaux, qu’il éleva
en i 663, pour le surintendant Fouquet qui n’avoit
rien épargné pour en faire une habitation magnifique.
Le château de Livry avoit été construit vers le
même temps, par Le Vea u, pourM. Ëordier ,
intendant des finances. 11 a été démoli vers la fin
du dernier siècle.
Cet architecte fat appelé à réaliser une de ces
grandes entreprises, qui malheureusement dépendent
de trop de circonstances, pour que celui qui
les commence en puisse voir la fin. Il fut chargé
de donner le projet de la grande église de Saint-
Sulpice à Paris. L ’ancienne éto'it devenue beaucoup
trop petite , pour la population du faubourg
Saint-Germain. Anne d’Autriche en posa la première
pierre, et Le Veau en jeta les fondemens.
PJus d’un architecte s’est succédé dans les dessins
et les travaux de cette église, dont le choeur fut
construit avant la nef. On lit, dans plus d’ un biographe
, que L e Veau n’éleva la chapelle de la
Vierge, que jusqu’à la corniche seulement. 11 faut
entendre que la coupole qui précède aujourd’hui
la chapelle de la Vierge, devoit être cette chapelle,
dans le projet de X e Veau, Celle qui
existe de nos jours est évidemment un appendice,
et une construction plus moderne, ajoutée au
pian primitif. Il est donc à croire que si Le Veau
élève ijusqu’à la corniche, la coupole qui est au bout J
du choeur, il aura également porté au même point,
la construction de-ce choeur, qui, ainsique celle
des bas côtés , s'éroit son ouvrage.
L e Veau fut l’architecte d’un charmant petit
palais situé à la pointe de T ile Saint-Louis , et
qu’on appelle encore hôtel Lambert, bien qu’il
ait changé plus d’une fois de propriétaire et de
destination. Cette jolie maison rappeloit assez
dans son temps , par l ’agrément de son architecture
extérieure, et ses distributions intérieures,
le goût de bâtir et d’orner des bons temps de
l’Italie. Il y avoit des plafonds peints p&r Lebrun,
et une galerie décorée par Le Sueur, dont on a
détaché la charmante suite des Muses, que l’on
conserve dans le Musée Royal.
D’autres constructions d’hôtels occupèrent le
talent de Le Fieawd’une manière distinguée. On
cite les hôtels de Pons, de Colbert et de Lionne5
ce dernier devint l’hôtel Pontchartin. Mais où
retrouver aujourd’h u i, même le souvenir de bâti-
mens que des cbangemens continuels, ou ont fait
abattre , ou ont dénaturés?
' Eu i66ô, le cardinal Mazarin lui confia l’exécution'des
cbangemens qu’il vouloit faire à l’ancien
château de Vinoennes, dont il ne reste plus que
les huit tours , et le donjon. Le Veau éleva deux
ailes nouvelles, et le portique qui regarde le
paro;-
Quatre ans après, Louis XIV ordonna de nouveaux
ouvrages pour l’embellissement du palais
des Tuileries. Le pavillon du milieu n’avoit été
jusqu’alors décoré que des ordres ionique et
corinthien. Le Veau y ajouta un composite, avec
un a tti que surmonté d’un dômeen planquadrangu-
laire. Les colonnes de tous ces ordres sont de
marbre, et sur l’entablement s’élève un fronton,
avec accompagnement de figures. La manière dont
cet artiste a achevé le pavillon du milieu et les
ailes qui vont joindre les deux pavillons des
extrémités de cette façade est assez ingénieuse;
niais tous ces raccordemens n’ont pu redonner de
l’unité à cette ligne de bâtiment, ni l ’empêcher
de paroîti-e un assortiment plus ou moins incohérent,
d’élévations disparates, et dont il a été simplement
possible de coordonner les masses, à
l’uniformité de quelques lignes horizontales.
Le manque non-seulement de notions historiques
sur beaucoup d’artistes, mais même de
r e ns eigne'm e ns sur les ouvrages de l’époque où
vécut Le V ea u , nous empêche de pouvoir lui
attribuer avec quelque certitude plusieurs monù-
mens. On sait qu’il eut d’habiles élèves, entr’autres
d’Orbay {voyez ce nom) qui put ou coopérer à
ses ouvrages, ou lui succéder, dans leur exécution.
Il y a quelqu’apparence, que l’opinion publique
, comme cela arrive encore, aura pu se
méprendre entre l’inventeur du plan et de la
composition d’un édifice par le maître, et son
exécution ou son achèvement p a r l’élève. D’après
cela il serôit possible , comme on en trouve l’opinion
fort accréditée, que Le V e au fut lé principal
auteur du bâtiment appelé Collège des Quatre -
Nations à Paris , ouvrage dont le plan exigea
une très-grande intelligence, et dont l’élévation
présente, sur !Ie quai en face dû Louvre, un
aspect monumental qu’ il n’est pas très-ordinaire
de rencontrer. Le quai même et le revêtement dé.
ses murs, avant l’érection du pont de fer qui joint
aujourd’hui les deux rives du fleuve , furent composés
de manière à se raccorder heureusement
avec la masse du monument principal. Ce dernier
est formé sur le quai d’une assez grande partie
demi-circulaire, dont chaque extrémité se termine
, selon l’usage du temps, par un très-gros
pavillon décoré de pilastres corinthiens. Au
milieu du demi-cercle est le frontispice de l’église
en avant-corps, orné d’an péristyle corinthien avec
un fronton. Le tout est subordonné à la coupole
de l’église ornée en dehors de pilastres composites.
La forme de cette coupole,presque sphérique
en dehors, est elliptique en dedans. Au moyen de
cette ressource ingénieuse , l’architecte a su ménager
dans l’épaisseur des mûrs, des escaliers à
vis , qui conduisent aux tribunes et au comble de
l’édifice.
Généralement en louant, tant au-dedans qu’au
dehors, plus d’une disposition qui annonce ùû
homme possédant beaucoup d’habileté, à tirer parti
C c c ç