
accompagner les funérailles et les restes d’un
guerrier tel qn’Achille. On a conjecturé que
c’aurait pu être le tombeau de Fes lus, le favori
de Caracalla, qu’Hérodien nous apprend avoir
été inhumé en cet endroit.
. Un peu plus loin, à 220 toises de distance,
est un autre tumulus, ou monticule de la même
forme, mais moins haut, et dont le sommet semble
s’être abaissé par l ’action des. pluies*. et le laps
du temps. On regarde comme probable que c’est
là le monument, le rypet, élevé sur l’emplacement
du bûcher de Patrocle, et qui ne devoit
pas être loin de la sépulture d’A chille, dont on
a cru retrouver quelqu’indice, ainsi que du temple
qui l’accompagnoit.
Du reste, il ne manque, pour vérifier beaucoup
de notions antiques de ce genre, que le
temps et les moyens qu’ont rarement les voya- i
geurs, de faire des fouilles sur tout ce terrain,
rempli de buttes qui auront pu être des sépultures.
« Le temple et le tombeau d’A chille (dit
» Strahon) sont près du promontoire Sigée;-on
« y voit aussi les monumens de Patrocle et d’Anli-
« loque. Les liabitans d’ilium honorent d’un culte
» religieux tous ces héros, ainsi qu’Ajax. » .
Beaucoup d’indications et de renseignemens,
puisés dans le texte même d’Homère, ont porté
M. de Choiseul-Gouffier à reconnoître, malgré
sa haute antiquité, le grand Séma, comme l’appelle
le poete, ou le tum u lu s sépulture.d’Ilus,
fils de Dardanus. C’est une—chose remarquable
qu’encore aujourd’hui les habitans, ou Grecs
modernes, lui donnent le même nom. Beaucoup
d’autres monumens, du même genre, et de.différentes
grandeurs, n’ attendent que de nouvelles
recherches pour multiplier les découvertes qui
resteront encore long-temps à faire en ce-genre.
Ce qui sans doute.s’est opposé, et s’opposera
long-temps, dans tous les, pays de l’antiquité, à-
ces découvertes, c’est l’entière similitude de ces
monumens funéraires avec les buttes naturelles,
les collines, et les nombreuses élévations qu’on
rencontre presque partout.. Autrefois, il n’en
étoit pas ainsi. Nous avons déjà vu que des
constructions plus ou moins considérables étoient
établies au pied des tumulus, et en faisoient
le soubassement. Or., cet usage nous est également
révélé par Pausanias, à ,1’égard des
tumulusy dans la Grèce proprement dite, qui,
sur ce point, usa du même genre, .de sépultures.
Nous n’en citerons pour exemple que le
tombeau de Phocas, décrit par l’écrivain que
l ’on vient de nommer, liv I I , chap. 29. C’est,
dit-il, un amas de terre , xauct, et il est envi-,
ronné d’un soubassement circulaire appelé, crépis
en grec. On ne pouvoit donc, point,se -mé-.
prendre à ces buttes artificielles, lorsqu’on les-
trouvoit ainsi remparées.
Mais il est tout aussi indubitable que le sommet
de ces monticules factices, étoit surmonté:■
d un monument quelconque, soit sculpture, soit
architecture, portant, ou des inscriptions, ou
des symboles allégoriques, ou les signes mêmes
de la profession du mort, comme trophées
statues, armures, bas-reliefs, etc. Ainsi, sur le
tumulus de Misène Énée suspend et attache des
rames indicatives de la profession de son pilote.
Il paroîl que l’objet le plus ordinaire , auroit
été une colonne à laquelle on auroit facilement
groupé lès objets dont nous parlons. Homère
nous dit que Paris, lorsqu’il décocha la flèche
dont il perça le pied de Diomède, étoit monté
au haut du monument d’Ilus, et s’appuyoit contre
la colonne placée à son sommet.
Pline, liv. Y I I I , chap. 64, nous apprend qu’à
Agrigenle, on voyoit plus d’un tumulus élevé à
des chevaux, qui probablement reçurent, cet
honneur, pour, les victoires qu’ils avoient fait
remporter à leurs maîtres, dans les jeux du Stade.
Agrigenti compluvium equorum tumuli pyramides
habent. O r , ces tumuli 3 buttes ou amas rie
terre, ne pouvoient avoir, de ces pyramides qu’à
leur sommet. Mais que faut-il entendre ici pur
le mot pyramides? On est habitué à se figurer,
dans l’usage du langage, la pyramide sous la
forme des grandes masses de construction , qui
se sont conservées en Egypte. On sent, toutefois,
combien peu cette idée est admissible ici.
Cependant, comme la forme pyramidale, et le
mot qui la désigné., s’appliquent à d’autres corps
qui se terminent en pointe; tels "que les obélisques,
les stèles, nous croirons que, sur ces
tumulus élevés à des chevaux, on avoit simplement
placé certaines meta ou bornes, telles
qu’on les voit dans les cirques, et qui aussi, se
terminant en pointe, affectent la forme pyramidale.
Il est moins question ici de déterminer les
variétés d’objets, qu’on imposoit sur les sommités
des tumulus3 et les diversités du sens des mois
qui les expriment, que de constater l’ùsage de
terminer ces monticules par quelqu’objet apparent,
soit stèle, colonne, cippe; soit statue,
obéüsqne, pyramidé, pierre debout, etc. Aux
témoignages déjà cités, nous allons ajouter les
notions de deux des plus grands tumulus, qui,
probablement, aient été élevés dans l’antiquité,
savoir, le tombeau" d’Alyates, père de Crésus,
en Lydie, et le Mausolée d’Auguste, à Rome.
« ün voit en Lydie (voyez Hérodote y liv. 1,
» chap. q3 ) un ouvrage bien supérieur à ceux
» qu’on admire ailleurs ; j ’en excepte les monu-
» mens des Egyptiens et des Babyloniens. C’est
» le tombeau d’Àlyates, père de Crésus...., Son
» soubassement est de grandes pierres j le reste
» du monument consiste en leyée de terre.....
» De mon temps subsistpient encore, au som-
» met, cinq ouroi, où on lisoit des inscriptions
»•portant que, etc......Le soubassement du mo-
» nument a six stades deux plèthres de circuit,
» sa largeur est de treize plèthres. » C’est-à-
dire, selon le traducteur, M. Larcher, cinq cent
quatre-vingt-dix-huit toises deux pieds dix pouces
de tour. Ainsi’, dit-il, les deux petits côtés
dévoient être chacun de quatre-vingt-quatorze
toises trois pieds huit pouces.
Le plan de ce soubassement, d’après ces mesurés,
est facile à connoître : c’etoit un carré
ayant deux côtés, doubles en longueur des deux
antres, et c’étoit sur ce quadràn'gle parallélogramme,
bâti en grandes pierres, qui servoit de
soubassement ( crépis) au véritable monument,
que s’élevoit' ce dernier. Rien de plus simple
à imaginer.
On ne sauroit nier qu’ un tel soubassement,
Construit en pierres , n’ait été un ouvrage d’une
assez notable dépense. Mais enfin , ic i, comme
dans toutes les autres constructions, le soubassement
n’a jamais pu être regardé comme une merveille,
et l ’on'ne sauroit s’expliquer ce qui aurait
pu motiver l’admiration d’Hérodote, si tout
le reste n’a voit consisté qu’en une simple levée
de terre. Hérodote , cependant,'ne parle que
d’une montagne ou d’un monceau de terre, xapa
yns. J’ai dit montagne ou mouceau; ce put être,
en effet, une élévation naturelle, comme cela
eut certainement lieu dans beaucoup de tumu-
lus.-Ce put être aussi une butte artificielle, et,
si l’on veut, tout à la fois l’un, et l’autre, c’est-
à-dire ; une hauteur naturelle, . surchargée de
terre et ainsi exhaussée par l’art. Mais quelque
hypothèse qu’on adopte, rêste encore à chercher
ce. qu’il y avoit là , qui eût mérité d’être
vanté comme un immense ouvrage, epyov woÀAov
faÇirTov y à moins de supposer, ce que le commencement
de la description rend inadmissible ,
que l’écrivain n’anroit entendu parler que de la
grandeur linéaire, chose assurément bien peu
remarquable dâns une butte de terre.
Disons donc que le monument d’Alyates dut
être quelque chose de plus, que ce qu’indiquent
au sens simple; les mots y%s. Aussi ,'
M. de Caylus a-.il avancé que par le mot y??,
terre} il faliûit entendre non pas simplement de
la terré, mais de là terre cuite, autrement dit,
une construction en briqués. Nous ne croyons
pas qu’on puisse se permettre une telle interprétation;
d’abord, parce que l’usage de ces tombeaux,
formés d’une simple terre, fu t, comme
oh l’a v a , extrêmement commun. Tel étoit en
Grèce le tombeau de Pbocus, tûQos x-atCi6
entouré d’un soubassement , ' 7rsf>it%ofttvo$ KvzXa
Disons ensuite que lorsqu’il s’agit d’édifices
bâtis en briques ou en terre cuite i nous
voyons que les .écrivains grecs ne manquent
point de dire oji'lîjç y
Il y a , selon nous, une manière de concilier
l’idée trop simple qui résulte des mots d’Hé-r
rodote , %6>fxx yys , cigger terme 3 avec l ’opinion
311e. sa notion, trèsr-abrégée sans doute, force
toutefois de conCé^oir, c’est-à-dire celle d’une
vasté ôntreprise, qui ne le c^doit qu’aux immenses
travaux de l’Egypte et de Babylone.
Nous trouvons qe moyen de conciliation dans
un vaste tumulus 3 qui fut, à Rome, le mausolée
d’Auguste. Nous l’appelons tumulus y et,
d’après* l’idée élémentaire des monumens de ce
nom, on va voir que celte dénomination lui
convient parfaitement. D’abord, Slrabon, dans
courte notice qu’il en a donnée , l’appelle %cop.c*,,
cigger. Ensuite, des plantations d’arbres toujours
verts (probablement des cyprès) s’éle voient, dit-
i l , jusqu’à son sommet; ce qui prouve que sa
masse étoit formée de terre.
Nous ne croirons pas g en effet, que la magnificence
du mausolée d?Auguste, se seroit bornée
à être un monticule de terre rapportée sur
le bord du T ib re , et dont les pentes auroient
eu des arbres plantés, ce qui eût ôté au tumulu
sjusqu’à la forme de monument, et se seroit
trouvé bien peu en accord avec la statue
i colossale, en bronze, de l’empereur au sommet.
Ce qui reste encore aujourd’hui de-, ce vaste
tombeau, et qui se réduit à la partie circulaire
de sa périphérie inférieure, nous montre, qu’outre
’ le soubassement de marbre dont parle Slrabon,
il y avoit d’autres parties de construction. Aussi,
d’après L’indication de ces vestiges , et la no-
■dion de Slrabon, on n’a point hésité à restituer,
il y a déjà'lqng-=temps, la masse dé ce monument
; d’une manière qui répondît à son importance;'
ce 'qu’on a fait en établissant, dans toute cette
élévation, des terre-pleins et des murs de terrasses
eu amphithéâtre ou en retraite les uns sur
les autres. Et c’est alors .que l’on conçoit comment
des cyprès, plantés par étages sur ces
terrasses, ont pu faire un effet .théâtral, et conduire
l’oeil du spectateur, avec beaucoup d’agrément,
vers-la partie du sommet que couronnoit
la statue d’Auguste. JAinsi,
l’idée de (errasses ou de terre-pleins
par étages et plantés d'arbres, loin dé contredire
celle du tumulus primitif, s’y applique tout,
naturellement.. Sans doute, un tel monument
pouvoit être appelé %£{■ (■ * , cigger* .Cependant,
qui ne voit que l’addition des constructions de
l ’art, faites à celte butte de terre, dut, selon
la hàuléur et le nombre des périphéries, faire
de cette niasse un ensemble des plus dispendieux ?
Ne seroit-dl; pas permis maintenant de sup-
: poser, à l’égard du tumulus - d’Alyates, et pour
justifier la grande admiration d’Hérodote, que
i ce monument;, qui, ' "selon L’écrivain gree, ne
le cédoit qu’aux entreprises de l’Egypte et de
Babylone , au lieu1 dé n’être qu’une simple butte
de terre naturelle ou rapportée , auroit pu aussi-,
sans cesser d’être et de pouvoir être appelée
agger terras y présenter un composé de terrasses
circulant par étages, soit horizontaux, soit en
spirale, solidement construits, et s’élevant à une