
droit encore se garder d’attribuer l’absence de
cette pratique , soit à l’impuissance de ses artistes
, soit à la difficulté de l'invention. Le père
de toutes les inventions, en tout genre, a été,
et sera toujours le besoin. Naturellement 1 esprit
de l ’homme attend ses ordres ou ses inspirations;
'car ce seroit presqu’aller contre la nature , que
d’inventer de l’inutile. Si donc, nous trouvons
dans quelques constructions vraiment égyptiennes
, que l’art de bâtir qui y présida soit
resté eu fait de voûtes , à ce qu’on peut en appeler
l’ébauche et l’essai, il est bien démontré que
cet essai suffisoit, et au-delà , à l'effet qu’on en
voulait tirer. On est même tenté de croire, que
les pierres en dos d’âne ou en encorbellement,
étant ce qu’il y avoit de plus simple , et de plus
économique, étoient ce qu’il y avoit aussi de
mieux approprié à l’emploi qu’on leur donnoil.
Or ce que l’intérieur de la construction de la
grande pyramide et de ses conduits nous donne à
entendre, c’est que dans ce genre de masses, comme
dans tous les autres édifices égyptiens qui nous
sont connus, tout s’étoit trouvé soumis à des
formes si simples, et à des pratiques tellement ordonnées
^ et tellement en rapport en entr’elles,
que la forme et la pratiques des voûtés , y au-
roient *été complélement inutiles. Voyez Egyptienne
(A rchitecture).
Si donc on regarde l’invention des voûtes , et
la taille des pierres qui doit les produire, comme
quelque chose de difficile, nous dirons que les
hommes ne faisant point de choses difficiles, sans
y être poussés par le besoin, et les Egyptiens,
dans le système universel de leur art de b â tir ,
et d’après la nature et l ’étendue de leurs matériaux
, n’ayant pas dû éprouver le bèsoin des voûtes, ils peuvent être très-raisonnablement
considérés, du moins jusqu’à une certaine époque,
comme ayant ignoré l’art de voûter. Nous donnerons
encore plus bas , en traitant du principe
originaire de la voûte, quelques raisons propres
à expliquer l ’absence de voûtes9 dans l3ancienne
Égypte. Nous ajoutons toujours le mot ancienne
car il paroit que dans les siècles postérieurs, les arts
de la Grèce et de Rome, ayant pénétré dans ce
pays j non-seulement il s’y fit des 'voûtes grecques
et romaines, c’est-à-dire dans le système et le
style de l’architecture gréco-romaine, mais que
selon ce que nous ont appris quelques recherches
récentes, il y existe des constructions cintrées,
et que les hiéroglyphes qui les recouvrent, font
reconnoîlre comme ouvrage égyptien. Toutefois
ihconvient de faire observer, que les caractères
hiéroglyphiques ayant continué d’avoir cours ,
sous la dénomination romaine, on ne sauroit conclure
de celte indication , que ces parties de
construction aient appartenu à l’art antique égyptien
nnroit eu pour cause la puissance de l ’habitude
d’une p art, et de l’autre des institutions religieuses,
proprement dit.
A supposer, si l’on veut, l’absence de voûtes
en Égypte, il faudroit encore convenir, qu’elle
qui ne pérmelloient à l’art, ni changement
, ni aucune innovation daus tout ce qui
tenoit aux choses du culte. Or il paroît'assea
vraisemblable , que tous les monumens respectés
par le temps, en Egypte, furent des temples. Si
toutes les autres constructions ont p éri, peut-on
se permettre de décider qu’il n’y pas eu de voûtes ?
Te l est pourtant l’abus dans lequel le plus
grand nombre des critiques est tombé, sur bien
des points par rapport à la Grèce même. Si deux
ou trois monumens voûtés n’avoient échappé,
dans ce pays, à la destruction , on metloit encore
en doute que les Grecs aient connu l’art de faire
des voûtes.
Cependant ce qui prouveroit que ce procédé
de construction, n’est pas une de ces inventions
dues, soit aux efforts toujours rares du génie de
l’homme , soit à une longue succession d’essais et
de tentatives, résultat toujours lent de l ’expérience
des siècles, c’est que, ce qu’on connoît
de plus considérable en fait de voûtes parmi les
ruines de la Grèce, semble et est réputé appartenir
aux premiers âges de l’art en ce pays.
Ainsi avons-nous fait voir au mot T holos (voyez cet a r tic le ) , qui en grec signifie ce que
nous appelons du mot général coupole, que l ’art
de faire , non-seulement des arcs ou des cintres,
au lieu de plates-bandes, mais des couvertures
d’intérieurs en voûte , fut pratiqué dans la plus
haute antiquité. Nous avons cité pour exemple ,
l’édifice décrit par Pausanias, comme construit
en marbre, à Orchomène, et que cet écrivain
donne pour un monument, aussi beau qu’il y en
ait dans le reste du monde. Cet édifice, dit-il,
\ étoit le trésor de Minyas. Les voyageurs modernes
ont cru le reconnoîlre dans une rotonde en cou-
i pôle, dont on voit encore aujourd’hui les restes
au lieu dont parle Pausanias, Les dessins qu’on
en connoît, donnent bieii l’idée d’une grande
rotonde voûtée , mais dont l ’étendue toutefois ne
répondroit pas à ce que l’éloge du voyageur grec
semble devoir faire concevoir. Mais comme immédiatement
après il parle du tombeau de ce même
Minyas, quelques critiques pensent, qu’il seroit
plus naturel de voir ce tombeau dans le monument
qui subsiste. Quoi qu’il en so it, il est certain
qu’on y trouve un témoignage irrécusable
de l ’antiquité des voûtes sphériques et circulaire
, construites en pierres, chez les Grecs. Du
même genre, est ce qu’on appelle le tombeau
d’Atrée à Mycènes. Il a qnarante-cinq pieds de
diamètre, et autant de hauteur. Il est construit
tout en pierres, et il se termine en pointe. On
peut consulter sur ce monument l*ouvrage de
M. Gell.
Sans parler de plusieurs petits édifices , tels
que la Tour-des-Vents, ou le monument de Lysistrate
existans encore aujourd’hui à Athènes,
et dont le sommet seterminoit en voûte,i\ y
avoit dans cette ville, auprès du sénat des cinq-
cents (dit Pausanias), un édifice que l’ou appeloit
le Tholos, où les prylanes avoieut coutume de
sacrifier. Or ce mot tholos, étoit,synonyme du mot tholia, qui signifioit chapeau, bonnet, et ce
que nous exprimons-aussi aujourd’h u i, en architecture
, par le. mot calotte.
Notfs ignorons d’après le passage de Pausanias ,
de quelle matière étoit construit ce tholos. Eloit-
il en pierres, en briques , sa voûte ,étoit-elle en
construction ou en bois de charpente ? Il est
certain que les Grecs employèrent le bois à faire
de semblables voûtes .On en trouve la preuve, dans
la notion que nous donne le meme Pausanias , du
monument de Philippe , autrement dit \e Philip - peum. C’étoiten effet un bâtiment circulaire, dont
le, corps construit en briques, étoit entouré de
eolonues. Un assemblage de charpente formoit sa voûte, composée de solives qui, à leur extrémité
se trouvoient liées entr’elles, par un pivot de
bronze. .
Rien déplus précieux que celte notice, dans
laquelle nous aurons occasion de puiser une des
conjectures les plus vraisemblables , sur la théorie-
pratique de l’origine des voûtes.
Nous en aurons assez dit sur la partie historique
de cet art en Grèce, où l’on doit avouer toutefois,
que le nombre des autorités et des monumens est
infiniment moindre qu’à Rome. Outre mille raisons
inutiles à détailler, on doit dire que l’immense
pluralité des édifices ruinés de la G rè ce ,
est de temples, dont le système de construction
ne pouvoit guère admettre que des couvertures
en charpente, qui cépendant ont pu, comme on
l’a montré ailleurs , être conformées en cintre, et
offrir la configuration d’une voûte.
Quant aux arcades , le même abus de raisonnement
, qui a fait nier l’emploi des voûtes dans
beaucoup de pays , parce que leurs ruines n’en
montroient point de vestiges, avoit aussi porté
les critiques à croire que les Grecs n’avoient point
fait de portiques cintrés, puisqu’on n’en citoit
aucun reste , dans les débris de leurs villes.
Comment pouvoit on cependant imaginer, que les
Grecs, qui construisirent un si grand nombre de
théâtres , modèles de ceux des Romains, y au-
roient négligé cet alentour de portiques cintrés,
et d’arcades , qui en étoient l ’accompagnement
nécessaire ? Depuis qu’on a reconnu les restes du
théâtre de Bacchus à Athènes, il n’est plus possible
d’avoir un doute à cet égard.
On sait assez quelle liaison régna , dès les plus
anciens temps, entre la Grèce et l ’Etrurie, et
quelle communauté d’arts, d’usages , d’institutions,
de langage même, avoit uni ces deux contrées
dans les mêmes pratiques , dans le meme g oû t,
à une époque qui précéda la fondation de Rome.
Tout prouve q u e , dès celte époque, les Toscans
ou Etrusques , étoient habiles daus la construction.
Par ce mot on n’entend pas seulement l’art
de tailler les pierres , de les façonner en blocs
irréguliers , ou de les éqnarrir en masses parallèles,
ce dont on trouve eucore aujourd’hui des
preuves dans des restes de murs de villes , qu’on
croit être l’ouvrage de ces temps reculés ; mais
l’art de voûter, de tailler les pierres eu claveaux ,
en voussoirs, doit remonter à ces mêmes siècles ,
si l’on s’en rapporte à toutes les vraisemblances.
Nous avous fait voir au milieu des restes d’une
des plus antiques villes étrusques (voyez V ol-
t e r r e ) une porte de ville parfaitement conservée,
dans l’alignement de ses antiques murailles ,
et de la même épaisseur. Elle présente du côté de
la ville , comme du côté de la campagne, une
ouverture cintrée formant deux grandes arcades,
couslruiles de pierres taillées en. claveaux, et
d’un appareil aussi régulier qu’il soit possible.
L’antiquité de cette porte, attestée par celle
des murs ruinés de la ville, s’est trouvée constatée
encore, par un bas-relief de travail étrusque,
où la même porte, reconnoissable aux trois têtes
existantes encore sur le monument, ne permet
pas de douter de son antériorité sur l ’art très-
antique de la sculpture qui le copia.
Mais L’habileté des constructeurs étrusques, à
partir des temps les plus anciens, et leur savoir
dans la pratique des voûtes y sinon sphériques,
au moins cylindriques, trouve-un témoignage,
si l’on peut dire , éternel, dans une de ces entreprises
qui semblèrent avoir prédit la grandeur
de Rome. On veut parler de ces voûtes bâties par
les Etrusques, pour former le grand égout, q u i,
depuis tant de siècles , sert encore aujourd’hui au
même usage. La Cloaca maxima, par son immobile
construction, ne cesse pas de faire l’admiration
de tous les architectes. Elle est bâtie de
grandes pierres de taille, et couverte d’une triple voûte , sa largeur intérieure est de quatorze pieds.
En plusieurs endroits, elle offre trois divisions,
dont deux sont pour les banquettes , qui régnent
le long des murs , et la troisième, ou celle du
milieu ,,est pour l’égout.
Si Rome eut de si bonne heure pour maîtres,
dans la pratique des voûtes, d’aussi habiles constructeurs,
il ne faut plus s’étonner qu’un si grand
nombre de ses monumens ou encore intègres , ou
en partie ruinés, nous présentent des voûtes de
tout genre et de toute dimension.
Nous dirons donc en peu de mots , tant ces faits
sont connus , qu’on voit encore à Rome et conservée
dans leur premier éta t, des portes cintrées,
des voûtes en plein cintre, et à claveaux,
formant des arcs de triomphe bâtis en marbre.
Les aquéducs construits, les uns en pierres de
taille, les autres eu briques ou en maçonnerie de
blocage soit à Rome , soit dans tous les pays sou-
mis à la domination romaine , se composèrent
tou^ d’une suite innombrable d’arpades, quelque