
taillés le plus souvent en biseau, séparés chacun
par un listel montant. De chaque côté de ces
deux monlans, sont encore deux demi-canaux.
Les listels monlans et les canaux aboutissent à
une bande qui règne dans toute la longueur de
l’entablement. Sous- cette bande sont sculptées
les gouttes faites ordinairement en forme de petits
cônes, au nombre de s ix , quelquefois seulement
de cinq. Le triglyphe a encore ce qu’on appelle son
chapiteau; c’est une petite bande qui le surmonte.
La distribution des triglyphes dans la frise dorique,
a été l’objet de beaucoup de diversités d’o-
F inions, e t , à ce qu’il paroit, de difficultés dans
antiquité même, puisque Vitruve nous apprend
que plus d’un architecte a voit préféré- l’emploi de
l ’ionique , dans les colonnades des temples, pour
éviter l’embarras de l’ajustement régulier des
triglyphes f avec les diamètres des colonnes, et les
enlre-colonnemens. Rien de plus facile que cet
ajustement, lorsqu’on lui subordonne, comme
cela se doit, l’ordonnance, la disposition et le
nombre des colonnes, en sorte que chaque triglyphe
corresponde exactement à Taxe de chaque
colonne , et au milieu de chaque entre-colonne-
ment, de manière à avoir, entre deux triglyphes,
une seule métope exactement carrée. Mais si l’on
est tenu, n’importe par quelle raison , d’avoir des
enlre-colonnemens plu^) larges qu’il ne le faut,
pour l ’espace d’un triglyphe et de deux métopes,
on conçoit que la régularité ne peut plus se ren-
contrer avec de tels espacemens. Une autre diffi-
cubé de la distribution des triglyphes dans la frise
dorique , a été la nécessité de taire porter le triglyphe
de chaque extrémité d’une frise, sur l’axe
ou le milieu du diamètre de la colonne ^L’angle.
Deux systèmes, l’un chez les Grecs, l’autre, chez
les Romains et les Modernes, ont en lieu à cet
égard.
Il nous est prouvé par l’universalité des temples
d’ordre dorique en Grèce, que les architectes
flanquèrent l’angle de la frise par un triglyphe ,
qui dès-lors ne répondoit plus au milieu du diamètre
delà colonne d’angle. Pour rendre l’irrégularité
de cette disposition moins sensible, il con-
venoit de la faire partager aussi à la métope, qui
précédoit ce triglyphey ainsi voyons-nous que cette
métope se trouve elle-même portée, beaucoup
plus que les autres, et presqu’en entier, à l’aplomb
de la colonne d’angle. Sans cela il eût fallu la faire
infiniment plus large que le reste des métopes , ce
qui auroit, dans cette distribution, produit un
mécompte frappant. Au lieu de cela on gagna cet
intervalle en donnant de proche en proche un peu
plus de largeur aux triglyphes et aux métopes qui
vont terminant de chaque côté la frise. Il nous
paroît que les architectes, par cette méthode,
firent, Comme en bien d’autres cas, c’est-à-dire
qu’il considérèrent la disposition de la frise dorique
de leurs temples, uniquement en elle-même, et
selon ce qui leur parut le plus conforme à son
meilleur effet, sans s’inquiéter du manque de cor.
respondance absolue avec les axes des colonnes
ou les entre-colonnemens.
Vitruve enseigne une autre méthode qui paroît
plus naturelle, c’est de placer le dernier triglyp^A
avant l ’angle , à l’aplomb du milieu de la colonne
d’angle, et de laisser ainsi en face, ainsi qu’en vp.
tour, une moitié de métope faisant l’angle. Celle
méthode a été suivie par tous les architectes modéra
es , et véritablement, lorsque l’on ne remplit
point les métopes de figures ou d’ornemens et
qu’on les tient lisses, on est porté à préférer ce
système-
Il serait possible, que l’usage de sculpter desI
figures sur les fonds des métopes , ait fait désirer I
de n’avoir point à couper un sujet, ou à ployer un
ornement, partie sur un côté, partie sur i ’autre de
la métope d’angle. Il se pourrait encore que ces
triglyphes , placés aux angles de la frise, aient
paru en terminer mieux la ligne, et donner une
apparence plus grande de solidité à cette portion
de l'entablement. .
Piranesi partant du principe originaire des triglyphes,
comme représentant les bouts des solives,
a consacré plus d’une planche à la démonslra-
tion de ce système (dans sa Magnifiçenza de Rom
a n i). Il fait voir comment on peut supposer,
que des solives auraient pu être placées ,'de manière
à ce que les quatre côlés d’un temple à
colonnes, par exemple, auraient reçu et montré
des bouts de solives, tombant juste à l’aplomb de
chaque colonne. Il suppose, qu’à cet effet, un
rang de solives auroit été placé en iraversjvd’ua
autre , par le moyen d’entailles pratiquées dans
la moitié de l’épaisseur de chacune, à l’endroit
où elles se rencontrent, ce.qui aurait formé comme
un plancher en gril. Cette hypothèse.est faite pour
répondre à ceux q ui, d’après l’usage sans douie
plus ordinaire, de n’employer dans les plafonds
qu’un seul rang de solives, condamneraient l’emploi
des triglyphes, représentant des bouts de
solives aux deux côtés q u i, dans la réalité, n’ea
auraient pas pu avoir. Cet arrangement de solives
qui se croisent, sert encore d’argument contre le
système des triglyphes sur l’angle, puisqu’il ne se-
roit pas possible à deux bouts de solives effectives,
de se rencontrer à l’angle.
11 y a dans toutes ces matières certaines vérités
qu’on fausse, à force de lés presser par une réalité
trop matérielle. Ce que l’architecture a trouvé
d’objets ou d’idées à transporter, des bâtimens de
bois dans les édifices de pierre, . ne saurait se
comparer au modèle impérieux dés formes et des
proportions, que la nature offre aux autres arts
dans l’imitation des corps. L’imitation d’ouvrages, '■
qui sont déjà le produit plus ou moins arbitraire
des besoins d’uu genre de bâtir, n’a jamais pu enchaîner
le goût de l’artiste à une répétitionformelle.
La transposition dont n\>u.s avons tant de
fois parlé en ce genre, n’est qu’une métaphore
«ai comme telle, doit se borner à l ’esprit de la
chose, à une approximation libre, comportant plus
d’une restriction , et plus d’une modification. Ainsi
les Grecs eux-mêmes, auteurs de celte transfor-
maiion, l’ont-ils comprise et pratiquée, et la liberté
seule qu’ils ont prise, dans la distribution de
la frise dorique, nous en est une preuve,
Tel est toutefois le double écueil, où il est facile
de tomber dans le genre.d’imitation mixte qui appartient
au système de l’a reh i lecture. Le bon sens
conduit par le goût, et le goût réglé par la raison,
peuvent seuls préserver de l’abus qui, d’un côté
comme de l’autre, environne cette imitation. La
servilité mettra des bornes inutiles et importunes
aux dispositions de l’architecte , et l’entière indépendance
le poussera dans les champs sans bornés
motifs d’ornement, des analogies de formes, qui
par le fait même de la transposition qu’ils subissent,
du caprice.
Déjà dans l’antiquité (romaine du moins), nous
voyons l’ancienne distribution des triglyphes et
leur accord avec les diamètres et les entre-colon- ;
oemens , devenus tout-à-fait arbitraire. Ainsi le I
temple dorique de Cora nous fait voir trois triglyphes
dans un seul entre-colonnement -, et le côté
droit du temple a un entre-colonnement qui en
renferme quatre. On voit bien que cela dut procéder
d’un espacement entre les colonnes , plus grand
que le caractère de l’ordre dorique ne le comporte.
( Voyez l’arti-ole C o r a .) Mais on doit croire
qu’il dut arriver à cet ornement de la frise dorique,
comme à beaucoup d’autres, de perdre avec
le temps sa signification primitive* Il est à peu près
indispensable que la chose arrive ainsi, par l’habitude
qu’on prend d’intrôdnire indistinctement, et
sans égard au sens et à l ’esprit de chacun, presque
tous les: orne mens des édifices, sur beaucoup d’objets
étrangers aux convenances de l’arehi lecture';
De cet emploi purement arbitraire', quelques-
uns ont conclu que l’origine des triglyphês, en la
supposant véritable, n’imposoit pas l’obligation
d’en respecter bien fidèlement la disposition. Mais
que peuvent des triglyphes taillés sous des corniches
de piédestaux, comme on en voit dans l’antiquité
romaine, ou sur des sarcophages , à l’instar
du célèbre tombeau de Scipion , découvert il y a
une cinquantaine d’années aux environs de Rome?
Que de choses les sculpteurs d’ornement et les décorateurs
n’admettent-ils pas dans leurs ouvrages
pour le seul agrément, et sans plus d’importance ,
quen’en demandent des objets auxquels on est habitué
à n’imposer d’autreobligation, que celle de
plaire aux yeux!
Les hommes üe font guère en général dans
leurs inventions, que des emprunts d’un ordre de
choses à un autre. L’architecture elle-même reposé
*ur des assimilations d’emplois , de formes , de
rapports. On ne saurait donc ni empêcher, ni
peut-être trouver mauvais, qu’un grand nombre
d’objets et d’ouvrages de besoin, de luxe ou de
goût, aiènt été chercher dans les besoins', le luxe
et le goût de l’architecture dont ils dérivent, des
perdant la vérité primitive de leur emploi
dans l’original, doi v en l'être jugés dans la copie,
d’une manière tôul-à-fait relative. Si un sarcophage,
par exemple, à son couvercle taillé en
froDton, ira-t-on exiger de cette couverture, des
rapports de proportion avec les colonnes qui semblent
le supporter , comme on le fera pour un édific
e ? Conciliera-t-on de l’exiguïté des colonnes
rapelissées, qu’il sera permis à un péristyle réel,
d’avoir les désaccords et les irrégularités de la
Copie capricieuse que le hasard en a faite ? N u l,
sans doute, ne tirera de là ces conséquences absurdes.
il en sera de même des membres d’entablement,
dont on couronne une multitude de peiils
monumens, comme autels , ci Dp es , piédestaux,
meubles, etc. Qu’on y place arbitrairement des
miaules, des modillons, des denticules, des triglyphes
, des métopes, que conclure de là en faveur
d’un emploi également arbitraire de toutes ces
choses dans l’architecture ?
Mais i c i , le comble de la déraison seroit de prétendre,
comme quelques-uns l’ont fait, que puisque
ces membres et ces détails d’ornement sont au
fond insignificatifs, et toul-à-fait arbitraires , dans
les emprunts qu’on en a faits à^ l’architecture, ils
doivent être considérés de la même manière dans
les édifices.
En fait de goût, il faut bien se garder de tirer
avec rigueur, les conséquences des conséquences.
Ce qui ne seroit pas toujours exact, à l’égard des
vérités qui.reposent sur des; faits positifs, deviendrait
tout-à-fait absurde, appliqué à des choses
de sentiment, dont la vérité morale n’est soumise
à aucune évidence matérielle. L’espèce d’imitation
qui fait le charme et le mérite de larchitec- •
ture grecque, n’a point, comme nous l’avons répété
bien des fois, de principe absolu et reposant sur
une nécessité physique. Elle n’est autre chose
qu’un accord du goût et de la raison. On la fera
disparaître dès qu’on voudra la juger par le goût
sans la raison , ou par le raisonnement sans le goût.
Voilà pourquoi cette sorte d’imitation analogique
n’ayant rien de mathématiquement certain , comporte
un assez grand nombre de conventions, sans
lesquelles elles cesserait d’être possible, ou ne le
seroitqu’en devenant absurde et ridicule. Dès qu’ il
1 faut y admettre des conventions, voilà le goût
appelé à lui donner des règles. Mais les règles du
goût ne sont obligatoires que pour le sentiment.
Rien, en ce genre, ne se démontre à la raison,
qui n’est pas l’organe propre à discerner ces cho^esi
O r , l’imitation dont il s’agit, ne pouvant et ne
devant être ni copie , ni répétition positive de son
modèle, comporte un assez grand nombre d’exceptions
, ou pour mieux dire dé libertés, dans les
ressemblances quelle produit. Et il suffit d’examiner
l’etnploi seul du triglyphe, et son application
à l’architecture la plus régulière, pour voir que
V v v a