
gueur. On y admire la voule merveilleusement
décorée de caissons , et de peintures de plus d’un
excellent peintre. L’antre partie du bâtiment, où
l’on arrive par un escalier qui s’embranche avec le
précédent, donne sur la Peschiera, et est destinée
à des bureaux d’alïaires. Il n’y eut réelle ment
d’achevé par Sansovino y que la construction de
l’emplacement qu’occupent la bibliothèque, le
muséum et l'escalier. Nous aurons occasion de
revenir sur ce grand édtlice , à l’occasion d’acci-
dens qui y survinrent dans la suite.
Nous ne devons pas oublier toutefois, avant de
quitter ce monument , de faire mention d’uue
prétendue difficulté architectonique , dont Scinso-
V'.no occupa alors tous les architectes, et dont il
crut avoir trouvé la solution. IL s’agit deTâ' frise
dorique et de la division uniforme des triglyphes
et des métopes , qui en constituent l ’ornement.
Les Grecs, daui lés colonnades doriques de leurs
temples, en tenmaoient les angles, par un trigly-
phe qui ne tombait pas exactement à l’aplomb de
l’axe de la colonne d’angle j et ils éjargissoient
graduellement l’espace des métopes, aux extrémités
de la frise. Les Romains ayant beaucoup
modifié les proportions et le caractère de l’ordre
dorique, au lieu de terminer l’angle de sa~ frise
par un iriglyphe, trouvèrent'plus analogue à leur
nouvelle disposition, d’y établir une demi-métope ;
et c’est ainsi que Vitruve l’enseigoe, en se servant
du mot semi-métope. Maintenant les architectes
modernes et les commentateurs, au lieu d’entendre
cette demi-métope dans un sens qui exprimât
une mesure approximative, et par le fait, une
métope coupée en deux parties égales de chaque
côté de l’angle, s'imaginèrent qu’il fa doit qu’elle
lût dans toute la rigueur mathématique, la moitié
précise de la métope courante clans la frise,
ce qui ne peut pas être,-dès qu’on fait tomber
l’angle de l’architrave à l’aplomb du nu de la colonne.
Sansovino opérant ici non sur une ordonnance
de colonnes isolées , mais sur des demi-
colonnes adossées à des piédroits, imagina de
donner , non à la colonne d’angle , mais à un pilastre
d’angle, le supplément d’un corps en retraite,
ce qui lui permit d’alongée l’eutablement,
et par conséquent d'élargir l’espace de sa métope
d’angle. Voilà toute la solution de ce problème,
dont on ht alors du bruit, mais qui, comme on le
voit, ne méritoit ni d’être proposé, ni d’être résolu.
En 15 3 a , le feu avoit détruit une grande partie
du palais Cocnaro, celui qui donne aussi sur le
grand canal-, près de Saint-Maurice , et qu’on
distingue par ce surnom.Georges Gornaro, procurateur
de Siint-Marc,conçut l’idée d’en rebâtir un
beaucoup plus magnifique, et il en coniia l’entre-»
prise à Sansovino } qui sut répondre à ses in tentions,
par un des plus beaux projets que l’architecture
ait exécutes. Aussi lisons-nous dans la
description qu'en donna. François son fils, ce peu
de mots qui suffisent à l’éloge de ce palais. « pa
» sa situation (dit-il), par sa magnificence sa |
» grandeur , la beauté de ses matériaux , sa cons»
» truction, la jusiesse de ses proportions il
55 occupe un des premiers rangs parmi les ph,s
» mémorables édifices de Venise. » Sou plan of-
Ire les dégagemens les plus commodes, les distri.
butions les plus variées» Son élévation en trois
étages, porte sa masse à une h au leur, qui-le fait
dominer avec beaucoup de noblesse sur ce qui
l’entoure. Les proportions de chaque ordonnance
sont fort régulières. On an voit désiré moins de
hauteur à l’entablement de l’étage supérieur. La
cri ri que a reproché à Sansovino d’avoir dans son
atrium y du côté du grand canal, aminci les murs
latéraux , en sorte que le mur de l’étage supérieur
se trouve porter à faux dans une partie de son
épaisseur. On voit que l’architecte se permit celle
infraction aux lois de la solidité j.pour faire voir
une portion de pilastres d’angle se raccordant
avec la retombée des cintres. Mais on pense
qu’un architecte du_ mérite de Sansovino, ne
devoit pas avoir besoin de cette ressource défectueuse.
Les beaux ouvrages que cet architecte avoit
déjà construils à Venise, propagèrent sa réputation
par toute l’Italie. Rome, qui avoit vu naître
son talent dans l’architecture, auroit voulu jouir
des fruits de son âge mûr, et l’appeloît à la cour
du Pontife. De son côté, la ville de Florence, où il
avoit débuté dans la sculpture, le sollîeiloit pour
y venir faire la statue de celui qui lui avoit rendu
la liberté, par la mort d’Alexandre de Médicis.
Sansovino résista aux instances de toutes ses invitations,
et ne songea plus qu’à porter à fin 1«
grandes entreprises commencées à Venise, et à
répondre aux espérances que celle ville avoit
conçues de son génie.
. Bientôt, sur un des côtés du campanile de
Saint-Marc, il construisit une loggia destinée à
des reunions de nobles vénitiens pour converser
on conférer entr’eux. Ce petit édifice est un peu
elevé au-dessus du niveau de la place : par quelques
degrés , on arrive à une petite terrasse environnée
d’une balustrade dans ses trois côtés. De là
s’élève la façade ornée de huit colonnes d’oidre
composite, engagées dans le mur, et qui soutiennent
un entablement continu. Trois grandes
arcades s’ouvrent dans les trois plus grands enlre-
colonnemens. C’est par elles qu’on passe, pour monter
dans la grande salle. Les quatre autres entre-co-
ionnemens sont pins étroits , et reçoivent des niches
fort ornées. Au-dessus , et à l’aplomb des arcades
, est un attique orné de bas-reliefs en coro-
partimens, qui, par leurs mesures, correspondent
exactement aux divisions de l’étage inférieur. Le
tout est couronné par une balustrade, qui règne
sur les trois cotés de l’édifice , construit des plu*
beaux marbres, et décoré de statues et de bas-reliefs
de la plus belle exécution. Le projet avoit élu
d’environner
d’environner d’un corps semblable chacune desJ
trois autres faces du campanile.
Sansovino , dans le rétablissement qui eut lieu |
de l’église du Saint-Esprit, fut chargé d’en faire
le choeur et la façade, qu’il exécuta avec beaucoup
de succès, vers l’an 1 5 4 a. Ce fut à la même épo-
qu’il éleva un des plus superbes palais de
tVenise, sur le grand canal, près de San Saiva-
;,01.e pour Jean Delphine. On doit y remarquer
! surtout, la cour et l’escalier , pour la beauté des
orne me ns, et tout l’intérieur pour son heureuse
, distribution. . , ,
L’église de Suinl-Fantin avoit été commencée
en i5oi , d’après les dispositions testamentaires
jxhi cardinal Zenon, neveu du pape Pie II. Malgré
des efforts de ceux qui en entreprirent la construction,
l’édifice étoit loin encore d’être achevé en
j553. R y manquoit ce qui devoit en être le sanctuaire.
Le manque de fonds avoit été la cause de ce
delai. On vendit enfin plusieurs maisons de la succession
du cardinal fondateur, et de ces deniers
Sansovino fut chargé de. ter miner le monument,
en ajoutant à son extrémité, la très-belle chapelle
qu’on y admire, et qui, maigre le soin qu eut
l’architecte .d’assortir sa composition au reste de
l’é«lise, n’en lait pas moins remarquer 1 ex Ire me
supériorité de.son goût, sur celui qui. avoit présidé
à l’érection de tout le reste, ou rien ne semble
répondre aux intentions de richesse et de magnificence
, que le fondateur avoit énoncées dans
son. testa ment.
Vers l’an 154-5 , Sansovino s’occupa de terminer
les grands travaux du monument de la Bibliothèque,
et il ne s’agissoit plus que de voûter
de l’autre côté, la partie occupée par les bureaux
des trois Piocuralies j mais la voûte a peine terminée
s’écroula. On attribua cet accident à diverses
causes. Selon les uns, c’etoit incurie et nial-
jfaçon de la part des ouvriers. C’étoil , selon d autres,
l’effet d’une gelée ex traordinaire , survenue
celle armée, On prétendoit ailleurs-, que l’ébranlement
avoit été causé par des déchargés d artillerie.
Le plus probable est que l’architecte avoit
trop compté sur ses armatures en fer. Ce malheur
eut les suites les plus iâcli eus.es pour Sansovino.
Il fut mis en prison , destitué de son emploi d architecte
en chef, e,l condamné à payer mille écus
d’or, eu dédommagement de la perte occasionnée
par sa faute, ainsi qu’on le crut alors. Il paroil
toutefois que Sansovino parvint^ se justifier. Ses
nombreux amis , et Aretin à-la tête, écrivirent en
sa faveur. Meiidpzza^ ambassadeur de . Charles-
Quint auprès de la république de Venise, sollicita
son élargissement. L’affaire enfin s arrangea, Sansovino
sortit de prison , et ce qui fait croire que ce
ne fut pas à titré de grâce, c’est que l’amende.à laquelle
on l’avoit condamné, lui fut remboursée ,'
qu’il fut réintégré dans son emploi, .et payé de
nouveau, pour le rétablissement de la voûte-,;
qui ne-fut plus faite, en pierre , mais en char-
Diction. d*Archit. Tome I I I .
pente, avec un lattis de roseaux , sur lesquels fut
appliqué l’enduit qui en forme la décoration.
J,e nombre des monûmens construits par Sansovino
, est tel, qu’on doit se contenter d’en citer
plusieurs, ne pouvant les décrire tous. Souvent,
dans le choix qu’on fait de quelques-uns , on se
décide plus par la célébrité qu’ils tirent de leur
importance, que parle mérite intrinsèque de leur
architecture. Ainsi, l’on ne trouve que de courtes'
mentions sur des édifices qui feroient la réputation
de tout autre. Telles sont l’église dè Saint-Martin
près l’Arsenal, celle des incurables, dans la
forme d’une ellipse , l’école de San Giovanni degli
Schiavoni, et divers ouvrages , parmi lesquels il
eu est qu’on attribue à d’autres architectes, ce qui,
à- vrai dire, n’a lieu, que parce que Sansovino ,
comme tous les grands artistes, eut plus de copistes
encore que d’imitateurs.
Une grande construction qui lui appartient exclusivement,
fut celle qu’on a appelée \esfabncke
nuove di Pialto, bâties sur le grand canal, pour
l’utilité du commerce. L’édifice est à trois étages.
^ Le rez-de-chaussée oilre un portique de vingt-
cinq arcades. Pareil nombre de feneires leur
correspond dans les. deux étages supérieurs. Des
boutiques occupent le bas , et de chaque boutique
un escalier conduit aux pièces d’en haut. Une
disposition vicieuse dans les murs de 1 intérieur,
qui ne portent pas d’aplomb les uns sur les
autres, y a occasionné de fréquentes réparations.
On regrette que la solidité ne se soit pas trouvée,
dans cette construction, unie à la beaute de son
ordonnance.
Sansovino avoit aussi donné un projet, pour le
célèbre pont de Ri alto. La république, .alors engagée
dans une guerre contre les ’iurcs , ne put
donner suite alors à'celte entreprise, et le projet
de Sansovino fut oublié, dans la suite. avec ceux
dé beaucoup d’autres célèbres compétiteurs.
Il faut citer comme un des ouvrages recommandables
de cet architecte , son église de San
Geininiano , au fond de la place de.Saint-Marc ,
dont on ne peut plus parler aujourd’hui que par
souvenir , ou d’après les plans et dessins qu’on en
a conservés. Elle a été déliai le récemment, pour
opérer la communication entre les deux bati-
mens des Procuralies anciennes et des nouvelles ,
qu’elle interceptoit ; et l’on doute que cet avantage
ait compensé , pour la ville de Venise , la
perte d’un monument que beaucoup de titres au-
roient dû rendre précieux. Cette église avoit
reçu en j5o5 une sorte de commencement, et sa
principale chapelle avoit été élevée sur le modèle
de Cristophoro dal Legname, sculpteur et architecte.
En 15 5 6 , Sansovino fut chargé d’en compléter
l’ensemble. Son premier soin.(et c est un des
principaux mérites qu’on y admira) fut de ^coordonner
ayec autant d’habileté que de goût , le
cintre de la chapelle déjà existante, et son entablement,
avec l’ordonnance générale du reste de
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