
persistèrent dans ce goût sage $ pur et grandi osé ,
auquel cette ville doit d’être encore aujourd’hui,
dans ses monumens, une des belles écoles de
l’architecture.
Il devint architecte , comme beaucoup l’ét'oient
devenus avant lui, sans avoir fait de l’art de bâtir
sa première ou principale étude. Né de parens
très-honorables, mais déchus de leur fortune
par l’effet des causes politiques, Silvani_, tout en
se livrant aux occupations du négoce dans la maison
de son père, nourrissoit déjà la passion qui
devoit faire de lui un artiste célèbre. J1 fut placé
pour apprendre la sculpture chez Valerio Cioli,
un des plus habiles maîtres de ce temps; mais il
le perdit au bout d’un an. Il perdit encore au bout
de trois mois de séjour dans son école, le célèbre-
Bandini. Une autre sorte de fatalité l’empêcha
d’entrer chez Jean de Bologne. Un sort plus heureux
le fixa chez Jean Caccini, ou^l trouva enfin
à être employé selon son mérite.
Il faut lire dans Baldinucci, qui en fait mention
avec le plus grand soin, les détails de tous les travaux
auxquels Silvani dut enfin sa réputation
comme sculpteur, et les occasions qui le firent
architecte.
Ce fut en 1612 qu’il fut chargé de rebâtir la
grande chapelle de Saint-Pierre-Majeùr : il en fit
le modèle de relief, en donna les dessins, et exécuta
en entier l’ouvrage tel qu’on le voit aujourd’hui.
,
Versée*même temps, le grand-duc Cosme II
ayant dessein d’agrandir le palais Pitli, commanda
un modèle à Silvani , en concurrence avec Jules
Parigi. Il nous manque un dessin pour bien comprendre
l’idée que Baldinucci nous a transmise
du projet de Silvani. Sa description donne toutefois
à croire que ce fut une très-grande conception.
Peut-être que sa grandeur même en empêcha
l’adoption. Il arriva, comme on l’a vu souvent
ailleurs, qu’on se rabattit au projet le plus économique
, celui de donner deux ailes au palais.
. Silvani ne fut pas plus heureux dans le projet et
le modèle de palais, que lui avoit commandé l’archiduchesse
d’Autriche, Marie-Madeleine, pour
sa campagne de Poggio Impériale. Silvani étoit
un homme, doux, modeste, ennemi de toute brigue,
qui ne paroissoit jamais que quand il étoit
appelé; et il ne mauque jamais d’hommes qui, sans
être appelés, et même parce qui’on ne les appelle
point, se présentent toujours les premiers. Or,
notre architecte trouva long-temps sur son chemin
de pareils hommes. Cependant il dut à la meilleure
de toutes les protections, celle du talent,
d’assez nombreuses occasions de l’exercér , d’agrandir
le cercle de ses entreprises , et d’augmenter
sa fortune. Jusqu’alors les travaux de la sculp- I
ture y avoient prfcsqu’uaiqiveraenÉ contribué. Mais \
ayant épousé la petite-fille du célèbre Bernard*
Buontalenti , dont il: eut quatorze enfans -, il dut
s’adonner de préférence ;à« ^architecture.
Il se roi t difficile, dit Baldinucci, denotnW
tous les ouvrages qui remplirent le cours de
longue vie. Nous trouvons qu’il refit à neuf le D1
lais du comte Alberto dé Bardi; qu’il en éleva un
autre très-grand et très-beau au podestat de Mon
taie; qu’il restaura et embellit la chapelle des
Salviati dans l’église de Santa Croce; qu’il exécuta
•-d’après son modèle-, une très-belle maison de 1 campagne pour le sénateur Alexandre Guadaenb
qu’il termina le bâtiment de Pierre Guicardini>
ainsi que le grand escalier et la chapelle commencés
par Gigoli, èt que la mort l’a voit empêché
“d’achever,; qu’il restaura et refit dans un goût
plus moderne l’église de Saint-Simon, avec la décoration
du grand autel , du choeur et des cha-
; pelles; qu’à yolterra il termina un palais pour 1 amiral Inghirami, qu’il lui commença Une maison
de campagne, ouvrage que la mort de l’amiral fit
abandonner,
A Pistoia, Silvani acheva la plus grande partie
du nouveau palais de la Sapienza , à Florence
l’oratoire commencé jadis par Caccini son maître.
On met au nombre de ses plus grands travaux
la restauration, ou pour mieux dire le renouvellement
du palais de Luc a degli Albizzi , et ou l’on
admira l'habileté avec laquelle il sut, profitant
des vieilles bâtisses, les transformer en une toute
nouvelle architecture. Tous les travaux qu’on
vient de citer , il les exécuta dans Le court espace
de six années.
L église desThéalins avoit été commencée par
Matteo Nigetti , qui en négligeait l’exécution. On
fut obligé de lui donner un successeur. Silvani [wi
chargé non de continuer, mais de recommencer l’entreprise.
Il lit un nouveau modèle sur un plan beaucoup
plus étendu , et il trouva on moyen ingénieux
d’augmenter le local destiné à l’habitation
des religieux, placée sur un espace étroit, et qui
ne permettait aucun agrandissement, Il rebâtit
dans le même temps le couvent de Sainte-Marie
des Anges, dont étoit supérieur son frère don Salvador
Silvani.
Le savant Jean-Baptiste Strozzi commanda à
Silvani de lui faire une façade pour son palais,
près de la Trinité. Strozzi étoit aveugle.. Mais
telle- étoit alors l'influence des moeurs , particuliè-
ment sur l’architecture, que tout homme riche
devoit annoncer par l’extérieur de sa maison , son
goût et son amour pour lés arts. Ainsi , quoique
privé, par son infirmité , de pouvoir jouir de ia
décoration de son palais, Strozzi n’en eut pas
mojns l’ambition de payer1 son tribut à l’usage de
son temps, et l’on rapporte qu’à défaut de la vue,
le tact lui servit à .connaît ra et à'juger le modèle
queSilvani 1 ui présenta. On peut, ce nous semble,
affirmer que ce nouveau moyen de critique ne le
trompa point, èt-l’on s’eu convaincra en voyant la
façade de ce pillais* rapportée’par Ruggieri, tom-O,
pi. 5,2 de son Studio dl slrchittetura civile.' Milizia,
dans- la vie extrêmement abrégée d’un des aïolùtectes
les plus féconds qu’ait produits la Toscane,
’a consacré que deux lignes au jugement de ce palais
qui, dit-il, a trois étages mal proportionnés.
On ne voit pas sur quoi repose cette laconique
censure. Lès trois étages dont il s’agit, nous pa-
roissent au contraire offrir, non pas si l’on veut,
un modèle de façade bien original, mais très-certainement,
une conformité fort heureuse, avec les
meilleurs ouvrages du seizième siècle. Silvani}
comme Baldinucci nous l’apprend, ne fit autre
cbosê que la façade de ce palais {laJacciaia di sud
■ casa). Dès-lors il dut l’adapter à des divisions en
largeur et hauteur déjà données; C’est donc des'
détails qu’il faut porter un jugement, plutôt que
de la conception d’un nouvel ensemble. Or, on
peut affirmer; que toutes les formes des fenêtres,
que leurs chambranles, les ordres qui les décorent,
que les intervalles des étages, que la porte d’entrée,
les pilastres qui la flanquent, ainsi que ceux
des angles du bâtiment, [’entablement dorique
qui les surmonte , sont autant de parties et de détails,
où se retrouvent le style* la manière et les
principes des plus habiles prédécesseurs de Silvani.
Peut-être y auroit-il à critiquer, dans cet ensemble,
comme un peu étrangères à la composition,
les petites fenêtres de nécessité , en oeil-de-boeuf,
de l’étage d’en haut. Peut-être encore y desireroit-
on un entablement qui couronnât toute cetle
masse , d’une manière plus digne d’elle.
• Il faut citer comme un des meilleurs ouvrages
de Silvani et des beaux monumens de Florence,
le palais Capponi {in Via largo)-. L’architecture,
outre mille difficultés dépendantes des sites, des
terrains, et de toutes sortes de sujétions qui entravent
le génie de l’artiste, éprouve encore de plus
grands obstacles de la part des ordonnateurs, qui
souvent veulent plus qu’ils ne peuvent, et après
avoir accepté des projets au-dessus de leurs
moyens, se trouvent forcés de les rapetisser ou de
les laisser imparfaits. C’est ce qni arriva au palais
Capponi. Le propriétaire se lassa de l’entreprise
qu’il avoit approuvée, ou plutôt de la dépense
qu’elle exigeoit. Il obligea Silvani d’en réduire
l’élévation déjà fort avancée. Or, on conçoit ce
que peut perdre, aux yeux des gens de goût, un
édifice dont tous les rapports avoient été calculés,
lorsqu’on envient, par la suppréssion d’une partie
de son élévation, à lui donner une largeur qui
semble alors disproportionnée. Malgré ce défaut,
qu’on ne doit pas imputer à l’architecte, ce palais
est encore un des plus remarquables monumens de
l’architect ure toscane.
Silvani éprouva un désagrément d’un autre
genre, au palais qu’il fit pour les frères Castelli, riches
négociant de cette époque , et qu’on appelle
aujourd’hui le palais Mamcelli. Les. frères Castelli,
avant de s’adresser à Silvani s’étaient ingéré à en
donner eux-mêmes les projets, et en avoient
commencé l’exécution sous la direction de gens
feu versés dans Fart. Ils eurent enfin recours à
Silvani3 qui fut obligé, pour réduire à un meilleur
dessin, les constructions malhabiiement commencées,
sans perdre tou te la dépense déjà faite, de
se soumettre à des données fort gênantes , tant de
la part dès travaux qu’il falloit conserver , que
pour satisfaire aux caprices des propriétaires.
Toutefois ce palais , considéré surtout dans sa façade,
fut jugé en son temps, et l’est encore aujourd’hui
, comme un des excellens ouvrages entre
tous ceux qu’on admire à Florence.
La réputation de Silvani s’élevant de jour en
jour, le grand-duc Ferdinand 11 ne crut pas pouvoir
confier à un talent plus éprouvé la place
d’architecte de la cathédrale, qui venoit de vaquer
par la mort de Jules Perigi. Ce grand édifice avoit
besoin de plus d’une réparation. Silvani y en
opéra de plus d’un genre, et des plus importantes,
soit en déchargeant les reins des voûtes du poids
de matériaux inutiles qu’on y avoit laissés, soit en
renouvelant plusieurs parties de charpente, tous
travaux qui améliorèrent singulièrement la construction.
Mais il eut encore l’ambition de donner
-enfin un frontispice à celte grande basilique, qui,
comme plusieurs autres à Florence, étoit restée
imparfaite dans sa façade. Cependant son projet
n’eut.pas plus de succès que beaucoup d’autres, et
Sainte-Marie-des-Fleurs, ce chef-d’oeuvre du quinzième
siècle, est arrivée jusqu’au dix-neuvième,
sans avoir pu recevoir ce complément, sujet perpétuel
de concours et de débats restés sans décision.
Le vieux pont de Pise était tombé dans une crue
d’eau du fleuve, l’an ?635. Il fut question d’en
rebâtir un nouveau. Silvani fut appelé pour en
donner les dessins. Son avis étoit de diminuer, autant
qu’il seroit possible, le nombre des arches, et
par conséquent des piles. Il proposoit de faire le
pont à .une seule pile, c’est-à-dire de deux arches,
ou de trois arches, avec deux seules piles; et il en
présenta le modèle, avec l’engagement de terminer
Je tout au plus tard en trois années. Mais survint
entre les concurrens un certain Bariololti,
qui se fit fort d’exécuter le pont sans pile et d’une
seule arche. Il le fit en effet, mais le premier janvier
1644, le pont s’écroula. Plusieurs années s’écoulèrent,
et après un assez long temps, on en
vint à le rebâtir avec trois arches et deux piles,
selon le projet de Silvani. Toutefois:il n’eut pas
l’honneur de l’exécution. Son grand âge l’eût empêché
de se livrer à ce travail, et l’ouvrage fut
confié à Francesco Nave, architecte romain.
Aucun architecte n’a peut-être à offrir une liste
d’ouvrages aussi nombreuse que Silvani. Ce qu’on
peut attribuer à trois causes,[’infatigableactivité de
l’artiste, la longueur d’une carrière poussée jusqu’à
quatre-vingt-seize ans, mais surtout l’état de l’architecture
, et le goût, ou pour mieux dire, l’usage
du temps où il vécut. Chaque âge amène avec soi
des causes différentes, dont les effets se réalisent: